Zone euro : vers un programme d’assouplissement quantitatif

par Klaus Wiener, Directeur de la recherche de Generali Investments Europe

• Après le discours de Mario Draghi à Jackson Hole fin août, il semblerait que la BCE devrait probablement adopter un programme d’assouplissement quantitatif.

• Ce contexte a eu un effet positif sur le cours des actions et entraîné une baisse des rendements obligataire à long terme dans la zone euro qui ont atteint un nouveau point bas record.

• Les risques géopolitiques accrus et une politique monétaire américaine moins conciliante peuvent encore provoquer de la volatilité sur les marchés.

• Cela dit, l’assouplissement quantitatif est un outil très puissant : le scénario de très faibles rendements obligataires et d'une appréciation des actifs plus « risqués » est encore plus crédible qu'auparavant

L'événement principal des dernières semaines a été un discours prononcé par Mario Draghi, Président de la BCE, à la conférence de Jackson Hole aux Etats-Unis. Il y a révélé ses inquiétudes dues à la récente baisse des anticipations d'inflation à long terme du marché. Qui plus est, et de façon inhabituelle de la part d'un président de banque centrale, il s'est également montré favorable à des mesures budgétaires pour résoudre le problème de croissance de la zone euro. Les marchés financiers en ont immédiatement déduit que la BCE était disposée à mettre en œuvre un programme d'achats d'actifs de grande envergure à l'américaine, c'est-à-dire un « assouplissement quantitatif ». Par conséquent, le rendement des emprunts d'État du centre et de la périphérie de la zone euro a baissé pour atteindre de nouveaux points bas records et les marchés des actions sont remontés. L'indice S&P500 a même atteint de nouveaux records historiques.

Le scénario d'un assouplissement quantitatif pur de la part de la BCE nous paraît désormais presque inévitable. Premièrement, le discours de Mario Draghi nous a rappelé celui qu'il avait fait à l'été 2012 au cours d'une conférence internationale pour dévoiler d'importants chan- gements de politique monétaire (baptisés « opérations monétaires sur titres » à l'époque). Deuxièmement, la BCE a toujours insisté sur l'importance d'anticipations inflationnistes ancrées. Mais au cours des dernières semaines, celles-ci ont commencé à baisser fortement. Pour annihiler toute tendance déflationniste, il est essentiel que la BCE garde une longueur d'avance. Enfin, la croissance et l'inflation de la zone euro se sont encore détériorées récemment. La croissance du PIB a stagné au 2ème trimestre et les indicateurs de confiance des entreprises ne suggèrent qu'un léger rebond au 3ème trimestre, même en Allemagne qui a été le moteur de la reprise à ce jour. Parallèlement, l'inflation de la zone euro a baissé pour atteindre un nouveau point bas cyclique de 0,3 % en glissement annuel. À ce niveau, elle frôle le seuil critique du zéro.

Dans ce contexte, nous sommes convaincus que la BCE ira au-delà des mesures qu'elle avait annoncées en avril (taux de dépôt négatif, deux nouveaux LTRO ciblés, procédure d'appels d'offres intégralement servis). À l'heure actuelle, nous prévoyons un programme qui consisterait d'achats d'actifs des secteurs privé et public, avec un biais éventuel en faveur du secteur privé. Ce programme sera d'une grande ampleur. Notre estimation initiale est que l'expansion du bilan sera similaire à celle des Etats-Unis. Cela correspond à des achats d'actifs de l'ordre de 500 milliards d'euros. Au niveau du calendrier, nous ne pensons pas que l'assouplissement quantitatif interviendra dès septembre, mais c'est une possibilité que nous ne pouvons pas exclure.

Si l'on en juge par l'expérience d'autres pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon), les effets sur le marché obligataire sont assez simples : l'assouplissement quantitatif réduira le rendement des emprunts d'État sur une base durable. EEvidemment, dans un contexte de forte croissance et d'in- flation positive, l'assouplissement quantitatif pourrait en fait rehausser les rendements, mais ce ne sera pas le cas dans la zone euro étant donné sa situation macroéconomique actuelle. Au cours des 12 pro- chains mois, nous prévoyons que le rendement du Bund allemand à 10 ans restera inférieur à 1%. Ce niveau de rendement à long terme étant aussi faible, le prix des actifs plus risqués (actions, crédit) devrait remonter à mesure que la demande s'améliore. Cependant, l'ampleur d'une éventuelle appréciation des actions de la zone euro est limitée à cause de la faiblesse des bénéfices. Au total, nous continuons de prévoir une performance des actions européennes comprise entre 1 % et 9 % en 2014 et 2015.