par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé chez Amplegest
Les 18 derniers mois ont profondément marqué les esprits et nos modes de vie, accélérant fortement les transformations et les mutations en cours (digitalisation de l’économie, télétravail, lieu de vie…). Aujourd’hui, alors que nous pouvons légitimement espérer une sortie progressive de la crise sanitaire dans le monde, se pose la question sur la réalité du monde d’aujourd’hui et de demain.
La pandémie planétaire a mis un couvercle sur toute une partie de nos vies. On voit, dans les pays qui ont déconfiné et réouvert leur économie, un puissant désir de consommation, de reconnexion sociale, de loisirs. L’argent distribué par les Etats et la hausse du taux d’épargne permettent d’assouvir rapidement ces besoins. Aux Etats-Unis, la consommation de biens est aujourd’hui nettement supérieure à ce qu’elle était avant la crise sanitaire. Le même engouement se produira sur les services, qui prendront le relais lorsqu’ils seront totalement accessibles.
L’Europe a du retard mais les tendances sont les mêmes. Nous sommes donc partis pour avoir des taux de croissance très forts au cours des prochains trimestres. Cette tendance est-elle durable ou n’est-ce qu’un effet de rattrapage qui s’essoufflera de lui-même ? En d’autres termes va-t-on vers des années folles ou le soufflet retombera-t-il ? Le paradoxe est que la première hypothèse serait sans doute perçue comme une mauvaise nouvelle, synonyme de surchauffe inflationniste.
La réponse à cette question dépend de différents paramètres. Le premier est la pérennité d’un tel besoin de consommation. Il est assez probable, qu’une fois l’effet de compensation passé avec les conséquences qu’il entraîne, les dépenses de consommation reviennent dans leur moyenne historique. Cela dépendra aussi de la volonté des ménages de maintenir tout ou partie de l’épargne de précaution gonflée par la crise récente.
Le deuxième paramètre est l’investissement des entreprises. Sur ce point nous pensons qu’il y a encore un gros potentiel de hausse avant qu’il ne se stabilise. Il est en effet vital pour les entreprises de moderniser leur appareil de production qui n’est plus capable de répondre à la demande actuelle. Les entreprises disposent du cash nécessaire pour ces investissements qui bénéficieront à la croissance mondiale au cours des prochains mois.
Enfin, dernier paramètre essentiel, la poursuite ou non des politiques budgétaires et monétaires ultra accommodantes. Si nous croyons au maintien durable des aides budgétaires, nous pensons en revanche que nous ne sommes pas loin d’une évolution progressive des politiques monétaires, à commencer par les Etats-Unis. On voit déjà que certains membres de la Réserve Fédérale font entendre leur petite musique, encore minoritaire, mais de plus en plus audible. Le point d’inflexion des politiques monétaires n’est plus une hypothèse lointaine et improbable.
Le débat fait rage actuellement chez les investisseurs entre les tenants de l’hypothèse de la surchauffe et ceux qui tablent sur un simple rattrapage provisoire. Ceci explique l’hésitation des marchés aux Etats-Unis et en Asie, qui réagissent diversement aux bonnes nouvelles économiques selon l’analyse qui en est faite. La récente publication des résultats des sociétés pour le premier trimestre 2021, pourtant d’excellente facture, n’a pas réellement bénéficié aux actions, jugées bien valorisées. De Même, la puissante rotation sectorielle observée surtout en Europe bénéficiant aux secteurs les plus impactés par la crise sanitaire, parait désormais largement jouée. Nous conservons donc le biais un peu plus prudent que nous avions adopté en début d’année et nous nous concentrons sur les valeurs de grande qualité.