La zone euro face à une « stagnation séculaire » ?

par Marie-Hélène Duprat, Economiste chez Société Générale

•  Six ans après le début de la Grande Récession, l’économie de la zone euro n’a toujours pas connu de véritable reprise, faisant craindre une « décennie perdue » comparable à celle qu’endure le Japon depuis vingt- trois ans maintenant. Derrière cette situation se cache un effondrement inédit de l’investissement.

•  Certes, les perspectives pour 2015 et 2016 s’améliorent, du fait notamment de la baisse du prix du pétrole, mais la croissance retrouverait au mieux, à moyen terme, son rythme potentiel, sans rattrapage des pertes enregistrées sur le niveau du PIB depuis 2008.

•  L’hypothèse de la stagnation séculaire est l’affirmation selon laquelle une évolution des fondamentaux de l’épargne et de l’investissement peut entraîner un déficit chronique de demande globale en abaissant le taux d’intérêt « naturel » (c’est-à-dire le taux compatible avec le plein emploi) en dessous de zéro. Un taux d’intérêt naturel négatif est un obstacle majeur à la reprise économique, car il compromet l’efficacité de la politique monétaire, compte tenu de la borne à zéro des taux d’intérêt nominaux.

•  Il en résulte que le taux d’intérêt réel reste durablement au-dessus du taux naturel, d’où un manque chronique d’investissement qui piège l’économie dans un équilibre de faible croissance. Si l’on suit cette hypothèse, les remèdes pour relancer l’activité incluent une inflation plus élevée et une relance de l’investissement. Alors que le vaste programme d’achats d’actifs entrepris par la BCE s’emploie à relever les anticipations d’inflation, le plan Juncker vise à relancer l’investissement public et privé.

En novembre 2013, lors de son allocution au Forum du FMI, Lawrence Summers avait défendu l’idée selon laquelle l’économie américaine pouvait être aux prises avec une « stagnation séculaire » en raison d’un déficit pérenne de demande globale1. Ce terme a été inventé à la fin des années1930 par l’économiste Alvin Hansen, qui suggérait que la Grande Dépression pouvait être le début d’une nouvelle ère marquée par une économie durablement déprimée2. Il avait alors identifié les facteurs démographiques comme étant une cause majeure de stagnation séculaire ; la baisse du taux de fécondité, arguait-il, entraînait une faible demande d’investissement qui donnait lieu à un excès d’épargne. Dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, l’hypothèse de la stagnation séculaire a perdu en pertinence en raison du baby-boom, qui a modifié la dynamique démographique, et de l’augmentation considérable des dépenses publiques, qui a effectivement mis un terme aux craintes d’une insuffisance de la demande.

Mais la notion de stagnation séculaire a récemment fait son retour sur le devant de la scène académique, car, six ans après la Grande Récession de 2008-2009, la croissance de nombre d’économies développées reste exceptionnellement faible. Aussi faut-il craindre aujourd’hui que le monde développé soit à la merci d’un marasme économique comparable à celui qui touche le Japon depuis deux décennies?3 Pour certains, les économies avancées connaissent une reprise somme toute classique, bien que plus lente qu’à l’accoutumée, mais avec in fine un rebond normal de la croissance. Pour d’autres, ces économies sont aux prises avec des évolutions structurelles qui font qu’une croissance faible est devenue la norme plutôt qu’un phénomène temporaire4. Jusqu’ici, ces débats ont principalement porté sur l’éventualité d’une stagnation séculaire aux États-Unis. Pourtant, les signes de reprise sont bien plus encourageants outre- Atlantique que dans la plupart des autres pays développés, Europe en tête.

La présente étude suggère que la zone euro est exposée au risque d’une stagnation séculaire. La raison principale en est le processus de désendettement en cours du secteur privé qui, conjugué à la baisse de la population en âge de travailler, joue un rôle moteur dans un mouvement durable de repli de la demande globale, dont l’inversion pourrait requérir un taux d’intérêt réel négatif. De plus, la zone euro apparait particulièrement mal équipée pour relever le défi de la stagnation séculaire en raison de considérations politiques et institutionnelles. Tous ces éléments font que pour la zone euro, on ne peut exclure le risque d’une longue période de croissance molle et de chômage supérieur à la normale.

Crise, post-Crise : une nouvelle ère dans le monde développé

– Une reprise exceptionnellement lente

La Grande Récession de 2008-2009 a, de loin, été la pire contraction économique subie par les pays développés depuis la Grande Dépression des années 1930, mais la reprise économique s’est avérée également être la pire depuis les années 1930. Aucun pays n’a connu de reprise en « V », comme cela aurait pu être anticipé après une crise de l’ampleur de la Grande Récession.

Malgré des taux d’intérêt proches de zéro, des politiques monétaires non conventionnelles et une augmentation de la dette publique, la croissance post- crise financière des grandes économies développées a été anormalement lente, bien en deçà des tendances à long terme de la croissance. Et les PIB restent aujourd’hui bien loin des pics d’avant-crise dans bon nombre de pays avancés. Cette reprise inhabituellement lente doit être contrastée avec une phase normale de reprise du cycle économique, où la croissance retrouve généralement son niveau de départ en six mois et sa tendance de long terme en un an.

– Les Etats-Unis tirent mieux leur épingle du jeu

Après une reprise brève et inférieure à la moyenne, intervenue fin 2009, l’économie américaine a subi trois rechutes (c’est-à-dire un tassement de la croissance ou une baisse du PIB) : début 2011, fin 2012 et au premier trimestre2014 (où le PIB s’est contracté de 2,9 %). Sur la période 2009-2013, le taux de croissance moyen des États-Unis n’a pas dépassé 2 % par an, soit la moitié de son rythme historique. La reprise américaine s’est néanmoins raffermie aux deuxième et troisième trimestres 2014, avec un taux de croissance total du PIB de 4,25 % en rythme annualisé, son meilleur taux en plus de dix ans. Et le taux de chômage est tombé à 5,5 % en février, son plus bas niveau depuis 2008.

Depuis la crise financière mondiale, Europe et Japon s’en sont systématiquement moins bien sortis que les États-Unis, avec des reprises économiques plus courtes et plus ténues, suivies de rechutes plus marquées. Après avoir décroché de plus de 15 % en 2008-2009, l’économie japonaise s’est contractée en 2010-2011, puis en 2012, et une nouvelle fois au deuxième trimestre 2014 (-7,1 %) en raison de la hausse de la TVA. De la même manière, l’activité de la zone euro a connu une récession profonde en 2008- 2009, puis un rebond historiquement faible en 2009- 2010 (+0,5%), avant de se contracter à nouveau pendant 18 mois, pénalisée par les économies périphériques, et de ne connaître qu’un timide rebond de 0,2 % en 2013-2014.

– La grande récession dans la périphérie de la zone euro

C’est à la Grande Dépression des années 1930 que la récession qui a frappé la périphérie de la zone euro a fait écho. Les dégâts économiques infligés par la récession dans le sud de l’Europe (ainsi qu’en Irlande), notamment sur le marché du travail, ont en effet été si profonds et si durables qu’ils ont été comparés à la situation américaine lors de la Grande Dépression des années 19305.

Le chômage reste aujourd’hui à des niveaux record dans ces pays, notamment chez les jeunes (plus de 50 % en Espagne, par exemple).

