BCE : vers un QE ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Les nouvelles macroéconomiques en provenance de la zone euro ont été particulièrement décevantes cet été : stagnation du PIB au deuxième trimestre, baisse des indices de confiance en août dans les grands pays de la zone suggérant que la croissance sera très modeste au troisième trimestre, enfin nouvelle baisse de l’inflation en août à 0,3%. Toutes ces statistiques confirment qu’après sa sortie de récession il y a un an maintenant, la zone euro reste engluée dans la stagnation, caractérisée par la faiblesse de la croissance et de l’inflation. Si nous ne sommes guère surpris par ces tendances, nous avons cependant sous-estimé leur ampleur.

Le plus inquiétant, toutefois, dans le lot de mauvaises nouvelles concernant la zone euro est le recul important des anticipations d’inflation au cours du mois d’août. Jusqu’à l’été, leurs différentes mesures, même si elles avaient tendance à diminuer, restaient à des niveaux jugés comme raisonnables. Or à partir du mois d’août les swaps inflations ont significativement baissé, perdant 18pb sur le swap 5ans et 12pb sur le 5 ans à 5 ans qui constitue l’une des mesures les plus suivies par la BCE.

Le risque aujourd’hui est clairement que l’équilibre bascule d’une situation de stagnation à celle de déflation dont on sait qu’il devient alors extrêmement difficile de sortir. L’augmentation du risque de déflation, s’il persistait, pourrait changer la donne et appelle à un tournant dans les politiques économiques qui sont menées pour provoquer, au-delà des effets macroéconomiques positifs, un choc de confiance. Il devient en effet de plus en plus nécessaire d’assouplir le policy-mix sans pour autant remettre en cause la mise en œuvre des réformes structurelles qui pèsent, pour certaines, sur la croissance à court terme. Du côté budgétaire, les marges de manœuvre peuvent apparaitre faibles mais Bruxelles (et l’Allemagne) devraient finalement se montrer plus tolérants sur la vitesse de réduction des déficits publics. Du côté monétaire, la BCE pourrait conduire une politique plus expansionniste.

Conséquence des mauvaises statistiques estivales, la BCE va devoir réviser à la baisse ses projections de croissance et d’inflation lors de son prochain Conseil des gouverneurs. Si elle a toujours insisté sur le fait que c’est l’inflation à moyen terme qui importe et non l’inflation courante, la persistance de la faiblesse (quasiment un an) puis le nouveau recul de cette dernière commencent à peser sur les anticipations d’inflation. Or c’est l’ancrage de ces dernières qui est primordiale pour éviter la déflation. Par la voix de son président Mario Draghi lors de son discours à Jackson Hole, la BCE a pour la première fois souligné le recul des anticipations d’inflation alors que jusqu’à présent elle considérait qu’elles étaient bien ancrées. Elle a par ailleurs laissé planer le doute sur de nouvelles actions.

Après le package annoncé en juin, la BCE a encore la possibilité de :

  1. baisser davantage les taux directeurs mais étant donné le niveau de l’eonia ces dernières semaines, l’intérêt n’est que très limité,
  2. lancer effectivement un programme d’ABS pour financer l’investissement productif,
  3. assouplir davantage les conditions des TLTRO, 4/ mettre en place un QE d’envergure (1 000 Md€ ?) avec achats de titres publics.

La BCE va probablement attendre de voir comment la situation évolue dans les semaines qui viennent en maintenant un ton dovish. Elle souhaitait également prendre son temps pour apprécier les effets des TLTRO. Il semble très probable qu’elle annonce un programme d’achat d’ABS dans les mois qui viennent. Mais si les anticipations d’inflation continuent à s’affaisser, elle pourrait se trouver contrainte d’agir plus rapidement et fortement sous peine de perte de crédibilité. Etant donné la faiblesse des taux longs dans la zone euro, qu’apporterait la mise en place d’un QE de grande ampleur sur les titres publics ? Elle permettrait aux taux sur les emprunts d’Etat de continuer à baisser facilitant le financement des Etats et rendant les conditions financières plus expansionnistes ; Les investisseurs seraient contraints de se reporter sur d’autres actifs favorisant une baisse des taux sur des actifs plus risqués et un soutien des actions. Les effets richesse resteraient toutefois limités. Les actifs étrangers deviendraient relativement plus attractifs impliquant une dépréciation significative du taux de change. Dans l’environnement actuel, la dépréciation du taux de change apparaît comme le seul instrument pour faire remonter un peu l’inflation dans la zone euro dans un contexte où les prix des matières premières et les salaires restent orientés à la baisse.

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