par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
L’année 2014 aura été caractérisée par une montée des risques géopolitiques. En particulier, la crise ukrainienne restera probablement comme l’un des principaux événements marquants de 2014, avec de nombreuses conséquences politiques mais également économiques. La chute du prix du pétrole de plus de 40% au second semestre – reflet du déséquilibre entre une demande déclinante et une offre dynamique mais aussi d’un changement radical de stratégie des pays de l’OPEP (notamment de l’Arabie Saoudite) – a eu d’importantes conséquences sur la macro et les marchés. Transfert de revenu des pays producteurs vers les pays importateurs, les premiers souffrent alors que les seconds profitent d’une amélioration de leur pouvoir d’achat. Cela renforce également les tensions désinflationnistes dans certains pays développés, en particulier dans la zone euro.
Sur le front de la croissance, l’année 2014 n’aura guère été meilleure que 2013 avec une croissance mondiale à peu près similaire (2,9% en moyenne PPA) et un commerce mondial resté en panne (3%). Amorcé l’année dernière, le rééquilibrage entre pays développés et pays émergents, caractérisé par le renforcement des Etats-Unis et par le ralentissement structurel de la Chine, s’est poursuivi. Entrée dans une phase de transition vers un nouveau modèle de croissance, l’économie chinoise a en effet montré des signes de faiblesse. Les autorités y ont répondu par des mesures ciblées avant de desserrer finalement la politique monétaire en novembre. Au-delà de son effet direct sur la croissance mondiale, l’affaiblissement de la Chine a eu de nombreuses conséquences sur la croissance des pays émergents, via une baisse de ses échanges commerciaux et celle induite du prix des matières premières. Faisant face à des sorties de capitaux, à une dépréciation de leur taux de change et au risque inflationniste, certains ont resserré leur politique monétaire freinant davantage la croissance (Brésil). Le cas russe est un peu particulier, car outre l’impact très négatif de la chute du prix du pétrole, la Russie a également subi les sanctions mises en place par les pays occidentaux et une forte défiance engendrant d’importantes sorties de capitaux et une chute du rouble (de près de la moitié de sa valeur sur l’année). Du côté des pays développés, l’économie américaine est redevenue le moteur de la croissance mondiale : après un début d’année difficile lié à de très mauvaises conditions climatiques, la croissance américaine s’est nettement redressée au cours de l’année 2014, dépassant son rythme potentiel et permettant une forte amélioration du marché du travail. En revanche, l’économie japonaise est entrée en récession en 2014, subissant la hausse de 3pts de la TVA de 5% à 8% début avril. Enfin, après la récession de 2013, la zone euro est entrée dans une phase de stagnation, caractérisée par la faiblesse de sa croissance et un recul de l’inflation. Ce dernier a été accentué par la chute du prix du pétrole à partir de l’été renforçant le risque de déflation.
Sur les marchés, l’année 2014 a été marquée par le retour de la volatilité, et en corollaire par une hausse de l’aversion pour le risque surtout en deuxième partie d’année. Si les politiques monétaires sont restées très expansionnistes dans les pays développés avec le maintien des politiques à taux 0, d’importantes divergences ont commencé à apparaitre. Après avoir encore acheté environ 500Md$ de titres en 2014 portant la taille de son bilan à 4 500Md$, la Fed a finalement arrêté son QE3 en octobre mais a gardé un discours très dovish. La Banque du Japon a, quant à elle, augmenté à nouveau son programme d’achat de titres fin octobre (à JPY 80 trillions annuels). La BCE a probablement été la banque centrale la plus active en 2014 avec deux baisses de taux directeurs (refi à 0,05% et taux de dépôt en négatif à -0,20%), la mise en place de nombreuses mesures (TLTRO, achats de covered et d‘ABS, cf edito « BCE : quels effets du package ? » et « Le nouveau pari de la BCE ») et un renforcement de sa forward guidance (intention d’augmenter la taille de son bilan de 1 000Md€ à 3 000Md€). Le bilan en termes de montant de ces mesures fin 2014 est décevant (environ 20Md€ de covered, 1Md€ d’ABS et 213 Md€ de TLTRO).
Contre toute attente, les taux longs ont sensiblement baissé en 2014, de façon plus modérée aux Etats-Unis (-85pb sur le taux 10 ans) mais très significativement dans la zone euro (-133pb en Allemagne, -170pb en France, -218pb en Italie et -239pb en Espagne), provoquant un très fort aplatissement des courbes de taux européennes. Cette baisse a été la conséquence de l’abondance de liquidités mondiales, de l’aversion pour le risque, de la faiblesse de la croissance potentielle dans nombre d’économies, du risque de déflation et en corollaire des anticipations de QE par la BCE.
Reflétant des écarts importants de croissance et de perspectives à moyen terme, les marchés actions ont évolué de façon différenciée, avec une surperformance des Etats-Unis (le S&P a progressé de 9% et le DJ de 5%). En revanche, après une année erratique (forte baisse en août, puis à nouveau en octobre et décembre), les marchés actions européens finissent l’année sur un recul (DAX quasi stable ; CAC40 : -4%) en raison de la montée de l’aversion pour le risque (prix du pétrole, crise russe, risque grec). Enfin, le marché des changes a également connu d’importantes variations en 2014 : reflet du dynamisme américain, le dollar s’est apprécié face à la plupart des monnaies avec une hausse du taux de change effectif (main currencies) de 10%. Après s’être légèrement apprécié en début d’année, l’euro a fini par se déprécier à partir du mois de mai, conséquence également de l’assouplissement du discours de la BCE (-10% par rapport au dollar depuis mai).