Au quatrième trimestre 2014, le PIB réel était toujours bien inférieur au niveau d’avant-crise dans tous les pays périphériques de la zone euro.

– Des pertes durables d’activité dans la zone euro

Si, en ce début d’année 2015, le rebond économique parait se confirmer outre-Atlantique, les perspectives de la zone euro, quant à elles, restent affectées par des faiblesses structurelles persistantes. Certes, les perspectives à court terme s’améliorent quelque peu grâce à la baisse du prix du pétrole et de l’euro, une double aubaine pour l’économie de la zone euro qui devrait afficher, en conséquence, un sensible redressement conjoncturel. Mais une croissance soutenue et durable continuera d’être hors de portée tant que le moteur de la croissance qu’est l’investissement restera grippé.

– Croissance faible : la « nouvelle norme » ?

Les raisons de l’exceptionnelle lenteur de la reprise depuis la fin de la crise financière mondiale restent sujettes à controverse6. Les théories sont multiples : tassement de la croissance de l’offre globale en raison d’un ralentissement de l’innovation7, politiques économiques inadéquates, surendettement8 ou encore manque durable de demande globale en raison d’un niveau d’épargne désiré supérieur au niveau d’investissement souhaité (l’hypothèse de la stagnation séculaire).

L’hypothèse de la stagnation séculaire est l’affirmation selon laquelle des taux d’intérêt réels négatifs sont nécessaires pour, d’une part, assurer l’égalité entre épargne et investissement et, d’autre part, garantir le plein emploi. Et ceci est d’une portée considérable pour l’investissement. L’un des aspects les plus perturbants de la reprise actuelle est un déficit pérenne d’investissement, un déficit qui pourrait à son tour expliquer un certain nombre d’autres observations dérangeantes telles que la faiblesse de la croissance et le bas niveau des taux d’intérêt.

– Baisse tendancielle des taux d’intérêt réels

La période prolongée de croissance faible qu’ont connue les pays développés depuis la grande crise de 2008 est intervenue alors même que les taux d’intérêt sont tombés à des niveaux historiquement bas. Ce recul des taux d’intérêt a, en fait, largement précédé la crise financière mondiale: depuis le début des années 1980 en effet les taux d’intérêt s’inscrivent à la baisse sur l’ensemble de la courbe. Cette évolution reflète, dans une large mesure, la baisse puis la stabilisation des anticipations d’inflation dans les pays développés, qui a résulté, pour l’essentiel, d’une plus grande crédibilité des grandes banques centrales en matière d’engagement en faveur du maintien de la stabilité des prix.

Corrigés de l’inflation, les taux d’intérêt des principaux pays avancés se sont inscrits en baisse tendancielle depuis deux à trois décennies. L’interprétation prédominante en vigueur dans les milieux académiques est que cette baisse séculaire des taux d’intérêt réels reflète, dans une large mesure, une baisse du taux d’intérêt d’équilibre ou « naturel »9 (c’est-à-dire le taux d’intérêt réel à court terme compatible avec le plein emploi), liée à une évolution sous-jacente des fondamentaux de l’épargne et de l’investissement [voir FMI (2014)10]. Selon les défenseurs de l’hypothèse de la stagnation séculaire, le taux d’intérêt naturel (qui n’est pas directement observable) est passé en territoire négatif (-2 % à -3 % environ) au milieu des années1990, en raison d’un excès de l’épargne désirée par rapport à l’investissement souhaité11.

L’explication la plus courante à la baisse présumée du taux naturel est l’augmentation de l’épargne mondiale, attribuable principalement aux économies émergentes à forte épargne, notamment la Chine ou les pays producteurs de pétrole (hypothèse de « l’excès d’épargne mondiale»12). Il est avancé qu’en raison de la préférence croissante des investisseurs pour les actifs sûrs, en partie liée à la volonté grandissante des banques centrales d’accumuler des réserves, ce surcroît d’épargne s’est dirigé principalement vers les obligations souveraines, faisant augmenter la demande en bons du Trésor et baisser les rendements souverains [voir FMI (2014)]. Mais la baisse des taux réels peut également provenir de l’atonie de la demande d’investissement causée, par exemple, par le ralentissement de la croissance de la main-d’œuvre et de la productivité, ou par des changements démographiques tels que le déclin de la population en âge de travailler par rapport à la population inactive.

Une autre explication possible au décrochage des taux d’intérêt réels post-crise tient aux dommages infligés par la Grande Récession à la population active et à la productivité des pays, qui seraient source d’un tassement de la croissance du potentiel économique (ce que l’on appelle l’effet d’hystérésis13). Il est de plus en plus évident que les récessions profondes ont un impact durablement négatif sur la production potentielle14. Et une croissance potentielle plus faible est source d’un moindre rendement du capital, donc d’une baisse du taux d’intérêt naturel.

La question des déterminants ultimes de la baisse tendancielle des taux d’intérêt réels reste aujourd’hui entière, mais les débats évoqués ci-dessus ont le mérite de souligner qu’il y a de bonnes raisons de penser que, dans les économies développées, le taux d’intérêt naturel a pu tomber à des niveaux très bas au cours des dernières décennies.

– Politique monétaire à la borne inférieure zéro

Un autre facteur responsable de la forte baisse des taux d’intérêt au lendemain de la crise financière mondiale tient aux mesures de politique monétaire prises par les banques centrales. Confrontées à la Grande Récession qui a suivi la crise financière internationale, les banques centrales à travers le monde ont abaissé leurs taux directeurs à zéro ou quasiment zéro. Une fois ce seuil touché15, les grandes banques centrales ont commencé à adopter des mesures non conventionnelles de politique monétaire afin de réduire les primes à terme et les taux longs.

Ces politiques hétérodoxes comprennent les programmes d’assouplissement quantitatif (c’est-à-dire l’achat de dette souveraine et d’actifs privés) destinés à doper la base monétaire, les indications prospectives sur la trajectoire des taux directeurs et des mesures visant à favoriser le crédit bancaire.

Le problème, cependant, c’est que dans un monde où le taux d’intérêt naturel est tombé en dessous de zéro, les banques centrales, contraintes par la limite à zéro sur leurs taux directeurs, se retrouvent dans une situation où elles ne peuvent pas abaisser suffisamment leurs taux pour générer une demande adéquate, ce qui laisse l’économie à la merci d’une léthargie économique prolongée.

– L’hypothèse de la stagnation séculaire

De plus en plus, les observateurs soulignent l’existence de similitudes entre, d’une part, le marasme économique que connaît aujourd’hui une importante partie du monde développé et, d’autre part, la Grande Dépression américaine des années 1930 et la décennie perdue du Japon : notamment, une croissance inférieure à la normale, un ralentissement de la croissance démographique et des taux d’intérêt nominaux égaux à zéro. L’hypothèse de la stagnation séculaire avance que des évolutions sous-jacentes des fondamentaux économiques, telles que le ralentissement de la croissance de la population en âge de travailler, sont susceptibles de donner lieu à un déficit pérenne de demande en faisant passer le taux d’intérêt naturel en dessous de zéro. Un taux d’intérêt naturel négatif est un obstacle majeur à la reprise économique, car il rend la politique monétaire inefficace, du fait de la borne à zéro des taux d’intérêt nominaux. Pour dire les choses autrement, le passage du taux naturel en dessous de zéro rend les épisodes de trappe à liquidité plus fréquents16. Et il est un fait que les cinq dernières années ont amplement démontré que la borne limitant les taux d’intérêt nominaux à zéro pouvait devenir une contrainte réelle pour bon nombre d’économies avancées.

