par Philippe Weber Co-responsable des études et de la stratégie chez CPR AM
« Sachez-le : chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons le grand large » (Churchill à de Gaulle)
Et si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne ?
Le 23 juin prochain, le peuple britannique devra répondre : « Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? ». Face au développement de l’euroscepticisme (pour dire le moins) d’une part importante de l’opinion et de son propre parti, le Premier ministre, M. David Cameron, a fait le pari de soumettre cette question à référendum. Il n’est pas tout à fait certain qu’il s’en félicite aujourd’hui.
Il fait pourtant campagne pour rester dans l’UE, ayant obtenu des concessions de sa part. Cela sera-t-il suffisant, alors qu’une forte proportion de son parti fait à l’inverse campagne pour la sortie, à commencer par le flamboyant maire de Londres, M. Boris Johnson, qui, selon certaines mauvaises langues, pourrait être guidé par l’ambition de devenir Premier ministre à la place du Premier ministre plutôt que par une conviction établie ?
Peut-on à ce stade prévoir le résultat ?
Evidemment pas : plus de deux mois avant le vote, les sondages donnent un résultat très serré, marginalement en faveur du maintien (51 % contre 49 %). Mais, preuves de l’incertitude, la proportion d’indécis est élevée, et les résultats différent selon que l’enquête est menée par téléphone ou par internet (les sondés par téléphone semblent plus en faveur de l’UE, alors même qu’ils sont en moyenne plus âgés et seraient de ce fait censés lui être plus hostiles…).
Quelles pourraient êtres les conséquences d’un vote pour la sortie ?
En l’absence de précédent, il est difficile de l’évaluer, sinon qu’on assisterait sans doute à une forte baisse de la livre (bonne nouvelle au demeurant pour la balance des paiements et pour l’inflation !). Les actions britanniques seraient elles aussi affectées très négativement dans un premier temps. Difficile en revanche d’imaginer l’impact sur les taux longs, entre le repli des agents, au moins nationaux, vers un actif sûr, et l’inquiétude générale sur le pays.
Quant à l’impact sur l’activité, les estimations varient fortement ; les plus eurosceptiques pensent qu’une sortie serait positive, notamment par la disparition d’un certain nombre de normes et de réglementations. Les plus europhiles sont plus inquiets : l’UE représente environ la moitié du commerce extérieur, et, surtout, les investissements étrangers pourraient baisser compte tenu de la forte incertitude qui règnerait pendant quelque temps. Enfin, le rôle de la City, première place financière d’Europe, pourrait être menacé, avec des transferts partiels vers Dublin, Francfort, voire Glasgow.
Les conséquences politiques seraient sans doute les plus importantes, et possiblement, pour certaines, les plus durables.
La démission de M. Cameron serait inéluctable, après son engagement pour le oui, d’autant que les référendums sont exceptionnels au Royaume-Uni (ce sera seulement le troisième à l’échelon du pays tout entier). Il est trop tôt pour imaginer qui lui succèderait, mais le nom de M. Boris Johnson est souvent évoqué. Cela étant, ce ne sera pas un choc durable.
Conséquence possible de plus long terme : le parti indépendantiste écossais, qui a la majorité au parlement d’Edimbourg, a annoncé que, en cas de vote pour la sortie, il organiserait un nouveau référendum pour l’indépendance de l’Écosse, avec l’idée de lui faire rejoindre ensuite l’UE. Voilà qui ne simplifierait pas la situation !
Plus complexes seraient les effets sur les relations entre Royaume-Uni et UE à 27. Selon les traités, un pays qui choisirait de sortir aurait deux ans pour le faire. Mais compte tenu de la complexité des dossiers, de la négociation des accords de libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, le délai semble bien court.
Les partisans de la sortie font valoir que ce ne devrait pas être si compliqué, puisque des pays comme la Suisse ou la Norvège bénéficient d’un traitement souvent proche de celui de l’UE – preuve supplémentaire, selon eux, qu’on peut très bien vivre hors de l’UE. Ce n’est pas faux, mais on peut imaginer que la Commission comme certains pays membres ne seront pas dans les meilleures dispositions…
Enfin, l’impact sur l’UE elle-même serait violent. Cette première sortie d’un pays serait nécessairement perçue comme un échec de la construction européenne telle qu’elle a été conçue depuis des années. Cela entraînerait- t-il un resserrement des liens entre les autres pays, ou bien donnerait-il des idées à d’autres pour suivre Londres ? Ce n’est pas exclusif : on peut tout à fait imaginer que le « noyau dur » (l’Europe des six originelle plus au moins l’Espagne) resserre ses liens et qu’il se constitue une Europe à plusieurs vitesses – qui ne serait pas forcément la pire solution. Inversement, même si le Royaume-Uni reste, il faudra repenser le mode de fonctionnement, tandis que, si Londres émet à nouveau des revendications particulières comme c’est souvent arrivé depuis Mme Thatcher, l’UE pourra faire valoir que, désormais, elle doit se conformer aux règles communes.