Rentrée 2013 : les risques

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

L’été 2013 aura été relativement calme sur les marchés financiers des pays développés comparé aux années précédentes avec le regain de confiance des investisseurs sur la reprise des économies américaine et dans une moindre mesure européenne. En revanche, les marchés émergents ont connu d’importantes turbulences, les investisseurs se montrant désormais inquiets sur les perspectives de croissance dans ces pays, dans un environnement où la liquidité mondiale pourrait progresser moins rapidement.

Si la hiérarchie des risques semble s’être modifiée depuis quelques mois, il ne faudrait pas trop vite oublier ceux portant sur le reste du monde. La hausse récente de l’aversion pour le risque1, qui a été accentuée par les tensions géopolitiques, en témoigne. En cette rentrée 2013, nous voyons plusieurs types de risque :

 • Les risques sur les grands pays émergents2 qui souffrent de leurs déséquilibres structurels. La Chine voit sa croissance ralentir sous l’effet de sa difficile transition vers un nouveau modèle de croissance et la gestion de la hausse de son endettement. Par ailleurs, les pays qui enregistrent des déficits courants (Inde, Indonésie, Brésil, Turquie,…) subissent de fortes sorties de capitaux depuis quelques mois et en corollaire d’importantes dépréciations de leur taux de change. Alors qu’ils ont besoin de capitaux extérieurs, le risque devient auto-réalisateur avec un impact potentiellement important sur la croissance. Pour stopper les sorties de capitaux, les autorités ont le choix entre les contrôles des capitaux qui s’avèrent souvent un signe négatif adressé aux investisseurs, la hausse des taux d’intérêt de façon à attirer les capitaux mais qui impacte négativement la croissance déjà bien fragilisée dans ces pays, les interventions de change qui sont rarement efficaces… Des annonces crédibles sur les réformes nécessaires pourraient à moyen terme rassurer les investisseurs mais on peut douter de leur efficacité à court terme.

 • La possibilité d’une intervention militaire en Syrie et plus globalement les tensions géopolitiques dans la région font peser un risque important sur les économies de la zone et pourraient provoquer une nouvelle flambée du prix du pétrole avec des effets négatifs sur les pays importateurs de pétrole, en particulier les émergents qui rencontrent déjà des difficultés à contenir leur inflation.

 • Les Etats-Unis ne sont pas exempts de tout risque. La croissance américaine a relativement bien résisté à la falaise budgétaire avec la résilience de la consommation des ménages et le dynamisme de l’investissement résidentiel, grâce à la politique monétaire de la Fed (faiblesse des taux d’intérêt, effets richesse immobilier et action). D’ailleurs, cette dernière souhaiterait que le rythme d’expansion de la politique monétaire s’atténue progressivement (ce qui ne constitue pas un resserrement !) et a commencé à communiquer en ce sens. L’impact de ces annonces ayant provoqué une forte remontée des taux d’intérêt (plus de 120pb des taux hypothécaires depuis avril), le risque sur la croissance existe bel et bien. De plus, la décélération de l’investissement des entreprises et le ralentissement des gains de productivité constituent également des facteurs de risque.

 • Enfin, la zone euro ne constitue pas, non plus, un havre de paix. Certes la situation globale a cessé de se dégrader avec l’atténuation du risque d’éclatement de la zone euro et un arrêt dans le rythme de dégradation de l’économie. Les chiffres du PIB ont révélé que la zone euro était sortie de récession au deuxième trimestre et les indicateurs conjoncturels se sont globalement améliorés grâce à l’effet conjugué d’un policy-mix plus accommodant (rythme allégé de réduction des déficits publics et actions de la BCE) et de la désinflation. Pour autant, il faut garder en tête que les marchés du travail vont continuer de se dégrader dans les mois qui viennent alimentant les motifs de mécontentement social. Si la zone euro revient en croissance, cette dernière restera toujours contrainte par le désendettement. Par ailleurs, les risques bancaires n’ont pas totalement disparu. L’incertitude est importante. Il est difficile aujourd’hui de se prononcer sur le timing de l’impact potentiellement négatif de l’Asset Quality review3 qui va être menée par la BCE pour évaluer la solidité du système bancaire européen. Les résultats ne devraient être dévoilés que dans un an (automne 2014) mais les incertitudes concernant l’harmonisation des règles de calculs pourraient peser en amont.

Au total, la hiérarchie des risques a peut-être changé mais ces derniers n’ont pas disparu.

NOTES

  1. Notre indice d’aversion pour le risque a atteint 67% le 28 août.
  2. Cf. texte « Les entreprises avec des marchés importants dans les pays émergents pourront rencontrer deux types de déceptions ».
  3. Cf. Flash n°2013-543 « Le Single Resolution Mechanism (SRM) vu par la Commission : un projet mort-né ? ».

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