Bien que le taux d’intérêt nominal soit à zéro, le taux d’intérêt réel reste à un niveau trop élevé ou, dit différemment, le taux d’intérêt du marché reste supérieur au taux naturel. Cela pourrait expliquer la période prolongée de sous-investissement à laquelle sont confrontées les économies avancées depuis la crise financière, un sous-investissement qui pourrait à son tour expliquer les « écarts de production »17 durables existants dans ces économies, ainsi que le fléchissement de leur croissance potentielle. D’une manière surprenante, l’idée d’une stagnation séculaire n’est que peu développée dans la recherche économique portant sur la trappe à liquidité. Il existe toutefois une exception notable : les travaux récents d’Eggertsson et Mehrotra (2014)18. Ces deux auteurs montrent que le taux d’intérêt naturel peut devenir négatif en raison de plusieurs facteurs, notamment le ralentissement de la croissance démographique, le durcissement des limites d’emprunt et, dans certains cas, les inégalités de revenus19. Dans ce cadre d’analyse, sauf à ce que la banque centrale relève sa cible d’inflation, la contrainte de la borne inférieure zéro joue à plein, et une récession durable peut s’installer. Comme le soulignent Eggertsson et Mehrotra, bon nombre de pays avancés qui ont souffert d’une économie morose au cours de ces dernières années ont également connu un ralentissement de la croissance démographique, un durcissement des limites d’emprunt et une augmentation des inégalités.

L’hypothèse de la stagnation séculaire est un concept de demande, et non d’offre20. Dans ce cadre théorique, il n’existe pas de mécanisme d’autocorrection vers le plein emploi et, sauf mesures compensatoires de politique économique, les économies sont piégées dans un équilibre de faible croissance. Comme le Japon l’a découvert à ses dépens, une économie prise au piège de la trappe à liquidité ne retrouve pas automatiquement le chemin de la croissance potentielle.

La crise de l’investissement dans la zone euro

– Piégée dans un équilibre de croissance faible ?

Depuis le début de la Grande Récession, il y a six ans, l’économie de la zone euro n’a jamais connu de véritable reprise, faisant craindre une « décennie perdue » comparable à celle qu’endure le Japon depuis vingt-trois ans maintenant. Malgré des taux d’intérêt nominaux courts virtuellement à zéro, les dépenses restent bien inférieures à ce que l’économie peut produire, créant un large écart de production qui pèse sur l’inflation. Aussi les anticipations d’inflation nécessaires pour faire baisser les taux d’intérêt réels n’ont-elles pas pu être au rendez-vous.

La règle de Taylor voudrait que les taux directeurs soient négatifs dans la majeure partie de l’Europe, mais ceci est, bien sûr, impossible, puisque les banques centrales ne peuvent pas faire passer les taux d’intérêt nominaux en dessous de zéro21.

Dans ce contexte, le marché continue d’anticiper plusieurs années de stagnation économique et d’inflation très faible, comme en témoigne le niveau historiquement bas des rendements souverains des pays du cœur de la zone euro. Pour doper la croissance et faire obstacle à la déflation, la Banque centrale européenne (BCE) a dévoilé, le 22 janvier, un programme d’assouplissement quantitatif d’un montant d’au moins 1 140 milliards d’euros, qui s’étendra de mars 2015 à septembre 2016 au plus tôt.

Mario Draghi, le président de la BCE, s’est ainsi engagé à ce que la BCE rachète pour 60 milliards d’euros d’obligations privées et souveraines par mois jusqu’à ce que l’inflation s’approche de son objectif de 2 %.

Derrière la morosité économique de l’union monétaire se cache un effondrement inédit de l’investissement. La crise financière a entraîné une chute de 15 % des investissements en volume, soit un chiffre deux fois plus important qu’aux États-Unis et au Japon. D’après l’institut allemand pour la recherche économique (DIW), le déficit d’investissement dans la zone euro s’élèverait à 2 % du PIB (soit environ 200 milliards d’euros par an), et il serait particulièrement important dans les pays périphériques (Irlande en tête)22. La contraction de l’investissement depuis la crise financière internationale a touché, de façon plus ou moins prononcée, la quasi- totalité des pays de la zone euro et la plupart des secteurs.

En 2013, six ans après le début de la crise, l’investissement privé dans la zone euro était toujours inférieur de près de 20 % (en volume) à son niveau d’avant-crise. Certes, 2007 n’est pas la référence la plus pertinente pour déterminer le niveau désirable d’investissement aujourd’hui, puisqu’il s’agit du pic de la bulle immobilière, source de bon nombre d’investissements peu judicieux. Mais même en prenant pour base la période 1995-2007, le verdict est identique : il existe un déficit d’investissement important dans l’union monétaire. En 2013, la part de l’investissement dans le PIB de l’Union européenne était inférieure de deux points de pourcentage à celle de la période 1995-2007. La contraction marquée de l’investissement depuis la crise financière internationale a eu un impact majeur sur la croissance économique à court terme, via ses effets sur la demande globale, mais elle a également eu des répercussions importantes sur le potentiel de croissance à long terme, car elle pénalise le stock de capital et donc la croissance de la productivité.

Cet effondrement de l’investissement a eu plusieurs causes, notamment :

•  l’interruption, en2008, de l’afflux massif de capitaux dans les pays périphériques d’Europe, qui a fait revenir l’investissement à son niveau d’avant-boom économique ;

•  la correction qui a suivi l’éclatement des bulles du crédit et de l’immobilier qui s’étaient formées dans les années 2000 dans certains pays périphériques, entraînant un vaste gâchis en termes d’investissement ;

•  la faiblesse de la croissance (ou des anticipations de croissance) en raison du traditionnel effet accélérateur23 ;

•  la fragmentation financière, qui s’est traduite par des coûts de financement élevés dans l’Europe périphérique, notamment pour les PME24 ;


•  une incertitude politique accrue25 ;

•  la réduction des investissements publics dans 
le cadre des programmes de consolidation budgétaire mis en place depuis 2010. 
Certains de ces facteurs sont structurels par nature, et ont donc vocation à perdurer sur le long terme. Il y a deux tendances actuellement à l’œuvre dans la zone euro qui sont d’une importance toute particulière, car elles transforment véritablement les perspectives d’investissement à long terme de l’Union européenne :

  • la baisse du taux de croissance de la population en âge de travailler ;
  • le long processus de désendettement du secteur privé qui a fait suite à l’interruption brutale des entrées de capitaux dans la périphérie de l’Europe.

Ces deux tendances lourdes vont avoir des effets négatifs durables sur la demande d‘investissement dans l’union monétaire qui assombriront pour longtemps les perspectives de croissance de ces économies.

