par Charlotte de Montpellier, Senior Economist chez ING
L’inflation française a augmenté à 5.8%, mais l’augmentation cache une stabilisation de l’inflation des services et une baisses de l’inflation des produits manufacturés. L’inflation devrait continuer d’augmenter au cours du troisième trimestre, avant de diminuer graduellement au quatrième trimestre et en 2023.
5.8% en juin
En France, l’inflation des prix à la consommation s’est établie à 5.8% en juin, en hausse par rapport au 5.2% observé en mai. L’indice harmonisé, important pour la BCE, est désormais à 6.5%, contre 5.8% en mai. La hausse de l’inflation est encore une fois due aux prix de l’énergie (+33.1% sur un an et +5.3% sur un mois) et aux prix de l’alimentaire (+5.7% sur un an, +1.4% sur un mois). A côté de cela, les pressions inflationnistes semblent se stabiliser quelque peu. En effet, l’inflation des services est stable à 3.2% sur un mois, tandis que l’inflation des produits manufacturés est en baisse par rapport au mois de mai, s’établissant à 2.6% contre 3.0% le mois précédent.
Le pic d’inflation approche
Ces données sont probablement une des premières indications que l’on approche du pic d’inflation. Nous pensons que celui-ci devrait être atteint au cours du troisième trimestre, et que l’inflation commencera à diminuer dès le quatrième trimestre. En effet, même si les prix de l’énergie restent élevés, la contribution de l’énergie à l’inflation devrait se modérer dès le mois d’octobre, lorsque l’évolution des prix sera comparée à la période où les prix de l’énergie avaient déjà commencé à être plus élevé. Cette situation devrait perdurer tout l’hiver et au printemps 2023. Cette diminution de la contribution de l’énergie à l’inflationdevrait néanmoins être moins rapide en France que dans les autres pays européens, car les mesures gouvernementales (bouclier tarifaire, limitation de la hausse des prix de l’électricité, remise à la pompe) ont permis à la hausse des prix de l’énergie de 2021-2022 d’être beaucoup moins forte en France que dans les autres pays. L’INSEE estime que l’inflation aurait été entre 1.5 et 2.0 points plus élevée chaque mois si ces mesures n’avaient pas été mises en place. Cela signifie que la baisse de l’inflation sera plus progressive en France que dans les pays voisins. En outre, le profil d’inflation pour 2023 dépendra fortement de la continuité ou non des mesures de soutien aux ménages. Compte tenu de la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, ces mesures pourraient ne pas être prolongées, cequi conduira à une inflation plus importante en France qu’ailleurs en Europe en 2023.
Les prix de l’énergie ne sont pas la seule raison pour laquelle nous estimons que l’inflation diminuera graduellement à partir du quatrième trimestre. Les pressions inflationnistes globales devraient également se modérer en raison du fort ralentissement attendu de l’économie française. En effet, la demande des consommateurs est déjà loin d’être dynamique et semble vouée à l’être de moins en moins dans les prochains mois en raison de la perte de pouvoir d’achat lié à l’inflation et de la chute de la confiance. Certes, après la contraction de la consommation au premier trimestre 2022, un léger rebond est attendu pour le deuxième trimestre. On voit en effet que certains indicateurs se sont légèrement redressés, notamment les dépenses de consommation de biens en volume par les ménages, qui ont augmenté de 0.7% sur un moi en mai après 5 mois de baisse, selon les données publiées par l’INSEE aujourd’hui. Cette hausse est principalement due à l’habillement-textile (+15.1% sur le mois) et été causée par le temps particulièrement chaud en mai qui a conduit à des achats estivaux anticipés. Par rapport à mai 2021, la consommation de biens reste inférieure de 3.4%, ce qui s’explique principalement par la réorientation de la consommation
vers les services en 2022 à la suite de la levée des restrictions sanitaires. Mais c’est aussi le signe d’un ralentissement de la demande globale des consommateurs, dans la mesure où la consommation de biens est désormais 1.8% en-dessous de son niveau d’avant pandémie.
De façon globale, la quatrième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023 s’annoncent comme plus difficile pour l’activité économique et seront probablement synonymes de contraction du PIB. Le ralentissement de l’économie devrait conduire à une modération de l’inflation. Nous tablons sur une inflation proche des 6% à la fin de l’année et aux alentours de 3% pour la moyenne de 2023.
De façon intéressante, aussi bien l’indicateur du climat des affaires que les PMI font état de tensions toujours importantes sur les prix, mais ces tensions semblent se stabiliser (dans le secteur industriel) et sont même en légère baisse (dans le secteur des services). Face au ralentissement de la demande, les entreprises semblent donc envisager de moins augmenter leur prix dans les prochains mois. Cela vient confirmer notre prévision d’un pic d’inflation des prix à la consommation au cours de l’été, avant une diminution très progressive au cours du dernier trimestre de l’année, dans l’hypothèse où le contexte géopolitique permet aux prix de l’énergie de ne pas augmenter fortement. L’inflation devrait s’établir au-dessus de 5.5% sur l’ensemble de l’année 2022.