Zone euro : où en est le marché du travail ?

par Clemente De Lucia, économiste chez BNP Paribas

•  La zone euro recrée des emplois, et les enquêtes suggèrent qu’elle pourrait accélérer.

•  Cette reprise reste néanmoins très inégale d’un pays à l’autre et pas suffisamment robuste pour faire reculer sensiblement les taux de chômage.

  Dans un tel contexte, la croissance des salaires restera modérée à l’horizon des prévisions.

Amélioration de l’emploi en zone euro …

L’emploi confirme son redressement. L’augmentation de 0,1 % (t/t) au T4 a porté sa hausse pour 2014 à +0,9 %. Depuis octobre 2014, l’indice PMI composite pour l’emploi est en hausse constante. Selon les résultats des enquêtes, les entreprises, qui voient leur carnet de commandes se remplir, semblent plus confiantes en l’avenir, au point qu’elles vont probablement procéder à de nouvelles embauches voire, si la reprise se confirme, en accélérer le rythme. De plus, les réformes du marché du travail, qui ont été introduites dans plusieurs pays, commencent à porter leurs fruits. Ainsi, selon une étude de l’OCDE, les réformes mises en œuvre en Espagne en 2012 ont été d’une importance cruciale. En contribuant à déplacer le niveau de la négociation salariale, de la branche (niveau national) vers l’entreprise, et en apportant d’importantes modifications à la législation sur les licenciements, elles ont été les principaux facteurs à l’origine de l’accroissement significatif des contrats à durée indéterminée dans les PME.

… mais avec des divergences persistantes

Bénéficiant de la mise en œuvre des réformes du marché du travail déjà engagées et d’une reprise plus marquée de l’activité, le marché de l’emploi espagnol semble être le plus dynamique au sein de la zone euro. Au T4 2014, la croissance de l’emploi s’établissait à 0,7 % (t/t), le taux le plus élevé de tous les pays de la zone euro. La situation est assez différente dans les autres pays. L’Allemagne continue, certes, de créer des emplois, mais il n’en va pas de même, semble-t-il, pour les deux autres grandes puissances de la zone. Au dernier trimestre 2014, l’emploi a continué à stagner en France et s’est même replié en Italie. À court terme, malheureusement, ni l’activité ni les réformes ne viendront stimuler l’emploi dans ces deux pays.

L’Italie, en effet, vient à peine de mettre en œuvre une réforme en profondeur du marché du travail. Aux termes de la législation (« Job Act ») récemment adoptée, le gouvernement de Matteo Renzi a introduit un nouveau contrat de travail unique, de nouvelles règles concernant la protection contre les licenciements et l’ouverture des droits aux indemnités de chômage à un plus grand nombre de salariés. De telles mesures devraient favoriser la création d’emplois et créer les conditions propices à l’instauration d’un cercle vertueux : emploi, consommation et, in fine, croissance. Cependant, ces réformes ne produiront leurs effets sur l’économie qu’au bout d’un certain temps. La France a également récemment adopté plusieurs mesures visant à stimuler la croissance de l’emploi.

Cependant, ces mesures n’ont probablement pas été aussi incisives que l’exigeait la situation (pour plus de détails, voir « France : chômage, la profondeur du mal » Conjointure, BNP Paribas, février 2015. Cela dit, si le taux de chômage en Espagne est sans conteste en train de reculer, il n’en reste pas moins au-dessus de 23 %. En France et en Italie, le taux de chômage est inférieur de moitié au taux espagnol, mais il stagne et reste proche de sommets record, alors qu’il a été ramené à son niveau le plus bas en Allemagne (4,7 %), soit une moyenne de 11,2 % pour la zone euro en janvier.

Conséquences sur l’inflation

L’emploi, tributaire d’une amélioration de l’activité, devrait continuer à se redresser. Cependant, les conditions du marché du travail restent difficiles dans plusieurs pays et le redressement de l’emploi va rester en retrait par rapport à celui de l’activité. Par conséquent, la productivité de la main-d’œuvre va probablement augmenter. Les hausses salariales ne seront guère élevées à l’horizon des prévisions (fin 2016). Au T4 2014, la progression des rémunérations par personne employée était de 1,3 % (g.a.), un niveau qui reste proche du plus bas historique de 1,2 %. Eu égard à la dynamique attendue du taux de chômage (orienté à la baisse, mais probablement encore supérieur à 10% d’ici fin 2016) et compte tenu des bas niveaux de l’inflation réelle et attendue, la croissance salariale restera très modérée.

Dans ces conditions, le taux de croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre (salaires ajustés de la productivité), un point particulièrement important pour les entreprises et leur rentabilité, va probablement marquer le pas au cours des trimestres à venir. L’inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie), principalement due à des facteurs domestiques comme les salaires et la productivité de la main- d’œuvre, devrait ainsi rester soumise à des pressions à la baisse. L’inflation sous-jacente, attendue à 0,7 % au premier trimestre 2015, devrait encore légèrement se tasser jusqu’à l’automne, avant de se redresser et de donner des signes d’accélération l’année prochaine.

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