L’Allemagne tient (presque) sa coalition !

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

Les tractations politiques entre la CDU-CSU et le SPD pour parvenir à un « contrat » de coalition après les élections générales du 22 septembre ont été plus longues que prévu.

Après soixante-six jours (pour une moyenne de 37 jours par le passé), les deux partis sont arrivés à un accord écrit de 185 pages. Le SPD peut se targuer d’avoir obtenu gain de cause, au moins sur le papier. Les mesures phares (introduction d’un salaire minimum, abaissement de l’âge de départ à la retraite, double nationalité pour les enfants nés en Allemagne de parents non ressortissants de l’UE, parité homme-femme au sein des entreprises…) que celui-ci avait défendues pendant la campagne électorale sont inscrites dans le contrat de coalition.

L’ensemble de ces mesures représente EUR 23 milliards étalés sur 4 ans, soit 1 point de PIB annuel. Le contrat de coalition semble donc, à première vue participer du changement de cap économique, que les Etats-Unis, le FMI et la Commission européenne ont appelé de leurs vœux au cours des dernières semaines (cf. notre Focus « L’Allemagne à l’index » du 22 novembre).

Cependant, à y regarder de plus près, le diagnostic doit être plus nuancé. Le SPD peut certes s’enorgueillir de l’introduction d’un salaire horaire minimum, à EUR 8,50 à partir de 2015, qui pourrait concerner jusqu’à 7 millions de salariés, soit 16% de la masse salariale. Toutefois, la nouvelle loi devrait exclure les apprentis, les travailleurs saisonniers et les « mini-jobs ». Les secteurs où les accords de branche sont inférieurs à EUR 8,50 auront jusqu’en 2017 pour s’aligner. En outre, une commission paritaire formée de représentants des salariés (3), des employeurs (3) et d’experts (2) se réunira régulièrement pour négocier la réévaluation annuelle du salaire minimum. Sur le front des retraites, le SPD voulait faire abroger la loi de 2007 qui prévoit de repousser à 67 ans l’âge de départ à la retraite d’ici à 2029. Désormais, la retraite à taux plein pourra être touchée dès 63 ans, mais sous certaines conditions, à savoir uniquement pour ceux qui auront totalisé 45 ans de cotisations.

Enfin, en ce qui concerne l’Union européenne, le SPD a renoncé à ses exigences. Le parti de Sigmar Gabriel a validé les choix européens d’Angela Merkel. Le contrat de coalition s’oppose à toute idée de mutualisation de la dette ainsi qu’à l’instauration d’un fonds européen de garantie des dépôts. En revanche, il est favorable à l’utilisation des fonds du MES pour recapitaliser directement des banques en difficulté, dans la mesure où « tous les autres moyens prioritaires » auront été épuisés.

De son côté, la CDU a donc fait preuve de pragmatisme et pu ainsi honorer la quasi-totalité des nombreux cadeaux électoraux promis aux classes moyennes. Enfin et surtout, le parti d’Angela Merkel n’a rien cédé en matière d’orthodoxie budgétaire. L’objectif d’équilibre du solde budgétaire structurel d’ici à 2015 est maintenu ainsi que celui de réduction de la dette qui devrait être ramenée à 70% du PIB d’ici à 2017, contre 80% actuellement. En outre, le recours aux hausses d’impôts pour financer le train de nouvelles mesures est exclu. Il faudra donc compter sur la reprise économique et les recettes fiscales qu’elle permettra de dégager pour financer les dépenses prévues dans le contrat.

Enfin, la CSU peut, elle aussi, sortir la tête haute de ces négociations. Les automobilistes étrangers empruntant les autoroutes allemandes ainsi que les poids lourds traversant le pays se verraient imposer un péage. Reste à mettre en application cette mesure qui contrevient à la libre-circulation des personnes prévue au sein de l’espace Schengen.

Le plus dur reste à faire

La prochaine étape, décisive avant la formation du nouveau gouvernement de coalition et la mise en œuvre de son contrat, n’en reste pas moins le référendum auprès des 473000 adhérents du SPD. Ces derniers voteront par correspondance entre les 6 et 12 décembre.

Les résultats seront annoncés le 15 décembre. Tout compte fait, le contrat de coalition devrait contenter la base du SPD. Il veille à la fois aux grands équilibres financiers et devrait contribuer à soutenir la progression du revenu disponible des ménages, donc de la consommation. De quoi aussi réjouir les partenaires européens, grâce au rééquilibrage attendu des excédents de balance des paiements courants. Si le « oui » l’emporte le 15 décembre, le Bundestag se réunira le 17 pour réélire Angela Merkel, pour la troisième fois.

La Chancelière disposera alors de quelques jours pour former son gouvernement. Par le passé, la répartition des portefeuilles ministériels était calquée sur celle des sièges obtenus au Bundestag. Ainsi le SPD devrait disposer de six portefeuilles ministériels sur les quatorze du nouveau cabinet Merkel. La CDU en aurait cinq et sa petite sœur bavaroise, la CSU, trois. Selon toute vraisemblance, Franck-Walter Steinmeir, le président du groupe parlementaire SPD au Bundestag, devrait retourner aux Affaires étrangères (un poste qu’il a déjà occupé entre 2005 et 2009). Sigmar Gabriel, le président du SPD, briguerait le ministère de l’Economie, et Wolfgang Schaüble devrait conserver son portefeuille aux Finances.

Toutefois, si la base du SPD venait à ne pas plébisciter le contrat de coalition, Angela Merkel se retrouverait au point de départ. En théorie, elle disposerait alors de trois possibilités : chercher à former une nouvelle coalition avec les Verts, gouverner seule sans majorité au Bundestag, appeler de nouvelles élections. Le pire n’est jamais certain !

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