par Cyrille Geneslay, gérant allocataire chez CPR AM
La conception et la réalisation d’un roman policier, expliquait Agatha Christie, répondent à des règles strictes. Pour garder l’attention du lecteur, le tenir en haleine, il faut, tout en distillant l’ensemble des éléments du problème, « égarer ses soupçons » pour ne lui livrer le vrai coupable qu’à la fin. L’astuce est de se mettre dans la peau du coupable pour bien comprendre comment masquer au mieux sa culpabilité puis de recommencer l’exposé en se plaçant du point de vue (plus) candide du spectateur. « Ecrire un roman policier », déclarait-elle, « est aussi ingénieux et compliqué que de construire un puzzle, tout doit s’enchaîner logiquement, tout doit cadrer ». En devenant le 3e président de la Banque Centrale Européenne (BCE) le 1er novembre 2011, Mario Draghi semble avoir transposé ces règles à un tout autre niveau : celui de la communication.
Il posa le cadre en baissant les taux directeurs le jour même de son arrivée puis enchaîna logiquement des mesures non-conventionnelles aux acronymes évocateurs : OMT, LTRO, taux de dépôt négatifs, TLTRO… Chaque réunion de l’instance européenne devint un point d’étape essentiel de la lutte de « Super Mario » contre la déflation. Aujourd’hui, le suspense reste entier. Chaque mot est analysé, disséqué par des investisseurs subjugués en mal de liquidité. Et si on se dirige bon an mal an vers un assouplissement monétaire d’envergure, le timing de la mesure demeure le point clé.
Nous levons en partie cette incertitude dans notre scénario central qui voit, d’ici les trois prochains mois, une forte augmentation du bilan des banques centrales japonaise et européenne. Cet afflux massif de liquidité impulserait une nouvelle dynamique aux marchés, qu’ils soient de taux ou d’actions. Les actions de la zone euro, principales bénéficiaires des mesures, progresseraient de 7,5 %. En revanche, les vives tensions politiques en zone euro que nous connaissons actuellement pourraient perturber les velléités d’actions de la BCE et repousser toute implémentation de Quantitative Easing. Dans ce contexte, la baisse des marchés actions serait circonscrite aux seuls marchés actions (et taux) de la zone euro qui baisseraient de 12,5 % sur la période. Enfin, notre troisième scénario, lui aussi basé sur l’intervention des banques centrales, émet l’hypothèse d’une mauvaise interprétation de la part des marchés de l’action de la Réserve fédérale. Ce couac de communication pourrait avoir des répercussions importantes sur l’ensemble des bourses de la planète. Les taux remonteraient brutalement, le 10 ans US repassant la barre des 3%, ce qui entraînerait les marchés actions brutalement à la baisse.
En conséquence, à la veille d’actions d’envergure, nous remontons notre exposition actions à 105 % pour le mois de décembre et nous passons la sensibilité obligataire à 100%.