France : accroc sur le chemin de la reprise

par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas

Nul doute que l’économie française est dans une passe difficile. Les mauvaises nouvelles ne manquent pas. Et, parmi elles, les défaillances d’entreprises font grand bruit, de même que les diverses manifestations de la grogne sociale. Il est vrai aussi que la première estimation de la croissance au troisième trimestre, avec un recul du PIB de 0,1% t/t, a légèrement déçu, dans l’absolu et relativement à la zone euro dont le PIB progresse, lui, de 0,1% (cf. notre Semaine dans la zone euro). Sauf que ce chiffre négatif est très largement le contrecoup attendu du surprenant bon deuxième trimestre. Dans cette logique, l’investissement et les exportations ont effectivement rechuté mais la consommation des ménages s’est ménagé une petite hausse.

Surtout, il y a aussi des nouvelles encourageantes, qui amènent à anticiper une amélioration progressive de la situation. Tout d’abord, le redressement du climat des affaires depuis quelques mois est incontestable et il est généralisé à l’ensemble des enquêtes et des secteurs d’activité. L’environnement extérieur est également plus porteur et l’environnement financier reste accommodant.

La croissance au quatrième trimestre devrait donc rebondir. Elle serait portée par des perspectives personnelles des chefs d’entreprise mieux orientées, la faiblesse de l’inflation et les achats anticipés avant la hausse de TVA au 1er janvier 2014. L’INSEE et la Banque de France tablent ainsi sur +0,4% t/t de croissance. Notre propre prévision se veut un peu plus prudente, à 0,3%. En moyenne annuelle, la croissance en 2013 devrait donc être modestement positive, confortant la prévision du gouvernement.

Ensuite, il y a des indicateurs, certes encore dans le rouge, mais qui pointent dans la bonne direction. C’est le cas de l’emploi salarié marchand, encore en recul de 0,1% t/t au troisième trimestre mais dont le rythme de baisse ralentit. De plus, l’emploi dans l’intérim est repassé dans le vert, une évolution encourageante renforcée par l’orientation en hausse de la composante ‘emplois’ des enquêtes PMI sur le climat des affaires.

D’importantes capacités de production restent inutilisées et les prix à la consommation sont sur une tendance quasi étale. L’analyse du détail des chiffres permet néanmoins de relativiser le risque déflationniste. Il n’y a pas d’affaiblissement généralisé des prix, l’inflation sous-jacente (hors alimentation, énergie et mesures fiscales) ayant même tendance à se redresser : tombée à 0,3% en glissement annuel en juin de cette année, elle est remontée à 0,7% en octobre. Le ralentissement marqué de l’inflation totale, de 0,9% en glissement annuel en septembre à 0,6% en octobre, est, quant à lui, pour une large part dû à un effet de base défavorable. Son repli sur le mois (-0,1% non cvs) est imputable à celui des prix de l’énergie et, dans une moindre mesure, des produits alimentaires, autant de postes auxquels le pouvoir d’achat des ménages est sensible.

En 2014, le scénario le plus probable est que la reprise se poursuive, la confiance ramenant la croissance selon des mécanismes auto- entretenus. Cette reprise se fera toutefois sur des rythmes très lents compte tenu d’incertitudes persistantes, de la consolidation budgétaire en cours, de la faible compétitivité, et du niveau élevé du chômage. Le gouvernement prévoit une croissance de 0,9%, un chiffre modeste mais consensuel.

Cela contribue au réalisme de ses objectifs de déficit budgétaire mais cela ne veut pas dire, pour autant, qu’ils seront faciles à tenir. En 2013, la cible de 4,1% est à portée de main. L’exécution mensuelle du budget de l’Etat jusqu’à aujourd’hui est satisfaisante. Le gouvernement prend aussi les devants : son projet de loi de finances rectificative pour 2013 présenté mercredi 13 novembre contient EUR 3 milliards de crédits annulés pour contenir les dépenses. En 2014, l’objectif de déficit de 3,6% ne sera tenu qu’au prix d’efforts importants en matière d’économies budgétaires (cf. Eco-Week du 4 octobre 2013). Ces efforts ont été annoncés, ils doivent désormais être concrétisés.

C’est notamment sur ce point que l’agence de notation Standard & Poor’s se montre sceptique. C’est une des raisons de la nouvelle dégradation, annoncée le 8 novembre dernier, du rating souverain français, d’un cran, de AA+ à AA. Cette décision est discutable. D’un côté, S&P sanctionne une moindre capacité du gouvernement à réduire le déficit budgétaire à cause du poids élevé des dépenses. De l’autre, elle compte sur l’engagement du gouvernement à contenir la trajectoire de la dette publique (c’est la raison donnée à la perspective stable, et non plus négative, associée au nouveau rating). L’agence pointe un moindre soutien à la poursuite de la consolidation budgétaire et des réformes du fait du chômage élevé alors que, au contraire, l’incitation à poursuivre est forte, justement pour remédier à cette situation. L’agence considère peu probable que ces réformes améliorent de manière substantielle les perspectives de croissance à moyen terme. Pourtant, malgré son jugement négatif, S&P a des prévisions étonnamment proches de celles du gouvernement. Le downgrade n’a pas eu de conséquences particulières sur les marchés. C’est peut-être en partie l’effet de la perspective stable. Cela montre que le papier français reste de haute qualité malgré les difficultés économiques reconnues et dans l’espoir que la France en fasse plus sur le front des réformes. L’OCDE l’y invite, comme la Commission européenne.

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas