par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas
• La nouvelle législature a été officiellement ouverte par la Reine, qui a donné son traditionnel discours du trône. Les objectifs du nouveau gouvernement Cameron sont sans surprise, reprenant les promesses de campagne.
• La consultation des Britanniques sur leur appartenance à l’Union européenne aura bien lieu. Il s’agit pour l’Europe d’aider le Royaume-Uni à décider de rester.
Le mois de mai 2015 aura été britannique, de la naissance de la princesse Charlotte à la cérémonie d’ouverture du Parlement avec le discours de la Reine… en passant bien sûr par les élections législatives du 7 et la victoire des Conservateurs. Le discours donné par la Reine, mercredi 27 mai, était sans surprise, reprenant les principaux objectifs du deuxième gouvernement Cameron. Sur le plan économique, les promesses de campagne ont été réaffirmées, avec la volonté de maintenir le cap de l’assainissement budgétaire, le probable relèvement du revenu soumis à l’impôt sur le revenu, l’intention de bloquer toute possibilité d’augmenter la fiscalité au cours de la législature (impôt sur le revenu, TVA, contributions à la National Insurance) ou encore l’introduction de plafond aux prestations sociales.
Une question centrale pour l’économie britannique, pourtant ignorée pendant la campagne électorale, a été soulevée par la Reine dès les premiers paragraphes de son discours, avec l’annonce de l’introduction de mesures visant à accroître le potentiel productif de l’économie, au travers, notamment, d’une réduction de la réglementation régissant l’activité des petites entreprises. L’accent est, par ailleurs, mis sur la classe moyenne : objectif de plein-emploi, développement de l’apprentissage, accès facilité à la garde gratuite des enfants, soutien à l’accession à la propriété, préservation du système national de santé. Sur le plan institutionnel la décentralisation des pouvoirs annoncée est confirmée. Le Stormont House Agreement, qui transfère de Londres à Belfast une partie des compétences budgétaires, sera appliqué. Des textes de lois visant à un transfert, large et important, de compétences à l’Ecosse – une voie rendue d’autant plus inévitable que le SNP, le parti indépendantiste écossais, a remporté la quasi- totalité des sièges écossais à la Chambre des Communes – et au Pays de Galles ont aussi été annoncés.
Des objectifs plus en marge de l’économie couvrent l’immigration, la sécurité énergétique et la place du Royaume-Uni sur la scène internationale (lutte internationale contre le terrorisme, contre le réchauffement planétaire…) sont aussi ceux du nouveau gouvernement. Mais c’est plutôt la place du Royaume-Uni dans l’Europe qui concentre l’attention avec la confirmation, officielle et définitive, de l’organisation d’un référendum, d’ici à la fin de 2017, sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne.
La marche vers le référendum a commencé. Le gouvernement de David Cameron doit, dans un premier temps, négocier les termes d’une nouvelle appartenance du pays à l’Union européenne (UE), étape complexe. Les sujets de discorde se concentrent en effet sur les questions d’immigration (plus particulièrement sur l’accès aux prestations sociales des ressortissants de l’UE) ainsi que de réglementation et de souveraineté. Ces sujets sont au centre des traités fondateurs européens et, à première vue, une exception britannique nécessiterait leur modification. Hors l’appétit pour une réforme institutionnelle est nul en Europe, dix ans après le rejet par la France et les Pays-Bas du traité de Lisbonne. De plus, la voie suivie par la majorité des pays membres de l’Union reste quand même celle d’un renforcement de l’intégration (« Pacte » budgétaire renforcé, union bancaire…) serait-ce que par nécessité de consolider la zone euro.
Il va donc s’agir, pour David Cameron et ses négociateurs (le Chancelier de l’Echiquier George Osborne et le Ministre des Affaires étrangères Philip Hammond) de trouver, non seulement, des points d’accord, mais aussi un moyen de ne pas passer par une réforme institutionnelle. Pour ce qui est des sujets de concordance, la Commission européenne de Jean-Claude Juncker travaille d’ores et déjà sur des chantiers qui pourraient avoir les faveurs des Britanniques, notamment une plus grande efficacité de la réglementation et le renforcement du marché unique. Par ailleurs, la question de la mobilité de la main d’œuvre fait aussi partie des sujets de travail de la Commission. Il pourrait être envisageable pour le Royaume-Uni de tirer parti de ces travaux. Resterait alors à autoriser ces accords sans qu’une réforme institutionnelle ne soit nécessaire. C’est l’option danoise qui semble alors la plus aisée. Il s’agirait, comme avec le Danemark entre deux référendums sur le Traité de Maastricht, de préautoriser des exceptions ou des évolutions en ne les intégrant que lors d’une future modification des traités.
On le voit, au prix de quelques contorsions britanniques et européennes, David Cameron devrait être en mesure de présenter un projet susceptible de satisfaire les Britanniques. Le coût d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne serait, en effet, très important, bien que difficile à estimer précisément. Il dépendrait des termes du « traité de sortie », c’est-à-dire de la nature des nouvelles relations entre les Britanniques et les autres Européens. Même si le Royaume-Uni parvenait à négocier une sortie avantageuse, parvenir à un tel accord pendrait des années, alimentant d’autant les incertitudes. A supposer que, pendant cette période de transition, le secteur exportateur ne subisse aucun coût direct – le Royaume-Uni demeurant un membre plein et entier et continuant d’opérer dans le marché unique – les flux d’investissements directs se tariraient. Une sortie de l’Union européenne remettrait, par ailleurs, en question l’unité même du pays. Ainsi, le SNP, profondément pro-européen, appellerait à un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Quant à l’Europe, le départ de la troisième puissance économique, tout en creusant un trou dans le budget, aurait des conséquences, que ce soit sur la répartition des pouvoirs ou l’équilibre des décisions.