par Maarten-Jan Bakkum, Stratégiste Senior Marchés Emergents chez ING Investment Management
Après dix années de solide croissance, l’économie indonésienne ralentit considérablement. Ceci est imputable au repli de la demande chinoise de matières premières, à la normalisation progressive de la politique monétaire américaine et au déclin inévitable des dépenses gouvernementales. La croissance du PIB est actuellement proche de 5%, mais sans modifications significatives de la politique menée, un ralentissement à 4% semble de plus en plus probable. La dernière fois que l’Indonésie a connu une croissance de 4% remonte aux conséquences de la crise mondiale du crédit de 2008.
L’économie souffre d’une dépendance excessive des capitaux étrangers et du manque de confiance des Indonésiens dans leur propre système financier. La croissance du crédit, qui s’élève toujours à 15%, ne peut rester soutenue que si les banques parviennent à récolter des capitaux étrangers supplémentaires, ce qui commence à devenir difficile. La hausse des taux américains au cours des prochains trimestres ne manquera pas d’exercer des pressions baissières sur les flux de capitaux vers les marchés émergents à haut rendement tels que l’Indonésie.
La banque centrale indonésienne maintient les taux à un niveau élevé pour éviter une pénurie majeure de capitaux et une crise financière. La roupie est vulnérable, ne fût-ce qu’en raison des déficits substantiels du compte courant et du budget gouvernemental. Ces déficits sont surtout imputables aux subsides élevés pour le carburant, lesquels représentent pas moins de 25% des dépenses publiques totales. Si ces subsides ne sont pas diminués drastiquement, il n’y aura plus de cash disponible pour investir dans les infrastructures dont le pays a cruellement besoin. En maintenant les taux à un niveau élevé, la banque centrale met le gouvernement sous pression pour qu’il résolve le problème des subsides.
Heureusement, un nouveau président a été élu et entrera en fonction le mois prochain. Joko Widodo, communément appelé Jokowi, est considéré comme un réformateur. Il reste toutefois à voir s’il sera capable d’obtenir un soutien suffisant pour les changements politiques nécessaires de toute urgence. Les subsides seront probablement diminués, mais le nouveau président n’a guère le choix : le déficit budgétaire est proche de la limite légale de 3% en Indonésie. S’il ne coupe pas dans les subsides, cela signifiera automatiquement que d’autres dépenses devront être réduites et que les investissements en infrastructure ne seront pas poursuivis.
Des mesures énergiques du nouveau président contribueraient à restaurer la confiance en Indonésie, ce qui entraînerait une hausse des investissements privés en mesure de compenser l’impact négatif des ajustements budgétaires, du repli de la demande chinoise et des sorties de capitaux. Contrairement à de nombreux autres pays émergents, l’Indonésie dispose en tout cas d’un nouveau gouvernement avec un président favorable aux réformes qui a fait ses preuves en tant que gouverneur de Jakarta.
La croissance économique continuera probablement à se replier, mais une amélioration des perspectives de croissance est très probable. L’Indonésie est par conséquent l’un des marchés émergents les plus attrayants à l’heure actuelle.