Des nouvelles du marché actions chinois

par Mathieu L’Hoir, stratégiste actions, et Aidan Yao, économiste Asie émergente chez Axa IM

• Les récents développements en Chine nous amènent à être plus constructifs et à recommander d’inclure des actions chinoises dans les portefeuilles.

• Côté croissance des profits, le gouvernement accélère la réforme des entreprises d'État et du secteur privé. En cas de succès, la compétitivité et la rentabilité des compagnies publiques devraient être améliorées, tout en créant un terrain favorable à la croissance des entreprises du secteur privé.

• Côté valorisation, les mesures destinées à rééquilibrer l'économie et à corriger la bulle de certains actifs devraient permettre de réduire la prime de risque. Le programme de connexion des marchés actions de Hong-Kong et de Shanghai, devrait accroître la liquidité des marchés A-share et aider le processus de revalorisation.

• Des premiers signes montrent que les banques commencent à traiter le problème des prêts non performants via des ventes d’actifs, la levée de capitaux et la coopération avec les «bad banks». La poursuite de ce mouvement pourrait aider à réduire les incertitudes et stimuler la valorisation des actions.

Nous avons été jusqu’à récemment négatifs sur les actions chinoises. Cependant, les récents développements en Chine nous amènent à être plus constructifs et à recommander d’inclure des actions chinoises dans les portefeuilles.

Pourquoi nous étions négatifs

Nous avons pendant longtemps recommandé la prudence sur les actions chinoises, principalement pour deux raisons : une croissance des bénéfices en baisse dans un contexte de craintes de perte de dynamisme économique, et des doutes quant à la stabilité financière. Ce dernier facteur a pesé sur les financières, induisant une dévalorisation du marché chinois qui, sur la base du ratio cours bénéfices anticipés, est maintenant 40% en dessous des actions mondiales, un niveau plus vu depuis le début des années 2000.

L’écart de croissance du PIB chinois par rapport au reste du monde ne s’est pas reflété pas dans la croissance des bénéfices. Trois facteurs ont fortement pénalisé les profits. Premièrement, les marges des compagnies se sont détériorées du fait de la prédominance des entreprises d’Etat (SOE) – impliquant une faible concurrence et incitation à améliorer la profitabilité – et de la perte de compétitivité induite par une croissance des salaires supérieure à celle de la productivité, particulièrement dans les produits bas de gamme. Deuxièmement, les entreprises chinoises sont caractérisées par un fort levier opérationnel, s’appuyant essentiellement sur la croissance des chiffres d’affaires et la rotation des actifs pour générer des profits, ce qui les rend très vulnérables à la décélération de l’activité économique observée ces dernières années.

Troisièmement, la forte hausse des émissions d’actions du fait de l’accès limité au marché des obligations d’entreprises a eu un effet dilutif significatif sur les BPA. Le taux de dilution depuis 2012, mesuré en comparant la capitalisation d’un indice et son prix, s’établit à 4% par an pour le MSCI Chine contre 0.3% pour les US.

Nous avons été très prudents sur les financières, particulièrement sur les banques et les promoteurs immobiliers, qui représentent une part importante des indices chinois (40% du CSI 300). L’extrême croissance du crédit, principalement côté shadow banking, a fait craindre une crise du crédit et une explosion des crédits non performants (NPL) qui auraient forcé les banques à déprécier une part importante de leurs actifs ou à s’engager dans des ventes d’actifs non performants dans des conditions défavorables. La flambée des activités de prêts hors bilan des banques, via des produits d'assurance et de gestion du patrimoine, nous a aussi inquiété. Enfin, le retournement du marché immobilier a mis les promoteurs immobiliers sous pression, avec des risques de contagion aux banques.

Nous pensons qu’une grande partie de ces risques se sont matérialisés et sont maintenant largement intégrés dans les prix de marché. Nous détaillons dans ce qui suit les développements récents qui nous rendent plus constructifs.

