par Maarten-Jan Bakkum, Stratégiste Actions Marchés Emergents chez ING IM
En avril, lorsque les autorités chinoises ont annoncé de nouvelles mesures de stimulation, il semblait que la croissance de la demande chinoise allait pouvoir redevenir un moteur de la croissance des marchés émergents après l’été. En juin, on a observé les premiers signes indiquant que l’accélération de l’assouplissement de la politique économique commençait à porter des fruits : la croissance des crédits et la croissance des investissements en infrastructure se sont clairement améliorées par rapport au niveau moyen des cinq premiers mois de l’année. Depuis lors, le commerce mondial a connu une forte détérioration, ce qui a eu un impact considérable sur le secteur manufacturier chinois. Ceci est la principale raison expliquant la faiblesse de la croissance chinoise au cours des derniers mois.
Le problème n’est pas que l’assouplissement de la politique ne fonctionne pas – des signes d’accélération de la croissance des investissements en infrastructure sont observés –, mais bien que ceci n’est pas suffisant pour compenser la faiblesse accrue du secteur des exportations. Et en sachant que l’on ne peut guère attendre grand-chose de la construction immobilière, la principale force motrice de la croissance chinoise durant les années 2000-2010, on ne peut que conclure que la croissance agrégée de la Chine devrait continuer à décevoir au cours des prochains mois et trimestres.
Le consensus table toujours sur une croissance du PIB de 8,0% pour l’ensemble de 2012. Ceci implique que la croissance annualisée du deuxième semestre devrait atteindre 10%, venant de 7% au cours du premier semestre! Nous prévoyons, pour notre part, une croissance annualisée de 8% pour la seconde partie de l’année, ce qui constituerait une amélioration par rapport au premier semestre, mais resterait largement inférieur aux attentes des marchés. Pour 2013, le consensus s’attend à une croissance de 8,3%, tandis que nous tablons sur un chiffre de 7,8%.
Alors que les pressions mondiales continuent à peser sur l’industrie manufacturière chinoise, on peut s’attendre à ce que les autorités stimulent davantage les projets d’investissements en infrastructure. Nous en avons eu un bon exemple cette semaine, avec l’approbation plus rapide que prévu de projets à concurrence de près de USD130 milliards. Ce type de stimulation explique pourquoi nous prévoyons toujours un redressement de la croissance à partir des niveaux actuels. La plupart des projets d’infrastructure sont cependant des projets existants qui sont avancés. Et en raison de l’endettement substantiel des gouvernements locaux et de l’endettement accru de l’ensemble du système financier depuis les mesures de stimulation de 2008/2009, les gouvernements sont désormais devenus beaucoup plus prudents. Il y aura donc une plus grande croissance des investissements en infrastructure, mais cette croissance sera inférieure à celle d’il y a quatre ans, ainsi qu’aux attentes de nombreux investisseurs.
Nos prévisions se basent essentiellement sur le fait que nous ne croyons pas que le système bancaire et les finances des gouvernements locaux puissent faire face à des injections de crédits aussi agressives qu’en 2008/2009. Le problème du financement est la principale raison empêchant une stimulation plus ambitieuse. Les banques sont confrontées à une hausse des prêts non performants et à un ralentissement de la croissance des dépôts.
Le gouvernement se trouve dans une position difficile. D’une part, il ne veut pas augmenter l’endettement au sein du système financier, mais d’autre part, il sait qu’un ralentissement de la croissance mettra les cash-flows des entreprises sous pression et limitera les capacités de celles-ci de rembourser leurs dettes. Comme la croissance continue à ralentir, les banques devraient être confrontées à une augmentation des problèmes de prêts douteux. Ceci explique pourquoi les banques privées se sont montrées plutôt prudentes, de sorte que la croissance des crédits a été décevante depuis le début de l’année. La plus grande partie des mesures de stimulation devra être financée par les grandes banques publiques ou directement à partir du budget du gouvernement central.
Globalement, les perspectives pour la Chine demeurent plutôt sombres. Il n’y a guère de marge de manœuvre pour une reprise de la croissance au cours des prochains trimestres. Entre-temps, les banques devraient être soumises à davantage de pressions en raison des difficultés accrues des entreprises. La croissance rapide des crédits de la période 2008-2010 devrait peser largement sur les banques au cours des prochains trimestres et des prochaines années.
L’augmentation du risque dans le secteur financier en Chine et les ajustements continus des attentes de croissance pour la Chine se traduisent par une sous-performance des actions chinoises et de l’ensemble des marchés émergents. Nous avons évoqué ceci dans de précédentes éditions de l’EEMM. Récemment, nous avons toutefois aussi constaté des signes de fatigue sur les marchés des changes émergents. Alors que les actifs risqués à haut rendement ont bien performé ces derniers mois, les devises des marchés émergents sont restées quelque peu à la traîne. Selon nous, ceci est largement imputable à la Chine. Le renminbi a arrêté de s’apprécier durant le printemps dernier, lorsque le commerce mondial s’est détérioré. Ceci est visible au niveau des flux de capitaux vers la Chine. Au deuxième trimestre de l’année, la Chine a enregistré les sorties de capitaux les plus élevées de son histoire. Ceci s’explique par la faiblesse du secteur immobilier, la détérioration des perspectives de croissance et le risque accru dans le système financier. Ceci reflète également le changement des perspectives pour le renminbi. Les années précédentes, les attentes d’une appréciation du renminbi avait été l’une des principales raisons des flux de capitaux vers la Chine.
Alors que les flux de capitaux vers la Chine se sont détériorés substantiellement et que le renminbi ne devrait pas s’apprécier au cours des prochains trimestres, le potentiel de hausse pour les devises des pays émergents est limité, en particulier en Asie de l’Est, où les autorités n’autorisent guère leur taux de change à dévier de celui du renminbi.