La « falaise fiscale », principale menace

par Eric Pictet, Directeur Général du bureau de Paris de MUZINICH & CO

Les actifs risqués ont rebondi durant la seconde quinzaine de novembre, après un début de mois en demi-teinte marqué par les craintes entourant l’imminence de la « falaise fiscale », les finances publiques grecques et l’économie européenne. Le sentiment de marché s’est amélioré au cours des deux dernières semaines, les investisseurs ayant relevé des avancées positives sur les négociations visant à une résolution du problème de la « falaise fiscale », relativement à la situation moins favorable qui prévalait en août 2011 lorsque S&P a abaissé pour la première fois la notation de crédit des Etats-Unis. La Grèce est également parvenue à obtenir un nouveau prêt, tandis que les statistiques chinoises et la confiance des consommateurs américains sont ressorties en hausse. Ces nouvelles ont participé au rebond des marchés.

Dans ce contexte, le « high yield », en particulier en Europe, a surperformé l’ensemble des autres segments du marché obligataire. Le segment « high yield » a bénéficié de paramètres techniques plus robustes au fil du mois. Le marché primaire est resté atone aux Etats-Unis durant les deux dernières semaines de la période, compte tenu de la fête de Thanksgiving, tandis que les flux d’investissement sont redevenus positifs après plusieurs semaines de rachats.

Stratégie et perspectives

Les investisseurs surveillent de près l’évolution des négociations entourant la «falaise fiscale» aux Etats-Unis. Comme nous l’avons indiqué dans notre précédent commentaire, les prévisions de béné- fices sont décevantes dans la mesure où les équipes dirigeantes attendent que la visibilité s’améliore sur l’orientation de la politique fiscale américaine. Les équipes dirigeantes ont dans l’ensemble reporté leurs décisions d’investissement et d’embauche, dans l’attente de l’issue des négociations en cours. Les marchés intègrent très largement qu’un compromis sera trouvé en amont de la date buttoir. Contrairement aux entreprises américaines, les consommateurs ne semblent pas particulièrement préoccupés par la question de la « falaise fiscale ». Les chiffres de vente se maintiennent en cette période de fêtes, tandis que les statistiques de confiance des consommateurs se sont redressées. Nous attendons avec impatience les publications des bénéfices du prochain trimestre ainsi que les rapports sur la manière dont les entreprises auront géré la nouvelle politique fiscale. Bien que la saison de publication commencera dès le 8 janvier avec les résultats d’Alcoa, nous pensons qu’il faudra attendre février pour avoir un retour plus concret des entreprises sur l’impact qu’auront les coupes budgétaires et les hausses d’impôts.

En résumé, la « falaise fiscale » constitue selon nous la principale menace pour les bénéfices sur les mois à venir. Si les marchés n’obtiennent pas une solution conforme à leurs attentes, nous pourrions subir une correction temporaire mais généralisée des actifs risqués – dans une mesure comparable aux fluctuations relevées durant les récentes périodes de remontée de l’aversion au risque. Compte tenu des fondamentaux robustes de la classe d’actifs, de la baisse du risque de refinancement et des probabilités de défaut limitées, nous pensons que tout repli du marché sera de courte durée et constituera une opportunité d’achat attrayante.