par Raphaël Gallardo, Stratégiste multi-assets Investissement et Solutions Clients chez Natixis AM
• La grande rotation reflationniste s’accélère avec l’élection surprise de Trump à la Maison Blanche.
• La Banque du Japon et la BCE tenteront de résister à la spirale haussière des taux américains
• Les émergents partagés entre remontée du dollar et rebond des matières premières
• Excès d’optimisme trumpien sur les actions ?
• Maintien d’un biais marqué en faveur du crédit corporate en Europe.
La thématique de la reflation domine les mouvements de marché depuis le milieu de l’été. Si l’élection surprise de Donald Trump a donné un nouvel élan à cette tendance, il ne faut pas oublier que le rebond du prix du pétrole depuis un point bas à 41$ en juillet a fortement contribué à initier ce changement de paradigme. Notamment, l’annonce d’une entente entre les membres de l’OPEP sur un gel de la production à Alger en septembre a contribué à propulser le baril de brut au- dessus de 50$. Quelles sont les chances que se concrétise un tel accord à Vienne à la fin du mois ?
Nous restons sceptiques sur la concrétisation de cette réduction de la production. L’engagement pris à Alger en septembre portait sur un plafond de production à 32.5- 33mb/d, mais l’AIE estime que la production a à nouveau progressé en octobre, jusqu’à 33.8mbj. En outre, on sait d’ores et déjà que des membres clés du cartel refusent de se soumettre ne serait-ce qu’à un gel de leur production : l’Iran souhaite retrouver rapidement sa production d’avant les sanctions internationales ; l’Iraq et la Libye invoquent le besoin de financer la guerre contre Daech; le Nigéria, en pleine crise financière, vise un retour à la normale de sa production après avoir conclu un accord avec les rebelles du Delta.
La Russie, qui s’est jointe aux discussions, a trop de projets qui doivent entrer en production en 2017 pour se priver de cette hausse de revenues. Cela laissera le poids de l’ajustement sur les épaules de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Emirats Arabes Unis et du Koweït. Il sera dans l’intérêt de ces 4 producteurs de procéder à une réduction de leur production si cette baisse engendre une forte hausse des cours. Cela dépend de la pente de la courbe d’offre au cours actuel de 50$. Nous pensons que la forte réaction des frackers américains à la remontée des prix depuis le mois de février nous montre que nous sommes au contraire, autour de 50$, sur une partie de la courbe d’offre où la production mondiale réagit fortement à la hausse des prix. (…) Le nombre de derricks en activité est en forte hausse aux Etats-Unis, surtout dans le bassin Permien, ce qui suggère que les banques américaines acceptent de financer de nouveaux projets du moment que les producteurs hedgent la production future au-dessus de 50$.
Une coupe de production dans les monarchies du Golfe reviendrait donc à subventionner la production des frackers américains. Certes, la stratégie de baisse des prix de l’Arabie Saoudite depuis 2014 a permis de stopper le développement de certains types de pétroles, comme l’off-shore profond, les sables bitumineux du Canada, l’Arctique, la Sibérie, mais elle a échoué à chasser la production des pétroles de schiste, dont les coûts de production ont fortement chuté grâce aux gains de productivité (forages horizontaux, fracturation par ajout de sable). Avec une courbe forward solidement ancrée aux alentours de 50$ par les réserves américaines, l’Arabie Saoudite a plutôt intérêt à privilégier une stratégie de parts de marché.