•  Baisse du taux de croissance de la population en âge de travailler À l’instar du Japon, de nombreux pays de la zone euro souffrent d’une stagnation ou d’une baisse de leur population en âge de travailler (c’est-à-dire âgée de 15 à 64 ans). Au Japon, cette tendance baissière s’est amorcée en 1997 et s’est traduite par un recul de la part de la population active dans la population totale26. Dans l’Union européenne, le repli a débuté entre 2009 et 2012. L’Europe se trouve donc aujourd’hui globalement là où se trouvait le Japon au milieu des années 1990. En 2012, les personnes considérées comme en âge de travailler représentaient 66,5 % de la population des 28 pays de l’UE, un pourcentage appelé à baisser régulièrement dans les cinquante prochaines années, principalement en raison du vieillissement de la population.

Mais une réduction de la main-d’œuvre entraîne un ralentissement de la croissance économique et, en raison de l’effet accélérateur, une baisse de la demande d’investissement. Il faut en effet moins d’investissement pour augmenter les capacités et répondre à la demande, car la baisse de la main- d’œuvre réduit les dépenses d’investissement telles que l’acquisition de logements, de bureaux neufs ou de nouveaux matériels27.

– Resserrement pérenne de la contrainte financière

Tout comme au Japon (une fois encore) au lendemain de l’éclatement de la bulle du prix des actifs en 1989- 1991, le secteur privé, dans une grande partie de la zone euro, a dû, après l’éclatement en 2008 de la bulle sur les flux de capitaux privés, entamer un long processus de désendettement à marche forcée – un processus de désendettement qui prendra des années, voire des décennies28.

Avant la crise de 2008, les économies européennes périphériques avaient bénéficié d’importants flux de capitaux privés qui avaient alimenté une décennie de boom de la demande intérieure, ainsi que de vastes bulles sur les actifs privés dans certains de ces pays (Irlande et Espagne). Celles-ci ont laissé en héritage un endettement privé colossal : prêts hypothécaires en Irlande et en Espagne, dette des entreprises au Portugal et en Espagne. Cette période d’emballement a pris fin lors de la panique financière qui a suivi la faillite de Lehman Brothers aux États-Unis. Les flux de capitaux privés à destination de la périphérie se sont alors brutalement taris puis inversés, entraînant une correction forcée des larges déséquilibres macroéconomiques qui s’étaient accumulés dans la zone euro avant la crise. Le coup d’arrêt porté aux flux de capitaux privés en 2007-2008 n’a en effet laissé au secteur privé européen en situation de surendettement (ménages, entreprises et banques) d’autre choix que se désendetter et reconstituer une épargne.

Les données relatives aux flux de fonds dans la zone euro montrent qu’il y a eu, après l’éclatement de la crise financière en 2007-2008, une inversion majeure de la position de financement du secteur entreprises non financières. D’emprunteurs nets, à hauteur de 11,8 % du PIB au T3 2008, les sociétés non financières de la zone euro sont devenues prêteuses nettes, à hauteur de 3.4% du PIB au T3 2014. Sur la même période, les ménages ont substantiellement augmenté leur épargne qui est passée de 7,9 % à 12,5 % du PIB. Ainsi, entre le troisième trimestre 2008 et le troisième trimestre2014, l’économie de la zone euro a été amputée d’une demande privée (ménages et entreprises) équivalant à 19,8 % du PIB – soit un choc récessif majeur pour l’économie européenne.

La progression de l’épargne du secteur privé depuis la crise financière internationale s’explique largement par le désendettement substantiel de l’Espagne et de l’Irlande. Mais il convient également de noter que le secteur privé allemand n’emprunte pas. En Allemagne, les ménages et les entreprises se désendettent depuis le début des années 2000. Aussi depuis son record de 2001 le ratio dette/PIB de l’Allemagne a-t-il chuté d’environ 22 %. Aujourd’hui, dans quasiment tous les pays de la zone euro (Allemagne y compris), les secteurs privés renforcent leur épargne ou remboursent leur dette et le seul secteur qui continue d’emprunter est le secteur public.

Ces données montrent également que l’augmentation de l’épargne privée a excédé la désépargne (c’est-à- dire l’emprunt) du secteur public. Cela indique que pour la zone euro dans son ensemble les États, confrontés eux aussi à un excès d’endettement (du fait notamment des dettes qu’ils ont dû reprendre à leur charge), n’ont pas pu emprunter ni dépenser suffisamment pour soutenir l’économie face au choc de désendettement du secteur privé. Ce phénomène est particulièrement marqué depuis l’éclatement de la crise de la dette souveraine européenne de 2010 qui a conduit à la mise en œuvre de programmes d’austérité drastiques dans les pays périphériques et des mesures de restrictions budgétaires dans tous les autres.

C’est surtout l’investissement qui, dans la plupart des pays d’Europe, a fait les frais de la consolidation budgétaire, comme en témoigne la forte baisse de l’investissement public depuis 2010 (elle atteint jusqu’à 60 % dans certains pays de l’union monétaire). En 2013, l’investissement public représentait 2,1 % du PIB de la zone euro, à comparer à 2,7% à son pic de 2009. L’Allemagne, qui peut désormais emprunter presque gratuitement, affichait un ratio d’investissement public de seulement 1,4 % du PIB en 2013, l’un des plus bas de la zone euro.

* Récession bilancielle

Lorsque les ménages, les entreprises et les banques se désendettent simultanément, l’impact sur le taux d’investissement et la macroéconomie ne peut être que massif [voir notamment Cuerpo et al. (2013)]29. L’économie entre alors dans une forme de récession souvent qualifiée de « récession bilancielle » (« balance sheet recession »), un terme inventé par l’économiste Richard Koo [voir Koo (2008, 2011, 2013)]30.

Une récession bilancielle survient après l’éclatement d’une bulle du crédit qui laisse en héritage un surendettement du secteur privé. Ces récessions sont habituellement plus profondes que lors d’un cycle de ralentissement conjoncturel normal, et les reprises qui s’ensuivent sont en général plus faibles et plus tardives. La raison en est que la priorité du secteur privé devient l’assainissement de son bilan, de sorte qu’il est plus soucieux de reconstituer son épargne et d’éliminer sa dette que d’augmenter ses investissements. Dans ce type de récession, même un taux d’intérêt zéro ne suffit pas à relancer l’emprunt et les dépenses, et la politique monétaire perd de son efficacité. Parallèlement, les prêteurs sont peu nombreux, car le risque de crédit des emprunteurs (notamment des PME) est élevé, et aussi parce que les banques elles-mêmes doivent s’attacher à assainir leurs bilans (d’où leur préférence pour les actifs sûrs, comme les obligations souveraines).

Les deux exemples de récession bilancielle les plus notoires sont la Grande Dépression américaine des années 1930 et la décennie perdue du Japon dans les années 1990. Comme l’a souligné Koo (2011), le Japon n’a réussi à éviter une dépression comparable à celle des années 1930 que parce que les emprunts et les dépenses de l’État ont compensé la contraction de la dépense privée. Même si la politique budgétaire nippone des années 1990 était à peine expansionniste, les autorités ont néanmoins réussi à maintenir le niveau du PIB au-dessus du point haut de la bulle tout au long de la période post-crise, ce qui a évité au pays de connaître un chômage de masse.

