Chine : dégradation des perspectives de croissance

par Christine Peltier, Economiste chez BNP Paribas

L’activité s’est contractée en avril et mai 2022 en raison de sévères restrictions à la mobilité imposées dans des régions industrielles comme Shanghai. Depuis fin mai, ces restrictions sont progressivement levées, et l’activité a commencé à rebondir. Cependant, les risques baissiers restent élevés, et les autorités continuent d’assouplir les politiques budgétaire et monétaire. Alors que la demande de crédit ne se redresse que légèrement malgré la baisse des taux d’intérêt, l’environnement international et les risques de sorties de capitaux pourraient limiter la marge de manœuvre de la banque centrale.

L’activité économique s’est redressée depuis fin mai avec la levée pro- gressive des restrictions à la mobilité à Shanghai et dans l’ensemble du pays. La production industrielle a commencé à rebondir, grâce no- tamment à la reprise des exportations, tandis que l’activité dans les services s’est encore contractée en mai. les investissements ont quant à eux ré-accéléré, tirés par les projets d’infrastructures.

À court terme, la croissance devrait se raffermir, mais les risques bais- siers restent élevés. D’abord, la situation sanitaire demeure incertaine et les autorités devraient maintenir une stratégie zéro Covid jusqu’à fin 2022. Ensuite, la consommation privée va souffrir de la dégradation du marché du travail. Le taux de chômage a grimpé de 5,1% fin 2021 à 5,9% en mai 2022. Il est plus élevé encore dans les 31 grandes villes du pays (6,9% en mai). Plus inquiétant, le taux de chômage des 16-24 ans a atteint 18,4% en mai, un record.

Les effets négatifs de la hausse des prix à la consommation sur le pouvoir d’achat des ménages devraient en revanche être modérés. L’IPC n’a augmenté que de 2,1% en g.a. en avril et mai. L’inflation sous- jacente est faible (0,9%) en raison de l’atonie de la demande intérieure, tandis que la hausse des prix alimentaires et de l’énergie reste limitée en dépit des tensions au niveau mondial, du fait de la baisse continue des prix de la viande et des contrôles partiels des prix des céréales et de l’énergie.

Par ailleurs, la crise dans l’immobilier et la construction perdure (les transactions immobilières ont chuté de 24% en g.a. sur les cinq pre- miers mois de 2022), ce qui freine l’emploi, la consommation de biens durables et l’investissement. Des mesures ont été introduites pour en- courager les transactions, et les conditions de prêts hypothécaires et de financement à court terme des promoteurs immobiliers ont été lé- gèrement assouplies, mais les autorités gardent leurs objectifs de mo- dération des coûts du logement et de désendettement des promoteurs.

Enfin, les exportations ont rebondi en mai (+16,8% en g.a. contre 3,7% en avril) et devraient se renforcer à court terme grâce à la diminution des problèmes logistiques. Cependant, les exportations ne seront pas un moteur de croissance aussi puissant en 2022 qu’en 2021 compte tenu du ralentissement du commerce mondial.

Conséquence des risques baissiers sur la croissance, l’assouplissement du policy mix se poursuit. Sur le plan budgétaire, les mesures de sou- tien consistent essentiellement en de nouveaux investissements dans les infrastructures ainsi qu’en des aides aux entreprises, visant notam- ment à soutenir les PME et le secteur manufacturier (via des baisses d’impôts, des subventions ou le paiement différé des cotisations de sécurité sociale). La diminution des taxes à l’achat de voitures particu- lières, qui figurait dans le nouveau dispositif de mesures annoncé fin mai, est l’une des rares mesures visant à soutenir la consommation privée. Certaines provinces ont également procédé à des versements en espèces aux ménages, mais leur montant reste faible.

Les taux d’intérêt sur les prêts et les taux monétaires ont diminué de- puis le début de l’année, mais la marge de manœuvre de la banque centrale se réduit dans l’environnement international actuel et compte tenu des risques de sorties de capitaux.

Par ailleurs, les autorités ont largement recours à des instruments de politique de crédit tels que les quotas de prêts alloués aux banques et les programmes de prêts ciblés (visant à soutenir les PME, les zones rurales et les secteurs les plus fragilisés par la crise du Covid). Cepen- dant, l’efficacité de la politique monétaire et de crédit se heurte à la faiblesse de la demande de prêts. L’accélération de la croissance du crédit, de fait, reste limitée.