Elections européennes : libéraux et sociaux-démocrates au coude à coude

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

Les élections parlementaires européennes se tiendront entre le 22 et le 25 mai prochains dans les 28 Etats de l’UE. Etude des forces en présence…

S&D, PPE : équilibre des forces…

Les derniers sondages placent sociaux-démocrates (S&D) et libéraux (PPE) au coude à coude. Selon Pollwatch 20141, les premiers gagneraient les élections en Italie, au Royaume-Uni, en Roumanie, au Portugal et en Suède notamment, tandis que les seconds seraient en tête en Allemagne, en France, en Hongrie et en Irlande entre autres…

Les sondages ne permettent pas, pour l’instant, de départager les deux groupes en Espagne, tandis qu’en Pologne, les élections pourraient être remportées par le parti de la droite conservatrice, principal opposant de la coalition gouvernementale de centre droit, et membre du groupe conservateur ECR à Bruxelles. Dans l’ensemble, S&D et PPE, les deux principaux groupes du Parlement, obtiendraient 212 sièges d’eurodéputés chacun dans le prochain hémicycle, soit 28,2% des sièges (56,4% à eux deux). Le Parlement européen (PE) réalise pour sa part ses propres projections avec l’institut TNS. Celles-ci donnaient une légère avance au PPE début avril, avec 214 sièges contre 208 au S&D. Les deux sources s’accordent pour gratifier ensuite d’environ 60 sièges les forces qui constituent actuellement le groupe des démocrates et libéraux (ALDE) et d’un peu plus de 50 députés les communistes et antilibéraux du GUE-NGL. Dans l’ensemble, les deux sources (Pollwatch et le Parlement) s’accordent pour dire que, en l’état actuel des sondages, l’hémicycle européen penchera vraisemblablement à droite après les élections des 22-25 mai prochains, mais qu’une alliance du PPE et de l’ALDE avec les conservateurs (ECR) n’aurait plus la majorité absolue au Parlement (42% des voix contre 54% dans la représentation actuelle).

Non-inscrits, 3ème force du Parlement ?

Comme nous l’avons déjà souligné par le passé, l’attention portée à ces élections s’explique par la crainte d’une forte poussée des scores des parties contestataires et/ou eurosceptiques. Les projections confortent ce scénario. Selon ces projections, le groupe EFD (Europe of Freedom & Democracy) qui regroupe les élus de partis nationalistes tels que l’Ukip britannique et la Ligue du Nord italienne, conserverait ainsi à peu près le même nombre de députés (de 29 à 36 députés selon les sources, contre 31 à l’heure actuelle). En revanche, à l’extrême gauche, le groupe GUE-NGL, dans lequel sont notamment inscrits les élus grecs de Syriza, du Front de Gauche en France, ou de Die Linke en Allemagne, gagnerait 15 à 20 sièges (31 à l’heure actuelle, jusqu’à 51 selon les projections). Enfin, les sondages laissent présager une augmentation marquée du nombre d’élus non inscrits, où se retrouvent souvent les députés issus des partis les plus extrémistes, faute de capacité ou d’envie de faire alliance avec d’autres. Selon Pollwatch, leur nombre pourrait tripler à l’issue des élections de mai prochain, passant de 32 à 90 députés, répartis sur 16 nationalités.

Ceci, théoriquement, ferait d’eux la troisième « force » de l’hémicycle. Le PE estime quant à lui que le nombre des élus issus de formations qui sont déjà présentes parmi les non-inscrits dans la législature actuelle (c’est le cas par exemple des élus du Front National français, de ceux du PVV néerlandais ou du FPÖ autrichien) passerait de 32 à 38, et que 66 eurodéputés seraient issus de formations entrantes (telles que, par exemple, le Mouvement 5 étoiles italien, qui pourrait conquérir 19 sièges, ou le parti allemand anti-euro AfD, auquel Pollwatch prédit 6 sièges), dont l’affiliation future reste à déterminer.

Même s’ils sont très divers, ces députés vont à l’évidence constituer un vivier important. Resteront-ils tous véritablement non-inscrits ou faut-il s’attendre à une certaine recomposition à l’issue des élections ? Pour constituer un groupe au PE, et acquérir ainsi une certaine capacité d’influence, il est nécessaire de réunir au moins 25 députés, issus au minimum de 7 nationalités. Les projections montrent que les nationalistes d’EFD pourraient rechercher des accords avec de nouveaux entrants pour satisfaire au critère de nationalité2. La création d’un groupe d’extrême droite n’est pas non plus totalement exclue, même si, par le passé, ces partis ont souvent montré leur peu de capacité à s’entendre dans la durée3. Au fond, la meilleure protection du Parlement européen contre ces forces est justement leur peu d’intérêt qu’ils ont montré, jusqu’ici, pour les questions européennes.

NOTES

  1. Ces projections, datées du 02 avril 2014, sont fournies par VoteWatch Europe, une organisation européenne indépendante. Elles sont faites à partir d’une série de sondages nationaux, retraités par l’organisation. Les précédentes estimations de Pollwatch 2014 ont été commentées dans « UE : l’eurosepticisme, arbitre des élections ? », Wurtz C., Ecoweek du 28/03/2014.
  2. Selon les projections de Pollwatch, le groupe ne serait plus représenté que par 8 nationalités à l’issue du scrutin, dont 3 avec un seul député attendu. Parmi les plus modérés, la question se posera également pour le groupe conservateur ECR.
  3. Plusieurs partis (PVV, FPÖ, FN,Vlaams Belang, Démocrates suédois et Parti national slovaque (SNS)) se sont récemment alliés pour parvenir à former un groupe dans le futur parlement. Voir « Elections européennes 2014 : Vers «une» extrême droite européenne ? », Question d’Europe, Fondation Robert Schuman.

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