par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis
L’exercice 2009 s’est soldé en France par un recul sans précédent de l’activité (-2,2%), lié pour l’essentiel à la crise de liquidité et aux six mois cauchemardesques qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers (septembre 2008). Parmi les pays développés, l’économie française s’en est toutefois « mieux sortie » que ses homologues européennes, américaines ou japonaises, pour des raisons que nous avons déjà abondamment commentées (poids du choc subi et ampleur de la réaction budgétaire, stabilisation par le budget et le commerce extérieur, part de l’emploi public, protection sociale2…).
Le léger rebond observé au deuxième trimestre 2009, confirmé au troisième, et la « bonne surprise » du quatrième ont permis de renouer avec un certain optimisme et fait naître, prématurément à nos yeux, les problématiques dites « de sortie de crise ». S’il ne fait aucun doute que « le pire est passé », les incertitudes restent néanmoins très fortes – la dispersion du consensus en témoigne – et nous incitent à la plus grande prudence dans l’exercice de prévisions. D’une manière générale, les motifs de satisfaction nous paraissent en effet très minces dans la mesure où la sortie de récession de l’économie française, et plus particulièrement le bon chiffre du quatrième trimestre, doivent tout à des phénomènes transitoires (prime à la casse et variations de stocks).
Notre scénario de fond3 – une croissance du PIB durablement molle – provient dans une large mesure de nos prévisions de demande intérieure. La bonne tenue de la consommation des ménages en 2009 (+0,9%) s’explique en effet essentiellement par des facteurs temporaires (forte désinflation, transferts sociaux, baisses d’impôts, prime à la casse4…) qui ne joueront plus, ou très peu, à l’horizon de prévision, tandis que les déterminants fondamentaux (masse salariale principalement) resteront très mal orientés. Dit autrement, le revenu disponible des ménages devrait désormais évoluer davantage en ligne avec les revenus salariaux, tandis que l’inflation ôterait un point de pouvoir d’achat ces deux prochaines années. Il nous parait donc particulièrement vain d’espérer à cet horizon un quelconque rebond des dépenses des ménages dont la propension à épargner, dans un tel contexte, ne devrait en outre pas baisser.
Côté entreprises, les perspectives d’investissement nous semblent là aussi relativement déprimées malgré le très fort recul déjà enregistré en 2009 (-7,7%). Les perspectives de débouchés restent en effet particulièrement incertaines tandis que les capacités de production restent fortement sous-utilisées. S’agissant du financement, si l’offre de crédit aux entreprises a cessé de se durcir au premier semestre 2009, puis s’est même significativement assouplie au second semestre, la demande de crédit n’a clairement pas redémarré : les dernières enquêtes de la Banque de France montrent en effet que seules les problématiques de restructuration de dette motivent aujourd’hui la demande de crédit des entreprises.
Enfin, le commerce extérieur ne devrait pas être un renfort de poids pour l’économie française. Si la faiblesse de la demande devrait se traduire par de moindres importations, l’essoufflement des plans de relance à l’échelle mondiale, conjugué à la faiblesse chronique de la demande (marché du travail, désendettement…) plaide en effet pour une rechute des exportations au second semestre 2010. L’orientation géographique des exportations françaises (forte prépondérance de l’UE et très faible présence dans les régions dynamiques d’Asie du Sud Est) n’incite d’ailleurs pas nécessairement à l’optimisme. En 2011, en revanche, le salut pourrait passer par le rebond attendu de la consommation des ménages allemands et le redressement progressif de l’investissement productif dans les pays développés. La véritable reprise ne se produirait in fine qu’en 2011, l’analogie entre nos prévisions de croissance pour les deux années (calendaires) à venir (+1,1%) étant principalement le résultat d’effets d’acquis – favorables fin 2009, défavorables fin 2010.
NOTES
1 Euripide, les Suppliantes.
2 Voir notamment : Flash n°2009-372 : Pourquoi la France résiste-t-elle mieux à la crise que les autres grands pays européens?, Special Report n°2009-334 : A quoi attribuer la meilleure résistance de l´économie française ? La France sauvée par ses handicaps structurels et Special Report n° 2010-14 : Recul du PIB dans la crise et caractère plus ou moins cyclique des économies.
3 Voir Flash 2010-49 : « France : scénario 2010-2011 ».
4 Les ventes de voitures (un peu moins de 6% du total des dépenses des ménages) expliquent à elles seules la moitié des dépenses de consommation en 2009.
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