Zone euro : rebond sous condition

par Frédérique Cerisier et Jean-Luc Proutat, économistes chez BNP Paribas

Le Fonds monétaire international (FMI) a mis à jour ses perspectives économiques mondiales (WEO update, July 2013). Et, pour la deuxième fois cette année, il les révise en baisse. Comparé aux prévisions d’avril, le taux de croissance mondiale perd 0,2 point de pourcentage, à la fois en 2013 (3,1%) et en 2014 (3,8%). Dans l’Union économique et monétaire (UEM), le FMI s’attend désormais à un repli du PIB de 0,6% en 2013 (-0,8% selon nous). Parmi les grands pays de la zone, seule l’Allemagne est en mesure d’échapper à la récession cette année. Ailleurs, la baisse de l’activité est comprise entre -0,2% en France et -1,8% en Italie selon le FMI. En 2014, le rebond européen serait modeste (+0,8% à +0,9%).

A noter cependant que, pour la première fois depuis longtemps, l’institution de Washington n’a pas cherché à mettre en avant les risques associés à la crise de la zone euro. Il est toutefois difficile de s’en réjouir car ces risques n’ont pas vraiment reflué. Simplement, ils sont qualifiés « d’anciens risques » par les économistes du Fonds, qui ont préféré mettre l’accent sur la détérioration de la situation dans les économies émergentes1. De « nouveaux risques » s’ajoutent donc aux anciens. Pour la zone euro, qui s’efforce de renouer avec croissance, cela signifie opérer dans un environnement moins favorable.

Le redressement reste, néanmoins, possible. A l’approche de l’été, l’économie des Dix-Sept a manifesté quelques signes de mieux. Les données de production industrielle publiées pour le mois de mai n’ont pas été si mauvaises. Du coup, elles introduisent un risque haussier dans notre scénario de (légère) contraction du PIB au deuxième trimestre. En France et en Allemagne, une baisse sensible de la production était attendue, après les fortes hausses d’avril. Elle a bien eu lieu, mais fut peu marquée. L’acquis de croissance de la production pour le deuxième trimestre s’établit ainsi à +1,9% t/t en mai en France, et à +2,2% outre-Rhin.

Il faudrait que le mois de juin enregistre de très mauvaises performances pour invalider cette tendance. Or cela n’est pas le cas. Les enquêtes auprès des directeurs d’achats (indices PMI) ont confirmé leur redressement, notamment au Sud où la conjoncture s’éclaire d’une faible lueur. En Espagne et Italie, l’industrie a été réduite à ses niveaux de production d’il y a vingt ou trente ans2.

Mais l’espoir existe enfin qu’elle se redresse. L’indice PMI manufacturier a renoué avec la barre des 50 points en Espagne, qui délimite la zone d’expansion de l’activité. En Italie, il n’en est plus très loin. Les commandes en biens d’équipement, supposées épouser le cycle de l’investissement, sont par ailleurs bien orientées. En récession depuis deux ans, les troisième et quatrième économies de la zone euro sont susceptibles de rebondir.

Et ensuite ? Le convalescent européen reste fragile, comme l’illustre sa sensibilité à la remontée des taux d’intérêt américains (voir notre semaine aux Etats-Unis). Principaux marqueurs des difficultés de l’UEM, les écarts de rendements ou spreads attachés aux dettes souveraines ont eu tendance à se creuser récemment. Les primes de risque supportées par les établissements de crédit ont suivi le mouvement, preuve que le lien d’interdépendance entre banques et Etats n’a pas été rompu. Il s’agissait pourtant d’une promesse forte de l’Eurogroupe. Il y a un an, les chefs d’Etat et de gouvernement tentaient de pousser un peu plus loin la mutualisation des risques en zone euro, en proposant l’union bancaire.

Mais celle-ci prend du retard, et le projet fédéral initial ne sera pas totalement mis en œuvre. L’Allemagne, notamment, continue de freiner face aux projets de garantie commune des dépôts, ou d’autorité de résolution unique. L’aide directe du Mécanisme européen de Stabilité (MES) aux banques n’est pas encore opérationnelle et sera soumise à des conditions drastiques. En juillet 2013, les Etats de l’UEM restent largement seuls face aux dettes héritées du passé. L’OMT (le programme d’achats de titres de la BCE) s’avère si contraignant que l’on doute qu’il puisse un jour être activé. Il se voit, en outre, contesté à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Quant aux euro-obligations, elles sont restées lettre morte. Trois ans après le déclenchement de la crise, force est de constater que le compromis entre austérité et solidarité autour des dettes s’est opéré a minima.

On sait que les retards pris dans la consolidation de l’UEM sont en partie liés aux échéances électorales allemandes. Ne rien décider étant le meilleur moyen de ne fâcher personne, le statu quo durera au moins jusqu’au 22 septembre, date des élections législatives. D’ici là, l’UEM restera sensible à la météorologie des marchés. Mieux vaut donc lui souhaiter un été calme ou, à défaut, une Banque centrale attentive.

NOTES

  1. Voir également notre analyse dans Eco Emerging, BNP Paribas, juillet 2013.
  2. En Italie, la production industrielle du premier trimestre 2013 est au niveau de 1986, point bas qu’elle avait déjà touché en 2009, lors de la Grande Récession consécutive à la faillite de Lehman Brothers. En Espagne, elle est au niveau de 1994.

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