Zone euro : le verre à moitié plein ou à moitié vide ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Les perspectives économiques se sont sensiblement améliorées dans les pays développés depuis quelques mois. Les publications de PIB du troisième trimestre confirment cette tendance avec toutefois d’importantes différences en fonction des zones. Alors que le PIB a significativement progressé aux Etats-Unis (de 0,7% T/T, 2,8% en rythme annualisé) et au Royaume-Uni (de 0,8% T/T), il n’enregistre qu’une hausse de 0,1% T/T dans la zone euro.

Les Etats-Unis ont désormais un PIB environ 5% supérieur à son niveau d’avant crise alors que le Royaume-Uni et la zone euro n’ont pas encore retrouvé le leur (respectivement -2,5% et -3%). Les meilleures performances des Etats-Unis et du Royaume-Uni s’expliquent en grande partie par les différences de politiques économiques, notamment monétaires, la Fed et la BoE s’étant révélées beaucoup plus agressives dans la conduite de leurs politiques non conventionnelles. Il faut également souligner qu’à la différence de la zone euro, les effets richesse sont un mécanisme de transmission de la politique monétaire dans ces deux pays. La reprise dans ces deux économies est donc surtout liée aux effets richesse et au redémarrage du secteur de la construction.

La hausse du PIB zone euro de 0,1% est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Certes, la progression trimestrielle est moindre qu’au T2 (0,3% T/T), il faut toutefois rappeler qu’il y a peu, la zone euro était encore en récession et que la progression du T3 confirme sa convalescence. S’il ne faut pas crier victoire, les risques de rechute n’ayant pas disparu, la stabilisation est tangible. Point important également, les signes d’amélioration dans les pays périphériques, notamment les deux grands que sont l’Espagne et l’Italie, après de nombreux trimestres très négatifs. L’Espagne sort enfin de récession avec un PIB de 0,1% et l’Italie si elle reste dans le rouge c’est de façon très modeste (-0,1%). La sortie de récession de la zone euro a été permise par la conjonction de plusieurs facteurs : forte désinflation redonnant du pouvoir d’achat aux ménages; desserrement des contraintes sur les politiques budgétaires; amélioration de l’environnement financier avec les actions de la Banque Centrale Européenne.

En l’absence de redémarrage de l’investissement, la reprise de la zone euro reste fragile1 et les obstacles sont encore nombreux avant d’envisager une vraie reprise de l’activité : 1/ L’assainissement du secteur bancaire n’est pas terminé ce qui pèse sur les conditions de crédit dans les pays périphériques. 2/ Le désendettement privé est lent. 3/ La politique budgétaire, si elle est moins restrictive, reste cependant un frein à une reprise de l’activité. Dans certains pays, les taux d’endettement publics sont difficilement soutenables. 4/ La baisse de l’inflation, positive pour le revenu des ménages, durcit les conditions monétaires par la hausse des taux d’intérêt réels. 5/ Le niveau élevé du taux de chômage dégrade la situation sociale, compliquant la tâche des gouvernements dans la mise en place de certaines réformes. 6/ La persistance des réticences politiques à avancer sur le fédéralisme.

Il ne faudrait toutefois pas que ces obstacles masquent l’importance du chemin parcouru ces dernières années, avec un avancement significatif des ajustements dans les pays périphériques, dont les soldes courants sont redevenus positifs et où certaines réformes structurelles commencent à porter leurs fruits (début d’amélioration de la compétitivité,…). Par ailleurs, si le rythme peut parfois apparaître bien lent, la mise en place de l’union bancaire est en bonne voie. Enfin, la zone euro n’a pas à rougir de ses comptes courants (excédentaires) comparé aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et sa situation budgétaire (prise dans son ensemble) n’est pas plus catastrophique que celle de ses homologues.

Si la confiance est apparemment revenue sur certains marchés financiers, il est indispensable qu’elle revienne également dans la sphère de l’économie réelle pour que l’investissement puisse repartir favorisant ainsi la croissance et l’emploi. Les gouvernements devraient s’attacher à réduire l’incertitude, notamment fiscale, frein important au retour de la confiance.

Une autre piste se situe du côté de la BCE. Elle s’est montrée plus pragmatique ces dernières années prenant parfois des décisions qui ont pu apparaître audacieuses à certains. Comme nous l’avons mis en avant la semaine dernière2, elle peut encore agir pour rendre les conditions monétaires plus accommodantes, faciliter le financement dans la zone euro et ainsi favoriser le retour de la confiance. Le déclin n’est pas une fatalité.

NOTES

  1. Cf. texte 2 « Zone euro : comme prévu, la reprise est fragile ».
  2. Cf. Eco Hebdo N°40 Edito « la BCE n’a pas dit son dernier mot ».

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