par Charles Dautresme et Franz Wenzel, stratégistes chez Axa IM
Les actions mondiales ont légèrement baissé depuis le début de l’année mais les valeurs de la zone euro ont perdu environ 7%.
Dans cette note, nous examinerons la valorisation – en premier lieu les perspectives de bénéfices ainsi que la valorisation qui est évidemment une condition nécessaire, mais non suffisante pour évaluer les actions.
Alors que nous restons convaincus de la poursuite de l’expansion économique mondiale, la probabilité de voir une zone euro chancelante faire dérailler la reprise a significativement augmenté.
Euro faible = positif pour la croissance des bénéfices
Ironie du sort, toutes les mauvaises nouvelles en provenance de la zone euro n’en sont pas. En effet, une devise plus faible mais qui toutefois ne s’effondre pas signifie est habituellement synonyme de hausse des bénéfices.
Nous pensons depuis longtemps qu’une forte hausse des profits est à venir, grâce à la maîtrise des coûts ou plus récemment sous les auspices d’une reprise mondiale, dont la zone euro bénéficierait aussi. L’exposition au commerce extérieur est évidemment d’une importance cruciale pour la croissance de la zone euro mais joue un rôle encore plus grand pour les bénéfices des entreprises.
Selon les estimations de l’OCDE, une baisse du taux de change effectif (pondéré par le poids du commerce extérieur) de 10% de la monnaie unique augmenterait de 0,5 à 0,8% le PIB, avec le même impact sur l’inflation.
La part des profits générée à l’étranger est de l’ordre de 40% (avec toutefois un fort degré de dispersion selon les secteurs avec pour celui des matières premières 60% des profits générés hors de la zone euro), signalant qu’une dépréciation de 10% de l’euro pourrait induire une progression des bénéfices d’environ 4% supplémentaires. De plus, une croissance nominale plus forte ajouterait environ 5% à celle des bénéfices (qui clairement dépend des marges des entreprises et de leur endettement. Nous supposons ici un facteur de proportionnalité traditionnel de 3 pour 1 des profits par rapport au chiffre d’affaires). Au total, nous pensons que la dépréciation de 10% de l’euro devrait engendrer une hausse supplémentaire des profits de 5 à 10%.
Dans ce contexte, notre projection de croissance des bénéfices de 25 à 30% pour 2010 repose sur une base solide. De plus, ces chiffres sont comparables avec les résultats des précédentes reprises
Valorisation
La croissance des bénéfices reste forte, qu’en est-il de la valorisation ? Plutôt que de s’appuyer sur un critère unique, nous préférons en examiner plusieurs.
Examinons donc en premier lieu les valorisations sur la base des profits publiés. Elles restent certainement lourdement influencées par les fortes pertes de 2009.
Ainsi, les P/E publiés actuels sont significativement plus élevés (environ 16x) comparés au plus bas observé au début de 2009 (inférieurs à 10x). Toutefois, en regardant les rapports cours/actif net, nous constatons que la valorisation est bien plus attrayante à environ 1,5x l’actif net, comparé à un plus bas de 1, au plus fort de la crise.
Nous préférons utiliser un ratio de P/E avancé afin de remettre ces rapports dans un contexte de plus long terme étant donné notre estimation d’une forte progression des bénéfices en 2010 et 2011. Ce ratio de valorisation a chuté sur les six derniers mois (passant d’un P/E d’environ 13x pour les bénéfices à horizon d’un an, à 11x environ actuellement).
Que dire de ce multiple de 11 ? Premièrement, il faut admettre qu’il est encore bien plus élevé que le P/E observé au pire moment de la crise des subprime, quand les multiples s’échangeaient à 8x les bénéfices estimés. De telles valorisations n’avaient pas été enregistrées depuis le début des années 1990, si ce n’est même plus loin, au cours des années 1980. Aujourd’hui la situation est vraiment différente de la fin des années 80, quand les rendements obligataires étaient bien plus élevés (entre 8 et 9% pour le Bund 10 ans).
Un P/E avancé de 11x implique un rendement des bénéfices d’environ 9% et donc une prime de risque supérieure à 6% (compte tenu d’un taux long actuel inférieur à 3% sur le Bund). Nous qualifierons cette valorisation d’attrayante.
Cet élément de valorisation plus court terme est corroboré par le ratio PE/croissance des bénéfices (PEG), qui compare la croissance à plus long terme des bénéfices contre la valorisation actuelle (basée sur le P/E des résultats publiés). Non seulement le PEG s’établit à 0,8x mais il est bien en deçà de sa moyenne historique de 1,4. Ceci indique que les investisseurs doutent de la réalisation de ces taux de croissance attendus des bénéfices, qui s’établissent actuellement à environ 18% annualisés sur trois ans. Cela ne nous semble pas extrême, étant donné que l’essentiel de ce taux est attribuable au rebond des bénéfices de cette année.
A l’intérieur de la zone euro, quelques conclusions intéressantes ressortent de notre tableau de bord du PEG. D’abord, tous les pays étudiés s’échangent actuellement en dessous de leur PEG historique. De plus, certains pays semblent bon marché : la zone euro dans son ensemble, la France et l’Italie en particulier, qui s’échangent en dessous d’un écart type, suivi de l’Allemagne et du Portugal. A noter que la Grèce, malgré une importante sous-performance, n’est pas bon marché d’après ce ratio. Nous suggérons donc de penser aux pays qui s’échangent en dessous du seuil de l’écart type.
Comment se positionner quant à la croissance?
Dès la fin de l’année dernière, nous avons évoqué deux thématiques d’investissement majeures pour 2010 : premièrement, la nécessité d’être sélectif en ce qui concerne la croissance et, deuxièmement, les fusions et acquisitions. Si nous pensons que, dans le contexte de la crise actuelle, ces dernières seront probablement mises en veille, nous réitérons notre opinion concernant les stratégies de croissance. Dans ce contexte, nous avons suggéré de capturer la croissance des sociétés exposées aux marchés émergents et celles qui tireront profit d’une partie du mouvement d’appréciation du dollar (voir le Commentaire Hebdomadaire N°512 “Comment capturer la croissance ?”).
Le tableau ci-dessous présente les différentes stratégies suggérées fin avril. Nous restons convaincus que les sociétés exposées à la demande des entreprises américaines et/ou des marchés émergents restent les plus prometteuses. Elles devraient pouvoir davantage bénéficier de la situation économique actuelle – poursuite d’une forte croissance des marchés émergents et transition d’une politique favorisant la croissance aux Etats-Unis à une reprise à plus grande échelle relayée par les investissements. Par ailleurs, la dépréciation de l’euro apporte un soutien supplémentaire. Finalement, la valorisation de ces stratégies semble soit meilleur marché ou en ligne avec celle du marché européen.
Conclusions
A moins de perturbations de notre scénario économique, nous pensons que les actions de la zone euro présentent une valorisation attrayante.
Nous restons confiants quant à la reprise significative des bénéfices, facteur important de soutien pour les valorisations, actuellement à des niveaux assez intéressants, tant en termes de PE prévisionnel que de ratio PEG.
Certains pays qui ont été déclassés sont devenus plus attrayants, comme la France ou l’Italie.
Des stratégies orientées vers la croissance restent notre principal thème d’investissement pour le reste de l’année 2010.