par Cyril Regnat et Marie-Pierre Ripert, économistes chez Natixis
Les obstacles ayant été finalement franchis (cour de Karlsruhe,…), le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) est enfin entré en vigueur le 8 octobre. Il prend le relais de la Facilité Européenne de Stabilité Financière (FESF) qui ne prendra plus d’engagement à partir de mi-2013. D’ici là, les deux entités coexisteront. A l’image de la FESF, ce mécanisme a vocation à apporter une aide financière aux pays en difficulté qui en font la demande. Les interventions du MES sont assorties d’une conditionnalité. Les pays doivent en effet mettre en œuvre des politiques de correction des déséquilibres macroéconomiques. Le MES est doté d’une capacité d’intervention de 500Md€ vs 440 Md€ pour la FESF.
Le MES a certains points communs avec la FESF, il dispose, en particulier, de la même batterie d’instruments : 1/ financement total (« bail out », avec le FMI) des pays demandant un programme d’aide européen ; 2/ des programmes de précaution (« precautionary programme ») qui permettent d’aider des pays n’étant pas sous programme d’assistance et qui ont toujours accès au marché pour leur éviter des crises de liquidité via des lignes de crédit, des achats de titres souverains sur les marchés primaires (de façon à aider un pays ayant des difficultés à placer ses titres) ou des achats de titres souverains sur les marchés secondaires (pour réduire les taux payés par les pays) ; 3/ recapitalisations de banques mais à la différence de la FESF, le MES pourra les recapitaliser directement sans passer par les Etats. Ce dernier point est particulièrement important car il permettra de dissocier les actions visant à soutenir les Etats de celles ayant pour but d’aider les banques, tentant de casser le lien pernicieux entre banques et Etats. En revanche, les recapitalisations directes ne seront possibles que lorsque le projet d’union bancaire aura pris forme, en particulier lorsque la Banque Centrale Européenne sera devenu l’unique superviseur des banques européennes. Or ce dernier point pourrait prendre du temps. Ainsi, la recapitalisation des banques espagnoles devrait donc passer par l’Etat (FROB).
Pour autant, le MES se distingue de la FESF sur de nombreux points. Tout d’abord, le MES est un mécanisme permanent alors que la FESF est une facilité temporaire. De plus, le MES est une organisation internationale (à l’image du FMI) alors que la FESF a un statut d’entreprise privée détenue par les pays de la zone euro.
Par ailleurs, contrairement à la FESF dont les activités étaient garanties par les Etats européens, le MES est capitalisé par les Etats (avec la même clé de répartition que pour les garanties à la FESF). Ainsi le MES sera capitalisé à hauteur de 700Md€, avec 80 Md€ de capital libéré (effectivement versé par les pays) et 620 Md€ de capital mobilisable si besoin. Les 80Md€ seront versés en cinq fois, 32 Md€ d’ici quinze jours (2 tranches), 32 Md€ en 2013 (2 tranches) et 16Md€ début 2014. Enfin, le MES aura un statut de créditeur « senior » (sauf si participation à la recapitalisation du secteur bancaire espagnol) alors que la FESF ne l’avait pas.
Ces différences entre les deux entités sont importantes car elles ont plusieurs implications :
- d’une part, le MES étant capitalisé, sa notation est bien moins dépendante des notations des pays européens alors que les changements de notation des pays de la zone euro ont un impact sur le rating de la FESF via le système de garantie. Ainsi, le MES bénéficiera certainement de conditions de financement plus favorables que la FESF. A ce stade, le MES est noté AAA par Moody’s et Fitch comme la FESF mais la notation de S&P pour cette dernière n’est que AA+.
- Par ailleurs, alors que les prêts de la FESF provoquent une hausse de l’endettement des pays garants (à hauteur de leur clé de répartition), les opérations du MES n’auront pas d’impact sur les finances publiques des pays (sauf lors des apports pour la capitalisation du MES).
Enfin, le MES se financera sur les marchés en émettant des titres ou pourra fournir des titres de sa propre signature à des banques qui pourront les utiliser comme collatéral à la BCE.
Couplé aux opérations de la FESF (qui a une capacité restante de 148Md€) et à celles de la BCE, le MES permet de doter la zone euro d’un mécanisme crédible de gestion des crises. Pour autant, il ne faut pas oublier que, que ce soit dans le cas de la FESF ou du MES, les opérations de sauvetage engagent les autres pays européens. Enfin, comme nous l’avons déjà maintes fois souligné, si ces mécanismes de sauvetage permettent d’éviter les crises de liquidité, de restaurer les canaux de transmission de la politique monétaire et de donner du temps aux pays, ils ne sont pas la solution pérenne aux déséquilibres économiques de la zone euro.