par Axelle Lacan, économiste au Crédit Agricole
En fin d’année 2009, la France a affiché un taux de croissance flatteur de 0,6 % t/t, grâce à une consommation des ménages très dynamique (+1 % t/t) et un moindre déstockage (contribution positive des stocks de +1 point).
Belle performance, certes, mais performance temporaire. Nous prévoyons un taux de croissance de 0,1 % t/t au premier trimestre 2010. La consommation privée devrait en effet stagner, les ménages ayant anticipé fin 2009 leurs achats d’automobiles, pour profiter de la prime à la casse dans sa totalité. L’investissement continuerait à peser sur la croissance mais moins lourdement (-0,4 % t/t), à en croire notamment la dernière enquête Insee dans l’industrie.
Les chefs d’entreprise devraient commencer à reconstituer leurs stocks (+0,2 % t/t). Enfin, le faible niveau des opinions des industriels sur leurs carnets de commandes étrangères suggère que les exportations peineront à soutenir l’activité (contribution des exportations nettes attendue à -0,2 % t/t).
Passé ce trimestre de « correction technique », nous prévoyons une croissance modeste du PIB, de l’ordre de 1,1 % en 2010 et 1,3 % en 2011. Taux de chômage élevé, assainissement des finances publiques et cycle de productivité atypique devraient brider la croissance française en cette sortie de crise.
Le taux de chômage, qui a atteint 9,6 % en France métropolitaine au quatrième trimestre 2009, est attendu en hausse jusqu’au troisième trimestre 2010 (pic à 10,1 %). Cette dégradation du marché du travail va peser sur les revenus d’activité. Ainsi, le revenu disponible brut nominal des ménages augmenterait peu (+2,2 % en 2010, puis +2,4 % en 2011). Le pouvoir d’achat ralentirait (+0,9 % en 2010 et +0,8 % en 2011), malgré une inflation en hausse mais toujours modeste (+1,3 % en g.a. en 2010 et +1,6 % en g.a. en 2011). La consommation privée devrait donc rester modérée (en moyenne, +1,2 % en 2010 et +1 % en 2011). En 2010, elle continuera à bénéficier des mesures de soutien liées à la crise (primes à la casse…). En revanche, l’objectif d’assainissement des finances publiques devrait légèrement peser sur la consommation des ménages début 2011 (arrêt des mesures d’aide gouvernementales et suppression annoncée de certaines niches fiscales). Il faudra attendre fin 2011 pour que la consommation privée renoue avec des rythmes de croissance trimestriels plus dynamiques, grâce à une baisse prévisible du taux d’épargne (en moyenne, 16,6 % en 2010 et 16,1 % en 2011), en lien avec le recul du chômage. Par ailleurs, en ligne avec des prévisions d’inflation modérée, les taux d’intérêt devraient rester accommodants en 2010, permettant la stabilisation de l’investissement résidentiel des ménages.
Si le programme de stabilité français ne devrait avoir qu’un impact limité sur la consommation privée, (il ne comporte en effet aucune annonce de hausse d’impôts), il en sera tout autrement sur la consommation publique, dont le freinage est attendu en 2011 (en moyenne, 0,5 % en 2011 contre 1,8 % en 2010). Un risque baissier entoure de plus notre prévision. La Commission européenne reste en effet sceptique face à ce plan d'assainissement des finances publiques. Les mesures annoncées pour réduire à 3 % le déficit à horizon 2013 semblent insuffisantes et assises sur des hypothèses de croissance trop optimistes (2,5 % à compter de 2011). Au vu de cette mise en garde de la Commission européenne, il est possible d’assister à un freinage plus marqué des dépenses publiques en 2011, voire à une légère hausse de la pression fiscale.
Face à ces perspectives peu allantes de la demande, les entreprises devraient faire le choix de reconstituer leurs gains de productivité. Ceux-ci ont chuté lourdement pendant la grande récession de 2008, en lien avec le faible ajustement de l’emploi. Ils pèsent aujourd’hui sur la dynamique de la reprise, en limitant par exemple la compétitivité française.
Les reconstituer devient donc une priorité. Pour y parvenir, l’investissement, notamment de productivité, devrait peu à peu se rétablir. La suppression de la taxe professionnelle, qui va contribuer au net redressement du taux de marge en 2010 (en moyenne, 31,9 % pour les sociétés non financières), devrait donner un coup de pouce à ce rétablissement. De plus, l’amélioration des profits des entreprises devrait se poursuivre. Le revenu disponible brut des sociétés non financières a en effet progressé de 18,3 % en 2009 et est attendu en hausse de 13 % en 2010. L’investissement des sociétés ne redeviendrait cependant un moteur de la croissance qu’en 2011 (-1,4 % en 2010 et 1,5 % en 2011). Les taux d’utilisation des capacités de production sont en effet ancrés à un bas niveau et les taux d’endettement des entreprises restent élevés.
Dans ce contexte économique de demande domestique bridée, le cycle des stocks devrait apporter un soutien opportun à la croissance en 2010 (+0,8 %). Nous pourrions également être surpris positivement par la contribution du commerce extérieur. Un risque haussier entoure en effet nos prévisions (-0,6 % en 2010 et 0 % en 2011). Certes, la concrétisation récente et prématurée des craintes sur les finances publiques, notamment dans les pays d’Europe du sud, justifie une certaine prudence quant aux exports. Mais la reprise vigoureuse des économies dans le reste du monde (en Chine par exemple) pourrait dynamiser le commerce extérieur de la France et donc son taux de croissance.
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