Italie : les indicateurs convergent vers un rebond de l’activité

par Paola Monperrus-Veroni et Nina Delhomme, économistes au Crédit Agricole

L’accélération du PIB au T1 (+0,3% t/t) a été plus forte que prévue. Après la bonne performance de la production industrielle au T1, les carnets de commandes assurent une dynamique encore soutenue de l’activité au T2.

La nette reprise des commandes intérieures depuis janvier confirme le renforcement de la demande intérieure.

Un gouvernement mis en difficulté par la Cour constitutionnelle mais réconforté par la Commission européenne à l’approche d’élections régionales et municipales partielles le 31 mai.

Macroéconomie : des signaux de consolidation de la demande intérieure

L’accélération du PIB au T1 a été confirmée (+0,3% t/t) et est meilleure que prévue (+0,2% t/t, prévision ECO). Si le PIB restait au même niveau qu’au T1 sur les trois autres trimestres de 2015, la croissance pour l’année 2015 (acquis de croissance) serait de 0,2%, ce qui conforte notre prévision d’accélération du PIB à +0,7% en 2015, après -0,4% en 2014. Si les composantes du PIB n’ont pas encore été publiées (29 mai), nous anticipons que la croissance a été soutenue par la demande intérieure (stocks inclus) alors que la contribution du commerce extérieur a été négative. En effet, les chiffres de mars du commerce confirment la décélération des exportations et une reprise des importations au cours du premier trimestre.

Pour la première fois depuis 2013, l’activité industrielle a contribué positivement à la croissance du PIB. En mars, elle a légèrement décéléré à +0,4% m/m après +0,7% m/m en février, mais a connu au total une croissance trimestrielle de 0,4%, en nette accélération après 0,1% t/t au T4 2014. Cette bonne performance de la production industrielle au T1, qui laisse un acquis de croissance trimestriel de +0,5% au T2, combinée à des carnets de commandes qui se sont regarnis en début d’année, nous permet d’anticiper une accélération de l’activité au T2.

Le redressement concerne surtout les commandes intérieures : elles sont en net rebond depuis 3 mois (+1,7% au T1) venant confirmer le renforcement de la demande intérieure. De plus, la forte hausse depuis janvier des opinions sur les commandes intérieures dans les enquêtes auprès des producteurs de biens de consommation nous permet de tabler sur un soutien majeur de la consommation des ménages. Les ventes au détail au T1 ont bien tenu (+0,1% en volume après -0,2% au T4 2014) alors que les immatriculations de voitures ont quant à elles fortement augmenté (20% a/a). Aussi, la confiance des ménages est au plus haut, portée par le net redressement des opinions sur la situation financière des ménages et des intentions d’achat de biens durables. Du côté de l’investissement, les signes de reprise manquent encore et les opinions des producteurs de biens d’investissement sur les commandes en provenance du marché intérieur s’améliorent plus lentement. Par ailleurs, les défaillances d’entreprise ont continué d’augmenter en 2014, bien qu’à un rythme moins soutenu. En revanche, pour la première fois depuis 2010, le nombre de liquidations volontaires (d’entreprises viables) était en baisse, signe que les problèmes de liquidité se sont beaucoup réduits grâce au remboursement des arriérés des administrations publiques et à une moindre restriction du crédit.

Cette embellie de l’activité ne s’accompagne cependant pas d’une amélioration du marché du travail. Le taux de chômage est remonté à 13% en mars, principalement du fait de destructions d’emplois ininterrompues au cours du premier trimestre. Cependant les perspectives d’embauche continuent de s’améliorer, annonçant une reprise des créations d’emplois au cours des prochains mois.

Politique : Renzi prépare son test de mi-mandat

Le récent jugement de la Cour constitutionnelle, qui invalide la décision du gouvernement Monti de 2011 concernant le gel temporaire de la revalorisation des pensions les plus élevées, a mis en difficulté le gouvernement Renzi. Ce jugement, intervenu après la présentation du Programme de stabilité et quelques jours avant l’avis de la Commission européenne sur les projections des finances publiques de l’Italie, oblige le gouvernement Renzi à un difficile arbitrage entre équité et respect des engagements budgétaires. L’incidence budgétaire de la restitution du montant dû aux retraités pour la période 2012-2013 est égale à 18Mds€, soit 1,1 point de PIB. Le gouvernement a donc décidé une restitution partielle comportant un coût de 2,2 Mds€ (0,1 point de PIB) pour les comptes publics. Le remboursement concernera 3,7 millions de retraités (pour un montant de 750 € à 278 €) et diminuera avec le montant de la pension jusqu’à exclure les 650 000 retraités qui ont une retraite supérieure à 3 200 €.

La Commission européenne a donné un avis positif sur le Programme de stabilité de l’Italie et sur la décision concernant le remboursement des pensions, accordant pour l’année 2016 un écart temporaire du parcours d’ajustement du solde public de 0,4 point de PIB (soit un ajustement de 0,1 point projeté par le gouvernement contre 0,5 point prévu par le Pacte de stabilité). Cet écart se justifie par la prise en compte de l’impact des réformes structurelles sur la soutenabilité à long terme des finances publiques, mais place aussi l’Italie sous « surveillance spéciale », ses avancées dans le processus de réforme feront l’objet d’un bilan approfondi.

Cette décision est importante pour M. Renzi dans la perspective des prochaines élections régionales et municipales partielles du 31 mai. Ce rendez-vous avec les électeurs sera une mise à l’épreuve de la force de Renzi, qui espère un succès pour endiguer l’opposition interne à son parti. Dans un paysage politique qui voit des candidatures dissidentes à gauche, mais surtout à droite, notamment entre les frondeurs, voire sécessionnistes, du parti de Berlusconi ainsi que de la Ligue du Nord (ces deux derniers s’étant par ailleurs accordés sur une alliance électorale en Vénétie), les résultats sont plus difficiles à prévoir que lors des précédents scrutins. Le gouvernement Renzi accélère donc son action réformatrice en cette période pré- électorale (vote de la loi anticorruption et réforme de l’école), espérant pouvoir afficher des nouveaux succès, après celui de la réforme électorale. Le résultat des élections sera fondamental pour asseoir sa capacité à avancer rapidement sur les réformes de l’administration, de la concurrence et des retraites qui sont en chantier pour les prochains mois.

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