Le « QE » : une nécessité, pas une solution miracle

par Clemente De Lucia, économiste chez BNP Paribas

• L’assouplissement quantitatif (« QE ») a suscité un élan d’optimisme en zone euro.

• Les anticipations d’inflation à long terme se sont redressées, les conditions de financement se sont améliorées.

• Les indices boursiers ont retrouvé des sommets.

• La politique monétaire fait baisser l’euro, soutient la demande et contribue à l’amélioration de la conjoncture.

• Mais à plus long terme, des réformes visant à améliorer le potentiel de croissance restent nécessaires.

Les effets de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing ou « QE ») se diffusent dans l’économie au travers de plusieurs canaux. Le premier est celui des anticipations : la BCE indique aux marchés qu’elle usera de tous les moyens nécessaires, conventionnels ou non, pour ramener l’inflation vers la cible de 2%. Les anticipations d’inflation, qui sont davantage un indicateur de la crédibilité de la banque centrale qu’une mesure précise de la trajectoire des prix, ont, de fait, commencé à se redresser. La BCE accorde une attention particulière au taux des swaps indexés à 5 ans dans 5 ans. Or cet indicateur a rebondi, passant d’un point bas de 1,5% en janvier à 1.7% en mars.

Les taux d’intérêt réels s’en trouvent réduits, d’autant que le « QE » a aussi pour effet de faire baisser les taux nominaux, avant même sa mise en œuvre. Dès qu’il a été question du lancement de ce programme par la BCE, les taux d’intérêt ont commencé à chuter. C’est ce qu’illustre le graphique 2. Un modèle dynamique «conservateur» a pu répliquer assez bien l’évolution du Bund allemand à 10 ans jusqu’à la fin de 2013. Ensuite, l’écart entre les valeurs observées et les résultats du modèle s’est creusé. Cela confirme qu’un certain nombre de variables « omises », telle la chute des anticipations d’inflation ou les attentes relatives au « QE », ont bel et bien joué un rôle.

On observe également une diminution des coûts de financement. Les rendements des obligations d’entreprises ont baissé, tout comme le coût des financements bancaires, ce que confirme la dernière enquête de la BCE, conduite en mars. Les programmes de rachats d’actifs, les opérations ciblées de refinancement à long terme, aident notamment à faire face aux contraintes de bilan. Dans la mesure où la demande de crédit se ranime, la production de nouveaux prêts s’en trouve stimulée. Enfin et surtout, les mesures adoptées par la BCE ont constitué un facteur majeur de réajustement des portefeuilles en faveur d’actifs plus risqués comme les actions. Les marchés retrouvent ainsi des niveaux qu’ils n’avaient plus atteints depuis plusieurs années.

Il est encore trop tôt pour juger de l’efficacité finale du « QE ». A court terme, les indicateurs de confiance annoncent une accélération de la reprise. Celle-ci ne devrait pas être entravée par les politiques budgétaires, dont l’influence – telle que mesurée par les variations du solde des administrations publiques corrigé du cycle – est neutre.

Mais au-delà? Dans ses dernières Perspectives de l’économie mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) évoque le risque d’un potentiel de croissance significativement amoindri et l’impératif de poursuite des réformes structurelles. Une problématique qui dépasse largement le cadre de la politique monétaire.

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