par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
A la suite de ses principaux partenaires commerciaux, l’Australie est finalement entrée en récession en fin d’année passée. Le PIB s’est contracté de 0,5% t/t au dernier trimestre 2008.
Pour l’heure, la RBA se montre confiante, estimant que les derniers plans de relance budgétaire (soit 4,5% du PIB sur quatre ans), couplés à la baisse des taux d’intérêt, devraient soutenir l’activité.
L’Australie est finalement entrée en récession à la suite de ses principaux partenaires commerciaux. Toutefois, cet épisode de contraction de l’activité, débuté au quatrième trimestre, devrait être moins marqué qu’en 1990-1991 et également que dans les autres pays membres de l’OCDE. En effet, les plans de relance budgétaires, mis en place dès la fin de l’année dernière et relayés par une importante et rapide baisse des taux d’intérêt (400 points de base en six mois, de 7,25% en septembre à 3,25% en février), devraient soutenir la demande interne.
Récession
Début de l’hiver au T4 08
L’Australie est entrée en récession à la fin de l’année dernière. Le PIB s’est contracté de 0,5% t/t au T4, en baisse pour la première fois depuis la récession de 1990-1991. En 2008, il a augmenté de 2,1%, soit en net ralentissement par rapport à 4% en 2007 (la croissance moyenne entre 1988 et 2008 a été de 3,4%). A l’issue du T4, l’acquis de croissance est désormais nul, et les données et enquêtes les plus récentes montrent que cette tendance devrait s’amplifier dans le courant de l’année. Le PIB pourrait se contracter d’environ 1% en 2009. Toutefois, cette récession serait plus courte que la précédente qui avait duré sept trimestres au total et la reprise se profile à l’horizon de l’année prochaine.
L’investissement reculera en 2009
Selon les comptes nationaux du T4 2008, l’investissement a faiblement progressé en fin d’année dernière (+0,4% t/t pour le deuxième trimestre consécutif). Pour l’ensemble de l’année, il s’est établi à +8,2%, après +10,1% en 2007. Nous anticipons un recul cette année qui serait cohérent avec les données d’enquêtes, dans un contexte de chute de la demande mondiale, et de resserrement des conditions de financement. Toutefois, cette contraction de l’investissement serait de moindre ampleur qu’au cours de la récession de 1990-1991, lorsqu’il avait plongé de 11%.
Les ménages, inquiets, épargnent et se désendettent plutôt qu’ils ne consomment
La consommation privée est anémique depuis plusieurs trimestres. Au T4, elle est restée quasiment inchangée, en hausse de seulement 0,1% après -0,1% t/t au T2 et +0,1% t/t au T3. Pour l’ensemble de l’année 2008, elle a progressé de 2%, après 4% en 2007 et plus de 3% au cours des vingt dernières années (1988-2008). Au début de 2009, cette tendance semble se confirmer. Après le sursaut de décembre, en raison des fêtes de Noël (+3,8% m/m), les ventes au détail n’ont crû que de 0,2% en janvier. L’indice composite d’activité de l’enquête de confiance dans les services s’est effondré en février, tombant de 41,0 en janvier à 32,2, son niveau le plus bas depuis le début de la série, et demeurant sous la barre des 50 qui sépare les phases d’expansion et de contraction de l’activité pour le onzième mois consécutif.
Cette évolution reflète en partie la faiblesse de la consommation des ménages. L’indice relatif aux nouvelles commandes a plongé de 37,9 en janvier à 26,4 en février, son plus bas historique. En outre, la confiance des ménages s’est stabilisée en mars, mais elle se situe à son niveau le plus bas depuis fin décembre 1992. Plusieurs facteurs expliquent cette morosité, en dépit du plan de relance voté par le gouvernement(1) : absence de geste de la RBA, à l’occasion de sa réunion de mars, la chute de la Bourse australienne à son plus bas niveau en six ans et le rebond des prix du pétrole au cours des dernières semaines. Dans ce contexte, il semble que les ménages sont plus enclins à épargner et à se désendetter qu’auparavant. L’évolution des crédits personnels, en baisse depuis huit mois (-0,2% m/m en février), témoigne de cette tendance.