Mais si le secteur public s’emploie à se désendetter simultanément au secteur privé, alors l’économie ne peut que tomber dans une récession profonde. Depuis la crise financière de 2008, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal ont été en proie à des récessions bilancielles sévères qui se sont traduites par un décrochage spectaculaire de l’investissement. L’Italie a également affiché un recul brutal de l’investissement. À des degrés divers, tous les pays de la zone euro ont souffert d’une contraction de l’investissement, l’impact de la chute de l’investissement privé étant amplifié par la réduction de l’investissement public depuis 2010.

Lors d’une récession bilancielle, l’économie perd continûment de la demande globale dans une proportion équivalente à la somme de l’épargne et du remboursement net des agents économiques privés31. Et ce n’est que lorsque les agents économiques privés ont achevé l’assainissement de leurs bilans qu’une économie en proie à ce type de récession peut renouer avec une croissance autonome.

* Le spectre de la déflation par la dette

Si, depuis 2008, un ajustement important des bilans a été réalisé dans la zone euro via une hausse de l’épargne brute et/ou une baisse de l’investissement brut, les ratios de dette du secteur privé ont à peine baissé par rapport à leur pic d’avant-crise. Ainsi, la dette combinée des ménages et des entreprises non financières en Espagne, en Irlande et au Portugal dans ces pays dépasse encore 200% du PIB (etmême 300% en Irlande). La dette des entreprises reste également obstinément élevée en Italie. Pourtant, une reprise durable de la zone euro ne pourra passer que par une réduction substantielle du poids de cette dette privée. À des degrés divers dans les différents pays, les efforts de désendettement du secteur privé ont été entravés par la double peine : faible croissance et faible inflation, qui a caractérisé l’après crise 2008.

Fin 2014, l’inflation dans la zone euro est tombée en territoire négatif, du fait principalement de la chute du prix de l’énergie (l’inflation hors énergie et alimentation reste légèrement positif). Il convient d’éviter qu’une telle situation ne se transforme à terme en une spirale déflationniste, car, comme le soulignait déjà Irving Fisher en 1933, la baisse des prix dans une économie lourdement endettée peut enclencher un processus hautement déstabilisant. La déflation, montrait Fisher (1933), a pour effet de dégrader le bilan des débiteurs en augmentant le poids réel de leur endettement, ce qui les incite généralement à réduire leurs dépenses. D’où des baisses supplémentaires de prix, qui aggravent encore les ratios de dette, conduisant à de nouvelles baisses des dépenses, dans un cercle vicieux susceptible de déclencher une nouvelle Grande Dépression32. Ces effets pervers en boucle entre dette et déflation (qui sont également à l’œuvre en présence d’une faible inflation [voir IMF (2014)]33) sont une raison majeure derrière la difficulté de l’Europe à réduire son endettement. Les mécanismes fisheriens de déflation par la dette ont joué dans la périphérie de la zone euro, ce qui a eu pour effet de retarder la reprise économique.

– Un déficit durable de demande globale

Ainsi, depuis l’éclatement de la crise financière internationale, la zone euro est entrée dans un cycle de désendettement profond du secteur privé qui la prive d’une source majeure de demande globale. Le durcissement drastique des conditions d’emprunt déclenché par la crise financière internationale, combiné au déclin de la population européenne en âge de travailler, induit des modifications durables des comportements d’épargne et d’investissement qui ont des implications substantielles pour le niveau des taux d’intérêt réels. Dans ces conditions, il y a de bonnes raisons de penser que la zone euro a pu se retrouver dans une situation où le taux d’intérêt naturel est devenu négatif en raison d’un excès de l’épargne souhaitée par rapport à l’investissement désiré.

Ainsi donc, il y a des éléments qui laissent à penser que la zone euro souffre bel et bien d’un déficit substantiel de demande globale en raison notamment de facteurs mis en avant dans l’hypothèse de la stagnation séculaire. Cela ne signifie pas, bien sûr, que l’hypothèse de la stagnation séculaire dans la zone euro est correcte, car d’autres facteurs peuvent jouer. Mais si cette hypothèse est correcte, alors l’on doit s’attendre à ce que la sous-performance du PIB dure longtemps. Non pas que l’économie ne connaîtra plus de croissance, car de temps à autre elle connaîtra des phases d’expansion, mais la croissance ne sera pas suffisamment vigoureuse pour ramener l’économie au plein emploi. Contrairement à ce qui se passe dans les modèles économiques conventionnels, le problème de l’excédent d’épargne ne peut pas ici se résoudre par une baisse des taux d’intérêt, car les taux d’intérêt nominaux ne peuvent pas passer en dessous de zéro. Les forces qui œuvrent habituellement au retour à la normale ne jouent pas lorsque la borne zéro des taux d’intérêt est atteinte, et l’économie se retrouve piégée dans un équilibre de faible croissance.

Les règles de l’économie changent lorsque les taux directeurs touchent la borne du zéro

– Le paradoxe de l’épargne

Lorsque les taux d’intérêt nominaux touchent ou avoisinent la borne du zéro, l’économie entre dans un monde où, comme Krugman aime à le dire, « la vertu est un vice et la prudence, une folie »34. Cela rejoint le paradoxe de l’épargne popularisé par Keynes. Ce paradoxe35 veut que, si chacun essaie d’augmenter son épargne en même temps, alors la demande globale diminue, ce qui pénalise l’économie et conduit in fine à une stabilisation ou une baisse du taux d’épargne global en raison de la contraction de l’activité économique – une contraction qui rend la réduction de la dette plus difficile. Ainsi, bien que l’épargne individuelle puisse être bénéfique pour ceux qui thésaurisent davantage, le comportement collectif d’épargne peut avoir des effets délétères sur l’économie. Notons qu’une baisse des prix, qui entraîne une hausse du taux d’intérêt réel, ne fait qu’empirer les choses.

Si aucune des forces spontanées de retour au plein emploi n’est à l’œuvre dans le cas de la stagnation séculaire, la politique économique a cependant un rôle important à jouer pour relancer l’économie. Deux types de politiques sont envisageables : la première est un engagement à générer des anticipations d’inflation positives pour réduire les taux d’intérêt réels; la seconde est une politique budgétaire expansionniste conçue pour doper la demande et réduire l’épargne. À noter que les remèdes à la stagnation séculaire passent par des mesures de politiques «non conventionnelles » qui doivent, de surcroît, être mises en œuvre de manière agressive pour avoir la moindre chance d’être efficaces. D’où un risque élevé que les décideurs tombent dans ce que Krugman appelle le « piège de la timidité » – la tendance constante des décideurs politiques de n’appliquer qu’à moitié les mesures «extraordinaires» que certaines situations, telles qu’une stagnation séculaire, requerraient.

– Le premier défi : faire baisser le taux d’intérêt réel

L’analyse de la stagnation séculaire suggère qu’une baisse supplémentaire des taux d’intérêt réels est nécessaire pour retrouver le plein emploi dans les années à venir. Cela est cependant impossible dans un contexte de baisse des prix, où les taux d’intérêt nominaux sont contraints par la borne du zéro. La seule manière de faire baisser les taux réels est de faire remonter les anticipations d’inflation. Pour ce faire, la banque centrale peut relever sa cible d’inflation et s’engager sur sa politique future de manière à relever ces anticipations [voir notamment Krugman (1998)36]. Le vaste programme d’achats d’actifs financiers entrepris par la BCE vise ainsi à faire remonter les anticipations d’inflation. Mais le succès n’est pas garanti et cette politique n’est pas sans inconvénient.

