par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
La lecture de la situation économique globale suggère un rôle majeur des pays émergents dans la reprise. Au sein de ces pays, l'Asie progresse plus rapidement que les autres. C'est la seule zone géographique où la production industrielle est, en janvier 2010, supérieure à celle du premier trimestre 2008 c'est-à-dire avant la crise. Ce mouvement se diffuse aux autres zones émergentes et l'on voit les échanges de toutes sortes s'intensifier. A court terme il y a une relative autonomie des pays émergents par rapport aux pays industrialisés. Cela traduit le nécessaire nouvel équilibre entre ces deux types de pays. La bataille entre la Chine et les Etats-Unis sur la valeur de la monnaie chinoise reflète en partie cette recherche de l'équilibre des forces.
Au sein des pays industrialisés, l'avantage est aux Etats-Unis par rapport à la zone Euro. L'activité y a rebondi plus rapidement et plus fortement. Cela s'observe sur deux phénomènes très importants que sont l'investissement et l'emploi. Les entreprises américaines depuis le 3ème trimestre 2009 réinvestissent. Leur situation s'est améliorée suffisamment pour qu'elle allonge l'horizon de leur activité. Le changement de tendance sur l'investissement productif qui en résulte est un facteur structurant et très positif du cycle économique. Dans le même temps les indicateurs d'emplois sont mieux orientés. Ceux issus des enquêtes auprès des chefs d'entreprise s'améliorent rapidement et pourraient se refléter en mars par une hausse de l'emploi américain. Ce changement qui pourrait être durable permettra de rassurer les ménages consolidant alors le processus de croissance.
L'Europe n'est pas encore à ce stade de l'activité. L'investissement des entreprises est toujours médiocre et l'emploi continue de se contracter. Cependant, cette tendance ne peut pas être spontanément prolongée. En effet les signaux perçus au mois de mars dans les enquêtes auprès des entreprises modifient assez sensiblement la perception que l'on a du cycle économique. Jusqu'à présent, la situation européenne se caractérisait par une dynamique interne très réduite et un commerce extérieur contribuant modérément à la croissance. La zone Euro semblait en retard par rapport à la dynamique de l'économie globale évoquée en introduction.
Cette situation est peut être en train de changer. Les enquêtes de mars montrent que les commandes à l'exportation se sont accrues assez rapidement, notamment en Allemagne. Ces indicateurs de commande ont un profil très cohérent avec l'évolution des exportations (évolution sur 3 mois). Cela pourrait être le facteur d'impulsion qui manquait à la zone Euro, la source d'un changement de régime.
L'amélioration un peu plus rapide des exportations se traduirait alors par une hausse de l'activité. Cela pourrait donner un signal plus favorable sur l'investissement productif des entreprises. Quant à l'emploi, le signal issu des enquêtes montre que l'ajustement est en marche. La stabilisation se profile à l'horizon de quelques mois. On voit bien l'enjeu de la période actuelle. Les sources d'impulsion sur l'activité deviennent plus positives et pourrait permettre aux entreprises d'allonger leur horizon d'activité. Cela se traduirait par une reprise de l'investissement d'abord puis de l'emploi. Le cycle économique serait alors mieux calé et le consommateur européen finirait par en bénéficier. Cela prendra du temps mais les mécanismes se mettent en place. La croissance ne sera pas spectaculaire mais le profil d'activité aura moins d'incertitude.
L'économie de la zone Euro est en train de prendre le train de la reprise globale. L'accord sur la Grèce permet de réduire l'incertitude sur la zone et la baisse de l'euro lui redonne de la compétitivité. Ce schéma doit être confirmé mais les éléments qui se mettent en place peuvent suggérer un scénario enfin plus positif pour la zone Euro.