par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, et Xavier d'Ornellas, Gérant Associé Pôle Gestion Flexible chez Amplégest avec la participation de Jean-Michel Mourette, Economiste (Eureka Finance)
Le coup de froid sur l’économie américaine se confirme, avec un PIB révisé à -0,7% pour le premier trimestre 2015. Nous ne reviendrons pas sur les raisons spécifiques (météo, grèves) et non récurrentes qui expliquent en partie ce repli. En revanche nous avons sans doute minoré l’impact de la hausse du dollar sur le commerce extérieur. Les exportations en baisse ont impacté le PIB de 2% au premier trimestre ! Par ailleurs, nous pensions que les revenus provenant de la baisse du pétrole se traduiraient par de la consommation immédiate. Contrairement aux habitudes américaines, il n’en a rien été et c’est au contraire l’épargne des ménages qui s’est appréciée.
Ce mauvais trimestre est logique si l’on considère toutes ces circonstances. L’absence de rebond significatif en avril et, probablement en mai, nous rend en revanche plus circonspects même s’il ne remet pas en cause notre scénario de croissance pour 2015. Nous nous appuyons pour justifier cet optimisme sur des indicateurs avancés favorables, sur un marché de l’emploi très solide, et sur une reprise marquée de l’immobilier. Le second semestre s’annonce sous des auspices plus favorables.
La FED ne semble d’ailleurs pas douter et reste ferme dans son discours. Nous sommes à la croisée des chemins aux USA. Le temps des taux proches de zéro a probablement vécu et la première hausse devrait intervenir rapidement. Il est indispensable pour la Banque Centrale de normaliser sa politique pour retrouver des marges de manoeuvre. Elle le doit d’autant plus que le risque déflationniste a disparu. L’inflation hors énergie est en hausse de 2,15% en rythme annualisé sur les trois derniers mois, au-delà des objectifs de la FED. La hausse des salaires qui apparait dans la plupart des secteurs pourrait d’ailleurs alimenter dans le futur cette inflation de base. Les dernières créations d’emplois concernent davantage les postes de cadres que d’habitude. Ces emplois sont mieux payés et contribuent à l’augmentation de la masse salariale.
L’analyse est plus simple en Europe. L’économie rebondit, aidée par l’action de la BCE, par un euro compétitif, et par les réformes entreprises dans la plupart des pays. Le crédit aux entreprises repart significativement, le chômage baisse presque partout (sauf en France, très en retard sur les réformes), et la confiance des ménages et des industriels se redresse. Le risque en Europe est aujourd’hui politique. Le vieux continent est également à la croisée des chemins. La Grèce, à force de tergiversations, de faux compromis, de négociations avortées, de promesses non tenues, se retrouve exsangue ; un scénario de défaut est de plus en plus possible. Une sortie de la zone euro est moins probable, compte tenu de l’opposition de l’opinion grecque et des conséquences très incertaines.
Au-delà de l’onde de choc à court terme, un défaut ne remettra pas en cause la reprise dans la zone euro. La BCE restera à la manoeuvre pour circonscrire une propagation sur les taux des autres pays périphériques. Le risque politique existe également en Espagne et au Portugal qui vont connaitre des élections générales d’ici à la fin de l’année. Une victoire, aujourd’hui peu probable, de Podemos en Espagne ferait vaciller l’équilibre politique européen et provoquerait des tensions sur les taux et les marchés. Machiavel disait : « En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal ». Nous pensons que le pire devrait être évité mais resterons bien sûr très vigilants.
Notre allocation suit aujourd’hui très logiquement notre analyse macro économique : préférence pour les actions aux produits de taux, et prédominance de l’Europe comme zone géographique. En 2014 nous étions davantage investis sur d’autres zones (USA, Asie…). En 2015 l’Europe s’impose à nous comme terrain de jeu le plus favorable. Le japon, qui bénéficie de la politique très proactive de monsieur Abe, figure également dans nos portefeuilles, le plus souvent au travers de nos fonds flexibles.
Les semaines qui viennent sont très importantes à nos yeux. Economie et taux aux USA, politique en Europe, les échéances sont proches. Notre scénario central est toujours optimiste, mais pourrait souffrir d’une volatilité accrue à court terme.