Le temps de l’action ?

par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, Xavier d’Ornellas, Gérant Associé – Pôle Gestion Flexible, avec la participation de Jean-Michel Mourette, économiste chez Amplégest

La rentrée des classes de l’économie mondiale donne une image globalement conforme à celle qui prévalait au début de l’été. Les USA ont connu, comme prévu, un rebond spectaculaire au second trimestre, et restent sur une tendance favorable. Le Royaume-Uni est toujours tonique, avec un chômage au plus bas depuis 2008. Le Japon digère difficilement la hausse de la TVA du printemps, mais les dernières statistiques défavorables doivent être relativisées en raison de leur volatilité importante.

Les pays émergents ont du mal à sortir de leur consolidation récente, mais la zone est très hétérogène entre pays qui souffrent (Brésil, Russie) et pays qui sont repartis (Inde et, dans une moindre mesure, Chine). Enfin l’Europe reste à l’arrêt et même l’Allemagne, affectée par la situation en Ukraine, a connu une décélération économique au second trimestre. Pourtant, une analyse plus détaillée montre des changements ou inflexions, qui pourraient rebattre les cartes d’ici à la fin de l’année.

Aux Etats-Unis deux faits nouveaux doivent être surveillés. Tout d’abord le redémarrage de l’investissement se produit enfin, en contribuant significativement au rebond du PIB pour le second trimestre. C’est une excellente nouvelle que nous attendions impatiemment depuis des mois. Comme nous l’avions exposé à diverses reprises, l’investissement des entreprises était le dernier maillon de la chaîne qui manquait pour consolider et rendre pérenne la croissance du pays. Cette embellie mérite confirmation, mais elle laisse augurer d’un futur positif pour l’économie américaine. Le second facteur nouveau est la réapparition récente d’une « vieille oubliée », l’inflation. On remarque, d’après les chiffres des prix à la consommation des derniers mois, un frémissement qu’on n’avait plus connu depuis longtemps. Une inflation plus élevée est souvent appelée de leurs vœux par les économistes, soucieux de voir la dette se résorber. Il faut pour cela qu’elle reste dans des limites acceptables par l’orthodoxie monétaire. Restons donc prudents et attendons l’évolution future des indices de prix pour se prononcer. Ces deux facteurs, s’ils se confirment, devraient inciter la FED à procéder à une hausse des taux avant la fin de l’année. Il nous parait probable que nous nous rapprochions rapidement de la date où la politique monétaire américaine va changer après des années de statu quo.

En Europe la nouveauté provient d’une part de la baisse de l’euro contre le dollar qui redonne de la compétitivité à nos entreprises, et d’autre part d’une évolution notable des discours des gouvernements et des banquiers centraux quant aux politiques à mener dans un avenir proche. La plupart des pays du continent ne respecteront pas les objectifs de réduction des déficits. Le manque de croissance de la zone explique pour beaucoup ce retard. Il semble donc que le curseur des priorités se déplace désormais lentement vers la recherche de d’avantage de croissance, au détriment d’une baisse immédiate et à tout prix des déficits. La politique du donnant donnant devrait toutefois continuer de prévaloir, avec délais pour la réduction des déficits contre réformes structurelles. Mais un peu plus de pragmatisme politique et une banque centrale européenne plus proactive donnent de nouvelles perspectives pour cette rentrée en Europe. La BCE est loin d’avoir utilisé toutes ses cartouches et demeure un bouclier important contre un pessimisme des investisseurs.

Notre allocation globale dans nos portefeuilles pour cette rentrée est stable. Nous considérons toujours que les actions sont la classe d’actifs la plus intéressante, tant pour des raisons positives (les entreprises restent les plus aptes à créer de la richesse) que par défaut, compte tenu du peu d’intérêt relatif des autres classes d’actifs (obligations, cash). La poursuite de la baisse des taux longs depuis quelques mois nous a pris par surprise, mais elle s’explique en grande partie par la recherche de placements refuges dans un contexte géopolitique tendu (Ukraine, Moyen Orient). Aujourd’hui les rendements des placements publics ou privés sont faibles et offrent peu de perspectives à court terme. L’OAT 10 ans français, par exemple, donne un rendement de 1,29% !

Nous regardons avec intérêt la zone euro aujourd’hui en bas de cycle .La BCE devrait intervenir plus franchement d’ici la fin de l’année. La situation en Ukraine, qui a certainement contribué à la mauvaise humeur des marchés cet été, doit bien sûr être prise en compte, mais nous sommes prêts à renforcer nos positions. Notre investissement récent sur les pays émergents nous a permis par ailleurs de profiter du retour en grâce de la zone, notamment sur nos fonds flexibles.