Etats-Unis : réduction du QE avancée ?

par Philippe Vilas Boas, économiste au Crédit Agricole

• Le Comité de politique monétaire de la Réserve Fédérale (FOMC) s’est achevé mercredi par une décision de maintien du rythme de rachats de titres. Il a cependant émis l’idée d’un ralentissement progressif du coup de pouce monétaire d’ici la fin de l’année. Lors de la dernière réunion, Ben Bernanke avait déjà semé le doute sur un ralentissement prochain du QE3, mais sans déterminer ni la cadence ni le tempo. Ses déclarations avaient pour but de rassurer les marchés, mais aussi et surtout de préparer le terrain à un retrait progressif de l’assouplissement monétaire.

• Les marchés espéraient davantage de temps avant une pareille annonce, et ont brutalement réagi avec une clôture sur indices actions en forte baisse.

• Alors que les perspectives sur l’activité demeurent favorables, la volatilité des marchés a sans doute une triple origine. D'une part, ils jugent la réduction du QE trop précipitée au regard de la situation de l’économie mondiale, et anticipent un impact négatif sur l’investissement et la croissance. D'autre part, il y a des craintes liées à la fin du mandat de Ben Bernanke en fin d'année, et à la continuité de la politique monétaire. Enfin, les marchés ont sans doute pris l'habitude d'une forte perfusion monétaire, et en redoutent la fin.

Tenir le cap…

Ce début d’année a été marqué par une amélioration encourageante des perspectives macroéconomiques, qui laissait entrevoir la possibilité d’un retrait progressif du QE3 d’ici la fin de l’année.

Pour l’heure, le président de la réserve fédérale américaine a rappelé que la FED maintiendra son cap en poursuivant sa politique de rachat de titres adossés (MBS) et de bons du trésor de long terme, au rythme de 85 Mds $ par mois, tant que les conditions économiques l'exigeraient.

Après avoir souligné l’amélioration de l’activité et le ralentissement de l’inflation, Ben Bernanke a martelé la détermination de la FED à soutenir l’emploi, principal indicateur de l’efficacité de sa politique monétaire. Le Comité s’est dit également prêt à réduire ou même augmenter son rythme de rachats de titres si nécessaire. La FED réaffirme aussi sa politique de maintien du taux des Fed Funds à un niveau extrêmement bas (0-0,25%) sur encore une longue période, au moins jusqu’à ce que le taux de chômage passe sous le seuil des 6,5%.

Pour désamorcer les tensions éventuelles, le président de la réserve fédérale a rappelé que les principaux indicateurs économiques étaient en phase avec les perspectives escomptées. Le changement d’échelle dans l’assouplissement quantitatif pourrait donc avoir lieu d’ici la fin d’année et s’achever en 2014.

Marchés déçus ?

Les différentes places boursières ont vivement réagi à l’issue de la conférence de presse du FOMC. L’indice SP500 a marqué un net repli de -1,39% en clôture, soulignant l’inquiétude des investisseurs quant à une modération du QE.

La réaction des marchés peut s’expliquer de trois façons. Tout d’abord, ils redoutent que le ralentissement de la politique monétaire n’arrive trop tôt et qu’il freine brutalement l’investissement et la récente croissance.

D’autre part, elle reflète sans doute également des craintes concernant la transition de politique monétaire après la fin du mandat de Bernanke, en fin d’année.

Enfin, qu’adviendra-t-il lorsque la liquidité injectée dans le système cessera de stimuler la valeur des actifs financiers ? Le prochain président de la FED saura-t-il réaccélérer si besoin pour soutenir l’économie, en poursuivant la "Forward Guidance", si rassurante et si chère aux marchés ?

Une réponse à la rentrée…

La période estivale arrivant, il est peu vraisemblable qu’il y ait un quelconque changement de cap d’ici la rentrée.

La réunion de septembre devrait donc nous apporter un peu plus de lumière sur le redimensionnement à venir de la politique monétaire.

D’ici là, les fondamentaux restent sous étroite surveillance, avec pour l’heure une estimation de croissance revue légèrement à la baisse pour 2013 (2,3% à 2,8%) et à la hausse pour 2014 (3% à 3,5%). Paradoxalement, les marchés redoutent que de "trop bons" chiffres d’emploi et d’activité aux Etats- Unis ne se traduisent par moins d’huile dans les rouages financiers.

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