Réforme des SOE pour améliorer la profitabilité

Pour améliorer la profitabilité des compagnies listées, largement dominées par les SOE1, le gouvernement doit accélérer les réformes. Malgré les privilèges dont bénéficient les SOE en matière de coûts de financement et d’accès aux ressources, les mesures de profitabilité, de productivité ou d’endettement montrent qu’elles ont significativement sous-performé les compagnies privées ces dernières années.

Le gouvernement est en train de mettre en place un ensemble de réformes importantes pour restructurer les SOE et débrider le secteur privé. Il a annoncé récemment un certain nombre d’initiatives, incluant le développement de la propriété mixte, l’encouragement de la vente d’actifs, l’amélioration de la gouvernance et le changement des structures de management. Certains gouvernements locaux ont publié des échéanciers afin de calmer les inquiétudes quant au manque d’implémentation. Le but est de faire converger les pratiques opérationnelles des SOE vers les standards de marché, en limitant au passage l’influence politique.

Au-delà de la réforme des SOE, le gouvernement a aussi réduit les règles et réglementations qui restreignent la croissance des entreprises privées afin de rendre la concurrence plus équitable. Selon le premier ministre Li Keqiang, les autorisations administratives ont été retirées pour plus de 600 items depuis la mise en place du gouvernement il y a deux ans. Cela a permis une explosion en 2013 de 50% du nombre d’enregistrements de nouvelles sociétés, et de 60% sur les huit premiers mois de 2014. Par ailleurs, de nouvelles initiatives sont en cours pour réaligner les coûts de financement des entreprises privées avec les SOE, telles que 1) la libéralisation des taux d’intérêt et les mesures d’assouplissement ciblées de la PBoC qui améliorent l’accessibilité et le coût du crédit pour les PME, 2) une réforme fiscale et l’encouragement de partenariats public-privé qui doivent permettre au capital privé d’avoir accès aux projets officiels, 3) la réforme des SOE qui réduit les barrières à l’entrée pour les compagnies privées pour pénétrer les industries monopolistiques, et 4) de nombreuses initiatives ont été annoncées pour soutenir les « nouvelles industries stratégiques » qui, avec une hausse des investissements en recherche et développement, devraient aider l’économie à remonter la chaîne de valeur, permettre aux compagnies listées de réduire leur levier opérationnel et accroître les marges.

Mesures pour réduire la prime de liquidité

Les mesures pour libéraliser le compte de capital de la Chine devraient augmenter la liquidité des marchés A- share. Le programme de connexion des marchés actions de Hong-Kong et de Shanghai a provoqué beaucoup d’intérêt chez les investisseurs offshore qui souhaitent s’exposer au marché A-share, le niveau de valorisation rendant cet investissement intéressant à long terme. Le récent rallye sur le marché chinois a ainsi coïncidé avec une hausse très marquée des volumes échangés et du nombre d’ouvertures de comptes actions. Par ailleurs, l’attractivité relative des différentes options d’investissement est en train de changer, ce qui pourrait favoriser des flux vers les actions. En effet, la correction sur le marché immobilier ainsi que le durcissement de la réglementation du shadow banking, affectant les produits d'assurance et de gestion du patrimoine, pourraient être favorables aux actions. Un tel changement serait bien vu par les autorités.

Des signes que les banques s’attaquent aux NPL

Le dernier rapport sur les profits des banques montre une hausse continue des NPL et une baisse des marges. Le ratio de NPL officiel reste proche de 1%, ce qui selon nous sous-évalue largement le problème des bilans des banques qui pèse comme une épée de Damoclès sur les marchés actions. Il y a toutefois des premiers signes que les banques commencent à traiter le problème des NPL via des ventes d’actifs et l’émission d’actions privilégiées pour doper leur capital. Dans le même temps, certaines « bad banks » créées à la fin des années 90 pour assainir le bilan des banques ont récemment levé des fonds, attirant l’attention des investisseurs et suggérant qu’elles pourraient être à nouveau mises à contribution pour aider les banques à nettoyer leurs bilans. Même s’il est encore difficile de dire si le processus d’éliminations des NPL est en bonne voie, les marchés ont déjà intégré énormément de mauvaises nouvelles dans les prix. Si l’implication significative des bad banks ne peut être garantie sur la base des informations disponibles, le fait que les banques réduisent leur exposition au shadow banking et lèvent activement du capital pour consolider leur bilan devrait avoir un impact positif sur les valorisations des actions.

