Un premier pas vers la résolution bancaire unique

par Alan Lemangnen, économiste chez Natixis

Les ministres des Finances européens ont défini, mardi dernier, quelles seront les grandes lignes du futur Mécanisme de Résolution Unique (MRU) qui entrera en vigueur en janvier 2015. Second pilier de l’Union bancaire (après la supervision unique), le MRU vise à transférer de l’échelon national au niveau européen les compétences de résolution (restructuration / liquidation) bancaire, au sein d’un Conseil (le Conseil de Résolution Unique) qui regroupera, notamment, les autorités nationales de résolution de chaque Etat participant à l’Union bancaire. Les 130 plus grandes de la zone Euro, directement sous supervision de la BCE, seront concernées par ce nouveau mécanisme, ainsi que les groupes bancaires transfrontaliers – ce qui porte à 230-250 banques les banques sous juridiction du MRU.

Pour financer les futures restructurations, le Conseil sera appuyé par un Fonds de résolution unique, abondé ex ante par les banques, dont la force de frappe atteindrait 55 à 70 mds EUR à l’horizon 2025. Un Fonds unique certes, mais « compartimenté » pendant sa phase de lancement (2015-2025) : chaque Etat disposera de son propre compartiment, abondé par « ses » banques. En cas de restructuration, c’est le compartiment de l’Etat concerné qui devra être utilisé en priorité, avant que n’intervienne un pot commun mutualisant une partie des ressources restantes dans le Fonds. La mutualisation sera progressive : chaque année, la part des dépenses devant être couvertes par le compartiment national sera diminuée et, parallèlement, le pot commun augmenté. Les compartiments seront supprimés en 2025, une fois le Fonds pleinement abondé.

Afin de réduire au maximum le recours au Fonds, les ministres, la Commission et le Parlement européens se sont accordés mercredi pour avancer la date d’entrée en vigueur du bail-in des créanciers seniors à janvier 2016, contre 2018 initialement. Ainsi, si le Fonds devait intervenir pour absorber les pertes / recapitaliser une banque, l’équivalent de 8% des passifs de la banque concernée ferait préalablement l’objet d’un bail-in, selon un ordre de séniorité allant des actionnaires aux dépôts non garantis.

A la clôture du meeting de mardi, plusieurs points restaient néanmoins en suspens. En premier lieu, qui a le dernier mot pour déclencher la résolution ? La procédure prévue pour le moment est en effet bien trop complexe pour être efficace et crédible : elle prévoit que ce soit le Conseil de résolution qui établisse le plan de résolution, qui serait validé ex post par la Commission (seule une institution européenne peut enclencher la procédure). En cas de désaccord entre les deux entités, l’Ecofin serait appelé à trancher en dernier ressort. Il faudrait alors l’assentiment des ministres des Finances pour décider de la restructuration d’une banque, alors que le principe du SRM exige qu’une décision puisse être prise en un week-end… Toujours en lien avec la gouvernance du mécanisme, les modalités de vote au sein du Conseil de résolution font débat. L’Allemagne souhaite y renforcer le pouvoir des Etats, la Commission privilégiant quant à elle recours à des membres permanents et indépendants pour définir les plans de résolutions : l’objet du SRM est en effet de diminuer les interférences nationales dans le processus et le risque de complaisance qu’elles induisent. Enfin, le recours à un nouveau Traité européen pour fournir une base juridique robuste au Fonds de résolution, ardemment défendu par l’Allemagne, n’a pas la faveur de la Commission et de certains Etats. En cause, au-delà des potentiels délais induits (rappelons que pour le Traité instituant l’ESM, le processus avait duré 22 mois…), le fait que le Parlement européen serait de facto exclu du processus législatif. La légitimité du SRM pourrait en être sévèrement écornée, alors que ce nouveau mécanisme représente certainement l’abandon de souveraineté le plus important que concéderaient les nations européennes depuis l’introduction de l’Euro.

Enfin, outre ces différents points qui seront clarifiés lors des meetings exceptionnels de la semaine prochaine, une question centrale reste en suspens : en l’état, le SRM serait-il à même d’atteindre son objectif, à savoir rompre le lien souverain-bancaire et mettre un terme à la fragmentation dont pâtit actuellement l’Union monétaire ? Pour moment, la réponse est clairement négative. En effet, le Fonds de résolution sera vide en 2015 et le bail-in des créanciers seniors n’étant opérationnel qu’en 2016, les pertes potentielles ne pourront être absorbées par le secteur privé. C’est pourtant en 2015 qu’aura lieu l’essentiel des restructurations liées aux résultats de l’évaluation des bilans bancaires par la BCE.

Or, si le financement des restructurations reste national via la mobilisation de ressources budgétaires, un nouvel épisode d’écartement des spreads souverains semble inévitable, notamment si les besoins en fonds propres sont asymétriquement répartis au sein de l’Union monétaire et concentré dans les pays les plus fragiles. D’où l’urgente nécessité pour les ministres des Finances de s’accorder, la semaine prochaine, sur l’octroi, par l’ESM, d’une ligne de crédit au Fonds de résolution pendant la phase de transition (2015-2025). Il en va de la crédibilité du SRM et, à terme, du succès de l’Union bancaire.

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