Perspectives 2014 : changement de cap ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Déjà amorcé en 2013, le rééquilibrage de l’économie mondiale devrait se poursuivre cette année. L’année 2014 devrait être marquée par une légère accélération de la croissance mondiale, tirée par le dynamisme de l’économie américaine et par la reprise (modeste) en Europe. Les grands pays émergents devraient se maintenir sur des taux de croissance proches de ceux enregistrés en 2013, c’est-à-dire faibles par rapport à la dernière décennie.

Quels vont être les thèmes dominants de 2014 ?

Les grands pays émergents avec des déséquilibres courants et une inflation encore élevée, notamment le Brésil et l’Inde, vont probablement rester sur des taux de croissance relativement faibles. En effet, leurs marges de politiques économiques sont limitées, ces pays devant faire des efforts pour réduire leurs déficits publics et les politiques monétaires étant contraintes par l’inflation et les sorties de capitaux. La problématique chinoise est différente avec le souci des autorités de mener des réformes qui impliquent une croissance structurellement plus faible (7,5%).

La renaissance américaine se poursuit. Les Etats-Unis reviennent sur leur rythme de croissance potentiel (2,6%), grâce à un policy-mix toujours très accommodant, la politique fiscale ne pèse quasiment plus et la Fed continue d’injecter des liquidités (à un moindre rythme). L’année 2014 sera marquée par le retour du consommateur américain (le bilan des ménages s’est bien assaini) et une reprise de l’investissement productif alors que l’investissement résidentiel ralentira avec la remontée des taux longs.

Sortie de récession, la zone euro est convalescente, toujours contrainte par le nécessaire désendettement. Les politiques budgétaires et la fragmentation des marchés resteront un frein à la reprise de la croissance et de l’investissement.

Quelles conséquences pour les marchés ?

Les politiques monétaires resteront expansionnistes dans les pays développés, avec un maintien des taux directeurs à un niveau proche de 0. La BCE pourrait même baisser le refi à 0. Toutefois, les marchés devraient commencer à anticiper la remontée des taux courts notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Du côté des politiques non conventionnelles, la Fed continuera à réduire progressivement ses achats de titres sur toute l’année, ce qui implique encore environ 450Md$ de hausse de sa base monétaire ! Le Japon poursuivra la politique monétaire entamée en 2013 avec encore environ 70md$ d’achats de titres par mois. Enfin, c’est la BCE qui pourrait créer la surprise en étant plus active que ce qui est anticipé pour tenter de défragmenter les marchés (financement aux banques sous condition de financement à l’économie ?).

Poursuite du mouvement de remontée des taux longs mais toujours avec un écart important entre taux américains et taux européens. Alors que les taux 10 ans US sont attendus en hausse de 50pb à 3,50% fin 2014 (après déjà 120pb en 2013), les taux allemands n’augmenteraient que de 30pb à 2,25%, accentuant le spread Tnotes-Bund à 130pb.

Conséquence des différences de dynamiques de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro, l’euro devrait avoir tendance à se déprécier mais le potentiel de baisse nous semble limité par les excédents courants de la zone euro (1,27 fin 2014).

Les marchés action devraient continuer de bien performer profitant du report vers les actifs plus risqués.

Nous voyons toutefois plusieurs risques à ce scénario :

Une croissance plus faible que prévu en Chine, avec la volonté des autorités de mettre un terme à la hausse de l’endettement des collectivités locales et d’avancer dans les réformes. Un objectif de 7% de croissance pourrait être annoncé pour donner un signal aux différents agents économiques.

Une reprise plus modérée aux Etats-Unis. Certes, les perspectives sont favorables aujourd’hui et la liquidité est encore ample mais il ne faut pas négliger la possibilité d’un ralentissement plus marqué de l’investissement avec la remontée des taux. Par ailleurs, si le risque fiscal a diminué, les membres du Congrès pourraient à nouveau nous étonner lors de la négociation sur le plafond de la dette en mars. Au Japon, le risque que la hausse de la TVA de 3pts ne pèse plus fortement sur la croissance.

Dans la zone euro, le risque de déflation est de retour, rendant le désendettement difficile. Le risque bancaire pourrait réapparaître avec la revue des bilans et les stress tests menées par la BCE et l’EBA. Or le lien entre états et banques n’est pas complètement rompu malgré les compromis trouvés sur l’union bancaire.

Enfin les conflits géopolitiques restent potentiellement une source de risque pour l’économie mondiale.

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