Le succès n’a rien de certain car les banques centrales, qui se sont par le passé forgé une réputation d’institutions gardant sans ciller le cap de l’inflation basse, pourraient avoir du mal à convaincre le grand public qu’elles veulent désormais une inflation plus forte (une attitude traditionnellement considérée comme irresponsable). Pourtant, Eggertsson et Mehrotra (2014) montrent que la politique monétaire peut doper l’économie en période de stagnation séculaire à la condition que la banque centrale s’engage de manière crédible sur une cible d’inflation plus élevée37. Mais, comme l’a souligné Summers (2013), cette stratégie n’est pas sans risque, car des taux réels bas incitent les investisseurs à se tourner vers les actifs risqués qui affichent des rendements plus élevés, ce qui augmente le risque de bulles et peut in fine avoir un effet néfaste sur la production.

– L’autre défi de la relance budgétaire

L’autre approche possible pour remédier à la stagnation séculaire consiste à ce que l’État creuse son déficit public par des dépenses publiques – en investissant, par exemple, dans les infrastructures et l’éducation – afin d’absorber l’excès d’épargne du secteur privé. Pour Summers (2013), investir davantage dans les infrastructures, l’éducation ou la recherche- développement est la meilleure des politiques pour lutter contre la stagnation séculaire38. Eggertsson et Mehrotra (2014) ont également conclu que la politique budgétaire est particulièrement efficace en période de stagnation séculaire – même si les preuves empiriques restent limitées. De même, en s’appuyant sur la littérature traitant de la borne limitant à zéro les taux d’intérêt nominaux, il ressort généralement que la meilleure intervention politique est une politique budgétaire expansionniste dans laquelle l’État crée un choc de demande positif39. Dans la même veine, une étude de Summers et DeLong (2012) montre que, dans un contexte morose, une augmentation des dépenses publiques peut réduire le déficit public, plutôt que l’augmenter, en raison d’un multiplicateur budgétaire plus important qu’à l’accoutumée40. Le FMI estime également que dans une conjoncture économique déprimée, le multiplicateur budgétaire dans les économies avancées est nettement plus élevé que prévu41.

Concernant la forme exacte de la relance budgétaire, Eggertsson (2010)42 a montré que, dans un contexte de taux zéro, les mesures les plus efficaces sont une augmentation temporaire des dépenses publiques, une réduction de certaines taxes, notamment de la TVA, et des crédits d’impôt pour l’investissement. L’auteur souligne cependant que cela ne vaut que dans le cas d’une relance budgétaire limitée dans le temps, car toute augmentation des dépenses publiques perçue comme permanente peut entraîner des effets économiques contractionnistes. Dans cet esprit, Nickel et Tudyka (2013)43 ont expliqué que, lorsque la dette publique est élevée, l’impact global d’une politique budgétaire expansionniste sur le PIB réel pouvait être négatif car l’effet d’éviction de l’investissement privé augmente.

S’il n’y a pas de consensus parmi les économistes sur la politique budgétaire optimale, tous sont généralement d’accord pour penser que les relances budgétaires sont particulièrement efficaces lorsqu’il y a des ressources inemployées dans l’économie (chômage involontaire ou capacités excédentaires) et lorsque les taux d’intérêt nominaux n’augmentent pas au point de voir l’effet expansionniste de la relance budgétaire annihilé par l’effet d’éviction de l’investissement privé44. Aujourd’hui dans la zone euro considérée dans son ensemble, les ressources non utilisées sont nombreuses, les pays du cœur bénéficient de taux d’intérêt longs historiquement bas et l’ampleur de l’excédent d’épargne privée exclut virtuellement tout risque qu’une hausse des dépenses publiques ait un effet d’éviction sur la demande de crédit du secteur privé ou entraîne une surchauffe de l’économie. C’est la raison pour laquelle les appels à une relance européenne coordonnée de l’investissement public se multiplient.

– Une zone euro mal équipée pour relever ce défi

La mise en place d’une relance budgétaire coordonnée dans les 19pays membres de la zone euro est cependant bien plus compliquée que dans un seul État, pour au moins deux raisons. La première est que, contrairement à la politique monétaire, la politique budgétaire est de la responsabilité des gouvernements des différents États membres. Dans l’union monétaire, la coordination des politiques budgétaires se résume essentiellement à un ensemble de règles communes (dont notamment le Pacte de stabilité et de croissance et le « six-pack »). Il n’existe pas d’autorité budgétaire supranationale comparable à la BCE pour la politique monétaire, ce qui signifie que la zone euro n’a pas de capacité budgétaire ou de budget propre. La seconde raison tient aux différences de défis auxquels les États membres sont confrontés, tant en termes de taille que de gravité. De ce fait, les différents gouvernements n’ont pas les mêmes marges de manœuvre ni les mêmes objectifs. Pour l’heure, plusieurs pays de l’union monétaire n’ont pas la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour engager une relance, du fait de leur niveau excessif d’endettement public.

Certains pays clés de la zone euro ont cependant la capacité budgétaire pour entreprendre une politique expansionniste. L’Allemagne, par exemple, a un excédent budgétaire corrigé des variations cycliques de 1,7 % du PIB. Sa dette publique nette ressort à environ 40 % du PIB et le pays affiche un excédent courant d’environ7%du PIB – ce qui signifie que l’Allemagne épargne beaucoup plus qu’elle n’investit. Si Berlin, qui peut maintenant emprunter quasiment gratuitement, décidait d’utiliser ses capacités budgétaires existantes pour augmenter les dépenses publiques, cela apporterait une contribution non négligeable au règlement du problème de déficit de demande globale qui handicape aujourd’hui l’économie de la zone euro45. Une autre voie consiste à relancer l’investissement au niveau européen, comme tente de le faire le plan Juncker dévoilé par la Commission européenne le 25 novembre 2014.

– Quels risques les Européens veulent-ils prendre ?

Mais il n’en reste pas moins que les appels à une augmentation des investissements publics ne font pas l’objet d’un large consensus dans les cercles décisionnaires européens. La raison en est, bien sûr, que, comme dans toutes choses, il y a un contre- argument. Pour l’heure, la politique européenne reste dominée par la peur d’une perte de confiance en la solvabilité des États, même si la question ne se pose pas pour nombre de pays Européens, comme l’Allemagne, et que le risque que les investisseurs perdent confiance en la dette souveraine a considérablement reculé depuis que la BCE s’est dotée de mécanismes pour intervenir sur le marché des obligations gouvernementales.

A ce point, le débat renvoie à une question aussi ancienne que la macroéconomie elle-même : celle de la pondération des risques. D’un côté, il y a le risque que l’Europe tombe victime de la défiance des investisseurs à l’égard de sa dette souveraine. De l’autre plane le danger d’une stagnation prolongée et d’une spirale de déflation par la dette.

