« GRexit » : Pourquoi nous n’y croyons pas

par Jésus Castillo, économiste chez Natixis

Le 25 janvier prochain, les Grecs sont appelés pour la quatrième fois en cinq ans1 à élire leurs représentants au Parlement de la République. La crise que traverse le pays depuis 2007 est sans précédent dans son histoire moderne (depuis la fin de la dictature) tant sur le plan économique que politique. Cette fois, les électeurs se trouvent confrontés à un choix déterminant entre les conservateurs dirigés par Samaras (Nouvelle Démocratie) et les socialistes (PASOK) qui ont alternativement dirigé le pays jusqu’à ce qu’ils forment l’actuelle coalition (contre nature) en 2012 sous la pression des marchés et de la Troïka, ou faire le choix d’un changement fondamental en soutenant le parti de gauche radicale SYRIZA et son leader Alexis Tsipras.

La montée en puissance depuis la fin de la dernière décennie de SYRIZA reflète, comme dans d’autres pays européens, la montée des populismes aux extrêmes, droite et gauche, des représentations nationales, mais elle semble aussi exprimer la lassitude des électeurs face à des partis politiques traditionnels qui leur apparaissent comme sclérosés et incapables de répondre à leurs attentes.

Ainsi le programme proposé par SYRIZA construit autour de quatre piliers séduit de plus en plus de citoyens comme en témoignent les sondages d’opinions qui donnent la formation gagnante depuis plusieurs mois : i/ Faire face à la crise humanitaire que vit le pays, ii/ Relancer l’économie et défendre la justice fiscale, iii/ Lancer un plan national de création d’emplois, iv/ Réformer le système politique et renforcer la démocratie. A cela s’ajoute l’annonce, en cas de victoire de l’organisation d’une « Conférence Européenne sur la dette » en vue de restructurer la dette publique qui avoisine 175% du PIB. C’est bien ce sujet qui suscite les plus grandes inquiétudes, bien que les annonces de baisses d’impôts, de hausse des plus basses retraites et du SMIC ou les embauches de fonctionnaires ne soient pas non plus de nature à enchanter la Troïka.

La dette publique grecque est désormais détenue à près de 70% par le FMI (environ 32 mds €) et l’Union européenne (au travers des prêts bilatéraux des états membres dans le cadre du premier plan d’aide pour 53 mds €, puis par le Fonds Européen de Stabilité Financière dans le second programme à hauteur de 142 mds €), la BCE de son côté détient environ 25 mds € d’obligations grecques achetées dans le cadre du programme SMP jusqu’en 2012. Sachant que les investisseurs privés ont déjà contribué à l’allègement de la dette publique dans le cadre du PSI (Private Sector Involvement) en mars 2012 avec une décote de 53% de leurs titres, toute restructuration affecterait en premier lieu le FESF et/ou les états membres de la zone euro. Le FMI de son côté n’a jamais procédé à un quelconque effacement de dette depuis sa création en 1945.

L’heure du choix approche non seulement pour les Grecs mais aussi pour les pays qui ont soutenu la Grèce depuis 2010. Ainsi, au-delà des arguments économiques et financiers, des procédures qui seront retenues pour restructurer les prêts à la Grèce, il paraît inévitable qu’apparaissent des pertes. En cas d’échec de toutes les négociations avec SYRIZA et d’un défaut unilatéral du pays (pouvant aller jusqu’à l’abandon de la monnaie unique ?), le coût d’une sortie désordonnée serait encore plus élevé. Les gouvernements européens devront très rapidement faire un choix à leur tour entre une « facture » d’un montant connu et négociable en cas de restructuration dans le cadre d’un accord ou des pertes d’un montant potentiellement beaucoup plus élevé en cas de défaut désordonné.

En effet, outre le non remboursement des prêts accordés, les effets collatéraux de cet évènement sur la confiance des agents, les systèmes bancaires, les échanges commerciaux sont difficilement mesurables. Dans un tel scénario, tous les efforts consentis jusqu’à présent seraient probablement perdus. En effet, la situation de la Grèce, même si elle reste très fragile, s’est nettement améliorée par rapport à ce qu’elle était en 2012 avec la restauration d’un excédent budgétaire primaire et extérieur, le redémarrage de la croissance, …( « Exodos » fin de la tragédie Grecque ?).

L’issue de la question grecque est plus que jamais politique. La solidarité au sein de la zone euro a effectivement un coût mais celui-ci nous semble probablement bien inférieur à l’échec du projet européen de progrès social et économique.

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