par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis
La France n’a pas été épargnée par le retournement soudain et brutal de la conjoncture internationale. La croissance au quatrième trimestre 2008 est ainsi ressortie à -1,1% T/T (-0,9% en glissement annuel), une performance toutefois légèrement supérieure à celle enregistrée par nos principaux partenaires (-1,5% T/T en zone euro). Les comptes nationaux dressent en outre un panorama relativement inquiétant. Mise à part la bonne surprise côté consommation des ménages (+0,3% T/T), toutes les composantes du PIB s’affichent dans le rouge, voire le rouge très foncé : la formation brute de capital fixe recule de 1,4% sous l’effet (notamment) de la baisse très prononcée en fin d’année de l’investissement des entreprises (-2,0%), tandis que les exportations se sont littéralement effondrées (-3,5% T/T).
Malgré ces évolutions très défavorables de la demande, il semblerait que les entreprises aient en outre fortement déstocké, les variations de stocks contribuant pour près d’un point à la baisse du PIB enregistrée sur la période. Nous jugions cette évolution des stocks de bon augure pour le début d’année 2009, allant même jusqu’à anticiper un (très léger) rebond technique au premier trimestre en raison des reprises de production dans l’industrie (après les ruptures de chaîne de fin d’année) et malgré les incertitudes très fortes qui continuent de peser sur la demande globale et son financement.
L’incertitude post quatrième trimestre s’est maintenant partiellement dissipée. Le rebond que nous anticipions s’est certes produit, mais uniquement dans l’automobile (+1,8% en janvier). La production dans l’ensemble des autres branches s’est en revanche de nouveau contractée, et très fortement, produisant un nouveau plongeon de la production manufacturière (-4,1% en janvier). Nous avons donc fortement revu en baisse notre prévision de croissance pour le premier trimestre et, partant, sur l’ensemble de l’année (de -1% à -2%)1. Côté demande, la dégradation très brutale du marché du travail (+170K chômeurs en janvier/février) nous a également incités à tempérer notre « optimisme » (au regard des prévisions du consensus). Nos estimations montrent désormais que la brutalité de l’ajustement de l’emploi devrait plus que compenser l’effet positif de la désinflation sur le pouvoir d’achat des ménages, donc sur leur volume de consommation. Nous avons par conséquent ajusté à la baisse nos prévisions de consommation des ménages, dont la dynamique de court terme devrait être nettement baissière. D’autant plus qu’une hausse substantielle du taux d’épargne semble très probable à court terme (et par ailleurs déjà observée au quatrième trimestre 2008).
Notre nouvelle prévision de croissance pour 2009, à -2%, est inférieure à celle formulée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative présenté récemment par le gouvernement. Une fois n’est pas coutume, elle est sensiblement supérieure à celle du consensus des économistes, qui anticipe une contraction de l’activité supérieure à 2% cette année.
Nous restons toutefois convaincus que la France « fera mieux », et probablement nettement mieux, que la zone euro dans son ensemble en 2009 (-2,8% selon nos dernières estimations). Le poids des stabilisateurs automatiques y est en effet bien plus important que dans tous les autres pays de la zone euro, tandis que le recul du commerce mondial devrait surtout affecter les pays dont la stratégie macroéconomique pourrait se résumer, ces dernières années, à la conquête de nouvelles parts de marché (notamment en zone euro). Bien sûr, cela ne signifie pas que l’économie hexagonale traversera sans heurts la crise actuelle. Nous pensons simplement que, dans le cas français, celle-ci devrait se montrer moins violente mais sans doute plus durable que dans les pays où la demande étrangère permettrait d’enclencher une reprise par les exportations. Nos prévisions sont certes légèrement plus optimistes à court terme, mais elles demeurent nettement plus pessimistes à un horizon plus long.