NOTES

  1. Summers, Lawrence (2013), «IMF Economic Forum: Policy Responses to Crises », allocution prononcée le 8 novembre lors de la conférence Jacques Polak du FMI.
  2. Voir Hansen, Alvin (1939), « Economic progress and declining population growth », American Economic Review, 29(1): 1-15.
  3. En1989-1991, l’éclatement de l’énorme bulle boursière et immobilière du Japon a laissé derrière elle un endettement massif du secteur privé nippon, entraînant une baisse drastique de l’investissement, tandis que les entreprises remboursaient progressivement leurs dettes. Cette situation a aggravé l’atonie sous-jacente de la consommation, avec pour conséquence plus d’une décennie de quasi-absence de croissance économique (ce que l’on appelle la « décennie perdue » du Japon).
  4. Voir Summers, Lawrence (2014), « US economic prospects: Secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound», Business Economics, 49(2): 65-73 – National Association for Business Economics ; Krugman, Paul (2013), « Secular stagnation, coalmines, bubbles and Larry Summers», New York Times, 16 novembre ; Krugman, Paul (2014), « Three charts on secular stagnation », New York Times, 7 mai ; Krugman, Paul (2014), « Secular stagnation in the euro area », New York Times, 17 mai. Voir également Teulings, Coen et Richard Baldwin (2014), « Secular stagnation: Facts, causes, and cures », Vox eBook, 10 septembre ; De Grauwe, Paul (2015), « Secular stagnation in the euro zone », VoxEU.org, 30 janvier.
  5. Entre 1929 et 1933, la production américaine a reculé d’un tiers et le taux de chômage a bondi à 25 % de la population active.
  6. Voir Lo, Stephanie et Kenneth Rogoff (2014), «Secular stagnation, debt overhang and other rationales for sluggish growth, six years on », article préparé pour la 13ème conférence annuelle de la BRI, Lucerne, Suisse, 27 juin.
  7. Gordon (2012) notamment estime que l’effet croissance de l’invention du Web, du commerce électronique et d’Internet devrait être largement inférieur à celui des deux révolutions industrielles précédentes (vapeur/chemins de fer de 1750 à 1830 et électricité/moteur à combustion interne/eau courante de 1870 à 1900). Selon lui, cela s’explique par le fait que les technologies de l’information et de la communication possèdent un potentiel d’impact positif sur la productivité moins fort que les innovations précédentes. Il souligne que la croissance de la productivité a été limitée ces dernières années aux États-Unis, et pense que la productivité diminuera dans un avenir proche, pénalisant la croissance économique à moyen terme. Voir Gordon, Robert J. (2012), «Is US economic growth over? Faltering innovation confronts the six headwinds », NBER Working Paper 18315, août. Dans la même veine, voir également Kasparov, Garry et Peter Thiel (2012), « Our dangerous delusion of tech progress », Financial Times, 8 novembre.
  8. Il semble de plus en plus clair qu’une dette élevée pèse de manière significative sur la reprise et la croissance. C’est la thèse que défendent depuis longtemps Reinhart et Rogoff (2009), qui pensent que les crises financières qui sont précédées d’un accroissement marqué de la dette sont généralement suivies par des reprises particulièrement lentes. Voir Reinhart, Carmen M. et Kenneth S. Rogoff (2009), « Cette fois, c’est différent : Huit siècles de folie financière », Princeton University Press pour la version originale. Reinhart, Carmen M. and Kenneth S. Rogoff (2009), «The aftermath of financial crisis», The American Economic Review, 99(2): 466-472. Le rôle déterminant du désendettement dans la limitation de la croissance est également mis en avant par la recherche économique sur la stagnation séculaire. Voir Eggertsson, Gauti B. et Neil R. Mehrotra (2014), « A model of secular stagnation », 4 juillet. Voir également Mian, Atif R. et Amir Sufi (2014), « House of debt: How they (and you) caused the Great Recession, and how we can prevent it from happening again », University of Chicago Press.
  9. Knut Wicksell introduit le concept de taux d’intérêt naturel dans un article de 1898 intitulé « The influence of the rate of interest on commodity prices ». Il développe ensuite l’idée dans « Geldzins und Guterpreise » en 1898, traduit en anglais en 1936 par R.F. Kahn sous le titre « Interest and Prices » (« Intérêt et prix »).
  10. Fonds Monétaire International (2014), « Perspectives on global interest rates », IMF World Economic Outlook, chapitre 3, avril.
  11. Concernant l'estimation du taux d'intérêt naturel, voir Laubach, Thomas et John C. Williams (2003), « Measuring the natural rate of interest », Review of Economics and Statistics 85(4): 1063-1070.
  12. Voir Bernanke, Ben (2005), « The global saving glut and the U.S. current account deficit », Sandridge Lecture, Virginia Association of Economists, Richmond, Virginie, 10 mars.
  13. Blanchard, Olivier et Summers, Lawrence (1986), « Hysteresis and the European unemployment problem », NBER Macroeconomics Annual 1986. Voir également Haltmaier, Jane (2012), « Do recessions affect potential output? », International Finance Discussion Paper 1066, Réserve fédérale, décembre.
  14. La production potentielle correspond au niveau d’activité qu’une économie peut générer à taux d’inflation constant. Elle dépend du stock de capital, de la main-d’œuvre potentielle (qui dépend elle-même de facteurs démographiques et des taux de participation à la population active), du taux de chômage non inflationniste (NAIRU) et du niveau d’efficacité du travail.
  15. Il existe une borne limitant à zéro les taux d’intérêt directeurs nominaux car, à de rares exceptions techniques près, ces taux ne peuvent pas être négatifs. La raison en est bien sûr que personne ne préférerait prêter à un taux d’intérêt nominal négatif plutôt que détenir des devises. L’idée que la politique monétaire est inefficace lorsque les taux d’intérêt sont à zéro est connue sous le nom de « trappe à liquidité » décrite par Keynes dans sa Théorie générale. Voir Keynes, John Maynard (1936), « The general theory of employment, interest, and money », Londres : Macmillan.
  16. Voir Krugman, Paul (2013), « Bubbles, regulation, and secular stagnation», New York Times, 25septembre; Krugman, Paul (2014), « Do we face secular stagnation? », allocution prononcée lors d’une table ronde à Oxford organisée conjointement par le Sanjaya Lall Memorial Trust, Green Templeton College et le département d’économie de l’université d’Oxford, 14 mai. Sur le thème de la trappe à liquidité, voir également Krugman, Paul (1998), « It’s baaack: Japan’s slump and the return of the liquidity trap », Brookings Papers on Economic Activity, 29 (1998-2): 137- 206 ; Eggertsson, Gauti B. et Michael Woodford (2003), « The zero bound on interest rates and optimal monetary policy », Brookings Papers on Economic Activity, 1: 139-233 ; Bernanke, Ben S., Vincent R. Reinhart, et Brian P. Sack (2004), « Monetary policy alternatives at the zero bound: An empirical assessment », FEDS Working Paper, septembre.
  17. Le terme « écart de production » désigne la différence entre la production effective d’une économie et sa production potentielle (c’est-à-dire le volume maximum de biens et services qu’une économie peut produire lorsqu’elle tourne à pleines capacités).
