par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas
• La dernière réunion du FOMC avait été saluée par les marchés, avec un recul des rendements obligataires et, surtout, un coup d’arrêt à l’appréciation du dollar.
• Il était jusque-là difficile de dire si le message clairement «dovish» était ou non intentionnel. A en juger par les minutes de la réunion, la Fed ne se voulait pas si accommodante.
• Le ton n’est pas durci pour autant, et, la dépendance des décisions à la conjoncture est réaffirmée. La morosité du dernier rapport emploi plaide en faveur d’un relèvement des taux en fin d’année.
Beaucoup ont vu des signes « dovish » à la dernière réunion du FOMC. Malgré un large consensus sur l’abandon de la référence à la patience, les marchés avaient été surpris par d’autres éléments indiquant que cette dernière restait d’actualité … Le rendement des Treasuries à 10 ans, jusqu’alors à la hausse, a reculé et l’appréciation du dollar s’est soudainement interrompue. La question était de savoir si les responsables de la Fed avaient eu l’intention d’envoyer un message aussi accommodant. Les minutes de la réunion, publiées cette semaine, nuancent les conclusions d’alors.
La mise à jour des projections des différents membres du FOMC était l’un des principaux éléments « dovish ». La croissance a été revue en baisse, pour 2015 (d’une fourchette de 2,6%-3,0% à 2,3%- 2,7%), comme à long terme. Surtout, les projections d’inflation (du déflateur de la consommation) ont été de nouveau révisées, pour 2015 et 2016. Les membres du FOMC ne prévoient pas d’atteindre leur objectif d’inflation avant 2017. Par ailleurs, les projections de long terme du taux de chômage, ont été sensiblement abaissées : à 5,0%-5,2% (contre 5,2%-5,5%), et un membre l’estimant inférieur à 5%.
Le message du fameux dot plot (représentation graphique des projections du taux cible des Fed Funds) avait aussi des accents « dovish ». La première remontée des taux interviendrait plus tard, le cycle de resserrement serait, dans un premier temps, plus progressif, pour accélérer ensuite et durer plus longtemps. En décembre, la projection médiane indiquait des hausses de taux cumulées de 75 pb en 2015, 150 pb en 2016 et 125 pb en 2017. A présent, ces projections sont à : +50 pb, +100 pb et +150 pb.
Grâce aux minutes, nous connaissons à présent les raisons à l’origine de ces révisions. Premièrement et même si cela n’a certainement eu qu’un effet marginal, deux des plus « faucons » des présidents de la Fed n’ont pas soumis leurs prévisions en raison de leur départ à la retraite. Au lieu des projections de Richard W. Fisher (Dallas) et Charles I. Plosser (Philadelphie) – qui avaient exprimé leur désaccord en décembre dernier, jugeant la politique monétaire trop accommodante compte tenu de la conjoncture – ce sont celles de leurs premiers Vice-présidents qui ont été publiées. Deuxièmement, la révision en baisse des projections pour 2015 serait essentiellement la conséquence d’une décélération de l’activité au T1 en raison d’une météo défavorable et des grèves des dockers sur la côte ouest. Troisièmement, des estimations plus faibles du potentiel de croissance expliquent la baisse du taux d’équilibre des Fed Funds.
Des minutes, on attendait aussi des précisions quant à la nature des conditions susceptibles de permettre un relèvement des taux. Peu de détails ici. Comme Janet Yellen l’avait déjà déclaré, les membres du FOMC « estiment qu’il sera approprié de relever [les taux] lorsque le Comité aura observé une nouvelle amélioration du marché du travail et qu’il sera raisonnablement confiant dans le retour de l’inflation vers son objectif de 2% à moyen terme ». Des questions restent sans réponse: comment le FOMC évalue l’ampleur du sous- emploi ? Les minutes ne font référence qu’aux indicateurs habituels (créations d’emplois, taux de chômage, taux d’activité, taux d’emploi, taux d’embauche et de démission, temps partiel subi).
En revanche, il y a consensus pour conclure à la réduction du sous- emploi. Depuis le rapport emploi du mois de mars est venu comme une douche froide. De même, l’autre rapport majeur du BLS, le JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) publié cette semaine pour février, indique qu’en dépit des solides créations d’emplois, le rythme de réduction du sous-emploi a marqué le pas depuis la fin 2014, sans redressement début 2015. La patience, à défaut d’être présente dans le communiqué de presse, l’est certainement dans les esprits des responsables de la Fed …