Le chômage devrait dépasser les 6% en cours d’année
De fait, l’inquiétude des ménages est alimentée par les tensions grandissantes sur le marché de l’emploi. En février, le taux de chômage s’est fortement redressé, atteignant 5,2%, son niveau le plus élevé depuis mars 2005, soit une hausse de 0,4 point de pourcentage par rapport à janvier. Il n’avait jamais autant augmenté en un mois depuis novembre 1998. En outre, les effectifs sont en nette baisse, avec -53.000 emplois à temps plein en février, leur plus forte baisse depuis novembre 1991 (-69 500). Dans le secteur manufacturier qui représente près du tiers de l’emploi total, les perspectives sont inquiétantes comme en témoigne l’indice relatif à l’emploi de l’enquête PMI manufacturier qui a chuté en févier de 42,7 en janvier à 32,8, son plus bas historique.
Celui de l’enquête PMI services a lui aussi fortement baissé, bien que dans une moindre ampleur, atteignant ainsi un nouveau point bas en février, à 37,9. Dans ce contexte, la croissance des salaires hebdomadaires ralentit progressivement.
Les échanges extérieurs pâtissent de la crise mondiale en dépit du repli récent du dollar australien
Les échanges extérieurs souffrent de la crise mondiale en dépit du recul récent du dollar australien, en ligne avec celui des cours des matières premières(2). Les exportations totales ont reculé, au T4 2008, pour le deuxième trimestre consécutif (-0,8% t/t, après -0,4% à la période précédente). Pour l’ensemble de cette année, elles devraient s’inscrire en net recul. Toutefois, les importations se sont effondrées, soulignant le repli de la demande intérieure.
Elles ont chuté de 6,8% t/t, leur plus forte baisse en plus de vingt ans. Au cours de la récession de 1990-1991, elles avaient reculé de 5,6% t/t au T2 1990. Au total, la contribution des exportations nettes à la croissance a donc été positive au T4 2008.
Cependant, le ralentissement chinois (6,5% prévus en 2009, après respectivement 13% et 9% en 2007 et 2008), couplé à la forte contraction de l’activité japonaise (-6% prévus en 2009), laminera les exportations australiennes à destination de ces pays, qui sont à eux deux les premiers débouchés des produits du continent (près de 40% du total). Cette tendance était déjà perceptible en début d’année. Selon les données douanières, les exportations ont plongé de 15% m/m en janvier. A destination du Japon, la chute était encore plus marquée (-21,5%).
La RBA a fait une pause en mars
La RBA a fait une pause en mars, décidant de laisser ses taux inchangés. Alors que les Minutes du Conseil de politique monétaire ne sont pas encore disponibles, tout porte à croire que la Banque centrale attend de mesurer l’impact réel du deuxième plan gouvernemental de soutien de l’activité annoncé en février.
Dans un court communiqué de presse, le gouverneur, Glen Stevens, soulignait que l’activité ne s’était pas contractée au T4 de manière aussi marquée que dans les autres pays en fin d’année dernière (à titre de rappel : Japon : -3,3% t/t ; zone euro : -1,5% t/t, Etats-Unis : -6,2% t/t annualisés). En outre, il estime que le système financier demeure solide et que la baisse des taux directeurs devrait se transmettre aux taux d’intérêt consentis aux emprunteurs finals, relançant ainsi la demande de crédit et, en particulier, la consommation des ménages. Par ailleurs, la Banque centrale anticipe que l’inflation devrait continuer de reculer. En 2008, l’inflation totale avait atteint un pic à 4,8% en juin pour s’établir en moyenne à 4% sur l’année, après 3,1% en 2007. Les risques de déflation sont donc bien loin de l’Australie, contrairement à ses principaux partenaires commerciaux, pays membres de l’OCDE.
Somme toute, elle estime que le policy-mix actuel soutiendrait la demande intérieure dans les prochains mois.
Toutefois, la poursuite à court terme de la détérioration de la conjoncture mondiale devrait conduire la RBA à ramener son cash rate à 2,5% à la fin du deuxième trimestre avant d’opter pour un statu quo monétaire prolongé.
NOTES
(1) Ce plan représente au total AUD 41,5 milliards, après déjà 10,7 milliards à la fin de l’année dernière. Il comprend en outre AUD 11 milliards à l’intention des familles, distribués en mars et en avril, après déjà 8 milliards à la fin de l’année dernière. Au total, les deux plans représentent 4,5% du PIB étalés sur quatre ans. Les comptes publics devraient se trouver en déficit en 2009, pour la première fois en huit ans, après un excédent de plus de 2% en 2008.
(2) Comme c’est souven le cas, le Dollar australien étant considéré come une devise « commodity », c’est-à-dire fortement corrélée avec le cours des amtières premières.