par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
Très étrange ce communiqué du G20. Il semble être passé à côté des préoccupations des marchés.
Il y avait vendredi 4 et samedi 5 juin une réunion des ministres des finances et des banquiers centraux à Busan en Corée du sud. Dans le contexte d'aversion au risque qui caractérise actuellement les marchés financiers, on pouvait espérer un communiqué susceptible d'infléchir les anticipations des acteurs économiques et financiers.
Il n'en a rien été. Le rapport de force entre les marchés et les autorités n'a pas évolué en faveur de ces dernières.
Il y a quatre points marquants dans le premier paragraphe du communiqué qui porte sur la macroéconomie
- Il est fait référence à la reprise qui s'opère à des rythmes différents selon les régions
- Il est relevé que la volatilité des marchés indiquait que le chemin à parcourir pour retrouver l'équilibre était encore long, soulignant ainsi la nécessité d'une coopération internationale
- La politique économique a eu un rôle pivot dans le retournement de l'activité.
- Le point important maintenant est de rééquilibrer les finances publiques et sur ce point ceux qui ont démarré dès 2010 étaient dans le bon tempo.
Cela suggère trois remarques
- Le premier point valide la reprise rapide des pays émergents et notamment de l'Asie. Pour ces pays, le niveau de l'activité est actuellement bien au-delà du niveau d'avant crise. Les pays industrialisés, l'Europe notamment, sont encore très loin d'avoir parcouru ce chemin (…) Le PIB en Corée, à Taiwan et en Australie (au sein de la zone Asie) ont un PIB qui a progressé d'environ 3 % par rapport à la période d'avant crise (ici j'ai pris le 1er semestre 2008). Les pays industrialisés sont encore bien en dessous de ce niveau d'avant crise.
- * Sur cette différenciation de conjoncture, il n'est rien dit de plus dans le communiqué. Or c'est le phénomène majeur de cette reprise de l'activité puisque les pays industrialisés sont nettement en retard. Sur cet aspect, le G20 est trop discret car ce changement va conditionner les évolutions futures et les rapports entre les grandes zones géographiques.
- En avril dernier, le même G20 indiquait déjà le rôle majeur de la politique économique dans la reprise. Il s'engageait aussi à ce que ces politiques soient maintenues, tant que la situation économique serait perçue comme fragile. Les termes utilisés pour caractériser la conjoncture du début juin traduisent une réalité qui n'est qu'à peine plus robuste. Pourtant, le rééquilibrage des finances publiques est devenu une priorité. La politique économique doit devenir plus restrictive rapidement comme le souligne la référence positive aux pays engageant une consolidation budgétaire dès 2010. On observe cependant que ce sont les pays qui ont le niveau d'activité le plus bas, ceux qui sont encore en dessous du niveau du 1er semestre 2008, qui sont directement pénalisés par des finances publiques très déséquilibrées. C'est le changement de régime dans ces pays qui est salué par le G20. Attention cependant parce que l'on sait qu'aller trop vite aura très certainement un impact négatif sur l'activité.
- Dans la thématique de la volatilité il est indiqué que de nombreuses questions restent ouvertes. Pourquoi dans ce cas, y répondre simplement par une consolidation budgétaire rapide ? La dynamique globale semble effectivement un peu plus complexe et les nombreuses questions posées ne peuvent se limiter au déséquilibre des finances publiques même si ce point est très important.
- Au-delà de la volatilité des marchés rien n'est évoqué qui pourrait permettre de modifier la trajectoire des marchés en modifiant ou en infléchissant les anticipations.
Conclusion
Le G20 prend le contrepied de ce qu'il avait évoqué en avril, considérant que désormais la priorité était à la consolidation budgétaire et non plus la mise en place de stratégie de sortie visant à ajuster au mieux la politique économique et le cycle de l'activité. Cependant, si l'on comprend bien la nécessité de rééquilibrer les finances publiques, est il nécessaire de faire pression immédiatement sur des pays au sein desquels le taux de chômage continue de progresser ?
Le caractère paradoxal de cette orientation vient de la lettre adressée par Tim Geithner aux autres membres du G20. Dans celle-ci, le secrétaire d'Etat au Trésor américain faisait implicitement pression sur la Chine, le Japon et l'Allemagne pour que ces pays dérident davantage leur demande interne, leur demandant donc de faire davantage de relance sur leur marché intérieur.
Ces caractéristiques de la régulation macroéconomique via le rééquilibrage très rapide des finances publiques pèseront sur l'activité, obligeant à s'interroger sur l'empressement des membres du G20 à devenir très vertueux aussi rapidement. Est-ce pour plaire aux investisseurs ? Peut être mais au regard de la situation sur les marchés financiers ce message est sûrement insuffisant et certainement pas de nature à modifier spontanément les anticipations. Il suffit de voir la réactivité des marchés après un chiffre faible de l'emploi privé aux Etats-Unis pour se rendre compte de la perception de fragilité qu'ont les investisseurs de l'environnement des pays industrialisés. Etre plus restrictif très vite n'est donc pas forcément le bon message si l'on souhaite réduire l'aversion au risque.
Le G20 doit donner un cadre de réflexion en espérant que ce sera le cadre de réflexion retenu par les investisseurs. Ce G20 devait peser et infléchir les anticipations compte tenu de l'environnement délétère constaté sur les marchés. A la réunion de Busan, rien dans le communiqué final n'est indiqué sur le marché des changes ni plus généralement sur les marchés financiers alors que les investisseurs sont dans l'incertitude.
Dans le rapport de force qui existe nécessairement entre les marchés et les autorités, ces dernières n'ont pas marqué le bon point au cours de cette réunion coréenne. L'enterrement de la taxe globale sur les banques peut refléter les attentes différenciées des participants au G20.
Le rapport de force n'a pas, spontanément, été gagné par les autorités au cours du week-end. Le cadre macro- financier qui a été décrit est trop large et trop peu contraignant pour peser sur les comportements. Cette absence pourrait renforcer la volatilité des marchés.