Qu’attendre dans les prochains 12 mois

Ces changements devraient impacter les actions chinoises via 1) la réduction de la prime de risque, ce qui devrait permettre une revalorisation des actions et leur convergence à court terme vers leur juste valeur et 2) une réévaluation de la croissance des bénéfices qui pourrait faire remonter leur juste valeur à moyen terme.

Côté bénéfices, un risque important de décélération économique est déjà inclus dans les anticipations de marché, ce qui laisse espérer des surprises positives. Le consensus attend une croissance des BPA de 10% à 12 mois, en ligne avec les actions mondiales malgré un différentiel de croissance du PIB nominal clairement en faveur de la Chine. Cela montre que le marché s’attend à une détérioration supplémentaire des marges bénéficiaires dans un contexte de conditions de financement difficiles et de pénurie de main-d’œuvre, et/ou qu’il intègre un scénario de ralentissement plus marqué de l’activité. Toutefois, les mesures pour réduire les coûts de financement, augmenter la productivité et améliorer la profitabilité des SOE devrait aider à stabiliser les anticipations de marges. De fait, il semble que le consensus a été trop loin dans ses baisses de prévisions de croissance des BPA, comme en témoigne les révisions positives observées ces trois derniers mois. De nouvelles révisions à la hausse sont selon nous probables, ce qui devrait soutenir le marché.

Toutefois nous pensons que la normalisation partielle de la prime de risque sera le principal déterminant du rendement des actions chinoises dans les prochains mois. Le marché a été trop loin dans son évaluation du prix du risque, même si des défis importants demeurent à moyen long terme. De fait, la prime de risque actions implicite au-delà des taux 10 ans chinois est 0.75 écart type au-dessus de sa moyenne long terme malgré une hausse des taux.2 Parallèlement, notre dividende discount model montre que malgré leur rebond depuis mai les actions chinoises restent 10% en dessous de la juste valeur impliquée par leurs fondamentaux.

Nous attendons par conséquent deux effets : premièrement une convergence, même partielle, des prix vers leur juste valeur, aidée par l’amélioration de la liquidité; deuxièmement que leur juste valeur remonte progressivement avec l’amélioration du sentiment des investisseurs quant à la stabilité du système financier et la viabilité des cibles de croissance. Ce sera certainement un processus lent, mais après prise en compte de l’ensemble de ces éléments, nous pensons que la rentabilité totale (incluant les dividendes) du marché Figure 4
chinois pourrait se situer entre 5% et 10% sur les 12 La prime de risque actions demeure élevée prochains mois, ce qui justifie d’inclure des actions
chinoises dans les portefeuilles.

NOTES

  1. Les SOE représententplus de 60% de la capitalisation boursière. Dans certaines industries, comme l’énergie, les services d’utilité public et bancaire, qui sont traditionnellement de grands détenteurs de SOE, le taux peut dépasser 95%.
  2. Nous utilisons notre dividende discount model pour estimer la juste valeur du ratio cours bénéfices (PE) et la prime de risque des actions chinoises. Ce modèle relie le PE à la croissance attendue des bénéfices et au taux d’actualisation correspondant au taux de rendement requis du marché. Nous utilisons le taux de corrélation moyen des actions chinoises ainsi que la distance entre la croissance du PIB chinois et le seuil de 7% pour prendre en compte les variations de la prime de risque. Nous extrayons le taux d’actualisation des multiples de valorisation et la prime de risque est obtenue en soustrayant le taux 10 ans chinois de ce taux d’actualisation.