  18. Voir Eggertsson, Gauti B. et Neil R. Mehrotra (2014), « A model of secular stagnation », repro, Brown University, 4 juillet (op.cit. note 8).
  19. Une augmentation des inégalités de revenus se traduit par une redistribution des revenus des moins aisés vers les plus aisés, et, ces derniers ayant une propension plus élevée à l’épargne, le niveau d’épargne dans l’économie augmente, ce qui fait in fine baisser le taux d’intérêt naturel.
  20. Voir Krugman, Paul (2014), « What secular stagnation isn’t », New York Times, 27 octobre.
  21. La règle de Taylor (du nom de John B. Taylor, le premier à avoir décrit ce mécanisme) relie le taux directeur nominal à, (1) la différence entre inflation réelle et cible d’inflation, (2) l’écart de production et (3) un résidu purement aléatoire (appelé le « choc de politique économique »).
  22. Voir Baldi, G., et al. (2014), « Weak investment dampens Europe’s growth», DIW Economic Bulletin (2014), Institut allemand pour la recherche économique, 4(7): 8-21, juillet. Voir également FMI (2014), « Investment in the euro area, why has it been weak? », Rapport pays FMI n°14/199.
  23. Voir Chirinko, R. (1993), « Business fixed investment spending: Modeling strategies, empirical results, and policy implications », Journal of Economic Literature, 31(4): 1875-1911.
  24. La fragmentation financière a reculé par rapport à son pic de 2012 après que Mario Draghi a déclaré être prêt à faire « tout ce qui était nécessaire » pour sauver l’euro. Elle devrait poursuivre son repli au fur et à mesure de la mise en place des éléments de l’union bancaire (notamment la supervision bancaire commune et les règles de résolution). Elle ne devrait pas pour autant disparaître, car des différences de qualité de crédit persistent entre les différents pays de la zone euro que reflètent les différentes primes de crédit.
  25. 
Comme l’ont souligné Mian, Sufi et Trebbi (2012), les crises financières sont généralement suivies d’une polarisation politique accrue qui entraîne souvent une paralysie des politiques qui entrave croissance et investissement. Voir Mian, Atif R., Amir Sufi and Francesco Trebbi (2012), « Resolving debt overhang: Political constraints in the aftermath of financial crises », NBER Working Paper, n°17831.
  26. Le Japon a la population la plus âgée au monde, avec un âge médian de 46 ans. De nombreux chercheurs font valoir que les évolutions démographiques sont l’une des causes principales de la décennie perdue du pays. Pour en savoir plus sur le sujet, voir Shirakawa, Masaaki (2012), « Demographic changes and macroeconomic performance: Japanese experiences », conférence BOJ-IMES, mimeo.
  27. Le tassement de la croissance de la population en âge de travailler entraîne également une limitation de la croissance par l’offre. En effet, ce mouvement se traduit par un stock de capital excédentaire, donc une baisse des rendements qui incite les entreprises à réduire l’investissement.
  28. La Commission européenne (2014) a estimé que les entreprises et les ménages des pays périphériques pourraient avoir à réduire leurs ratios dette/PIB d’au moins 30 points de pourcentage, ce qui pèsera lourdement sur l’investissement à moyen terme. Voir Commission européenne (2014), « Private sector deleveraging: Where do we stand? », rapport trimestriel sur la zone euro, 13(3), octobre.
  29. Cuerpo, C., et al. (2013), «Indebtedness, deleveraging dynamics and macroeconomic adjustment », Commission européenne, European Economy, Economics Papers 477.
  30. Koo, Richard (2008), « The Holy Grail of macroeconomics: Lessons from Japan’s Great Recession », John Wiley ; Koo, Richard C. (2011), «The world in balance sheet recession: Causes, cure, and politics », Real-World Economics Reviews, numéro 58, Nomura Research Institute, Tokyo ; Koo, Richard C. (2013), «Balance sheet recession as the other-half of macroeconomics », European Journal of Economics and Economic Policies: Intervention, 10(2): 136-157.
  31. Voir Koo, Richard C. (2011), (op. cit. note 30).
  32. Fisher, Irving (1933), «The debt-deflation theory of Great Depressions », Econometrica, 1(4).
  33. Voir Moghadam, Reza, Ranjit Teja and Pelin Berkmen (2014), « Euro area – 'Deflation' versus 'Lowflation' », IMF Direct, 4 mars.
  34. Voir notamment Krugman, Paul (2013), « Secular stagnation, coalmines, bubbles and Larry Summers », (op.cit. note 4). Selon Krugman, « dans une trappe à liquidité, l’épargne est une vertu personnelle mais un vice sociétal ».
  35. Ceci est un « paradoxe » en raison d’une perception moraliste de l’épargne comme une vertu – un point que Samuelson (1958) notamment avait souligné: «[…] dès la maternelle, on nous apprend qu’épargner est une bonne chose ». Voir Samuelson, Paul A.(1958). «Economie», 4th ed. New York: McGraw-Hill, p. 237 pour la version originale.
  36. Krugman, Paul (1998), « It’s baaack: Japan’s slump and the return of the liquidity trap », (op.cit. note 16).
  37. Voir Eggertsson, Gauti B. et Neil R. Mehrotra (2014), « A model of secular stagnation », (op.cit. note 8).
  38. Voir Summers, Lawrence H. (2013), 14ème conférence annuelle Jacques Polak duFMI en l’honneur de Stanley Fisher, Washington DC, 8 novembre.(op.cit. note 1).
  39. Voir Eggertsson, Gauti B. et Paul Krugman (2012), « Debt, deleveraging, and the liquidity trap: A Fisher-Minsky-Koo approach », Quarterly Journal of Economics, 127(3): 1469-1513, août. Pour en savoir plus, voir Eggertsson, Gauti B. (2010), « What fiscal policy is effective at zero interest rates?», NBER Macroeconomic Annual, 25(1): 59-112 ; Delong, J. Bradford and Lawrence H. Summers (2012), « Fiscal policy in a depressed economy », Brookings Papers on Economic Activity, printemps ; et Koo, Richard C. (2013), « Balance sheet recession as the other- half of macroeconomics », (op.cit. note 30).
  40. Le « multiplicateur budgétaire » est une mesure de l’impact d’une variation des dépenses publiques ou des taxes sur le PIB. Il est difficile de déterminer l’ampleur de ce multiplicateur qui, de surcroît, varie en fonction des pays et des époques.
  41. Voir Baum, Anja, Poplawski-Ribeiro, Marcos, and Anke Weber (2012), « Fiscal multipliers and the state of the economy », IMF Working Paper, WP/12/286, décembre. Voir également Blanchard, Olivier et Daniel Leigh (2013), « Growth forecast errors and fiscal multipliers », IMF Working Paper, WP/13/1, janvier.
  42. Eggertsson, Gauti B. (2010), « What fiscal policy is effective at zero interest rates? » (op.cit. note 39).
  43. Nickel, Christiane and Andreas Tudyka (2013), « Fiscal stimulus in times of high debt: Reconsidering multipliers and twin deficits », ECB Working Paper No 1513.
  44. Cependant, la politique budgétaire échouera à relancer la demande globale en cas d’équivalence ricardienne : les baisses de taxes financées par l’émission de dette souveraine n’auront aucun impact sur la consommation privée (la dette n’étant que des impôts différés). Il est également possible que l’État ne puisse pas emprunter parce que sa qualité de signature n’est pas suffisante.
  45. Des simulations réalisées par le FMI (2013) suggèrent cependant qu’une relance budgétaire allemande aurait des répercussions limitées sur le reste de la zone euro, soit en raison de la faiblesse des relations commerciales (Grèce, Portugal), soit en raison de l’importance des pays (Italie, Espagne). Voir FMI (2013), « Germany Article IV Consultation », août.