par Hélène Baudchon, économiste au Crédit Agricole
L’ensemble des retouches apportées au communiqué publié à l’issue du FOMC des 22 et 23 juin lui confère une tonalité dovish de circonstance : description un peu moins positive de la situation économique par rapport à la fin avril et mention explicite de l’orientation baissière de l’inflation sous-jacente. En revanche, la Fed n’a pas touché à l’essentiel, à savoir à ses taux et à sa formule consacrée « des taux exceptionnellement bas pour longtemps ».
Par rapport à l’agitation européenne, en particulier autour de la politique de la BCE, la tâche de la Fed semble presque facile. Dans le contexte économique et financier actuel, le maintien de sa formule consacrée « des taux ultra bas pour longtemps », à l’issue du FOMC de ces 22 et 23 juin, apparaît, effectivement, comme une évidence. Notons tout de même que Thomas Hoenig, le président de la Fed de Kansas City, a voté, pour la quatrième fois de suite, contre le maintien de cette terminologie, au motif que cela pourrait conduire à la formation de nouveaux excès et que cela fait peser des risques sur la stabilité économique et financière à long terme.
Souvenons-nous aussi que, lors du précédent FOMC des 27 et 28 avril, la modification de cette expression au profit d’un langage moins engageant était envisageable. Il est certain que, tôt ou tard, cette formule deviendra vraiment inappropriée. Mais ce moment n’est pas encore venu, tout simplement parce que les conditions économiques (niveau élevé du taux de chômage, inflation sous-jacente contenue, anticipations d’inflation ancrées, mais aussi faiblesse du crédit et prochaine restriction budgétaire) justifient effectivement et pleinement des Fed funds à un niveau exceptionnellement bas pour une période de temps prolongée. C’était vrai le 16 décembre 2008 lorsque cette formule a été introduite pour la première fois ; c’est encore vrai aujourd’hui malgré le temps passé. Il n’est pas inutile d’insister sur ce point : ce qui compte dans cette formule, ce n’est pas la référence au temps mais bien sa conditionnalité à la situation économique. Et compte tenu de nos propres prévisions de croissance et d’inflation, proches d’ailleurs de celles de la Fed, celle-ci ne devrait pas, d’après nous, toucher à ses taux avant le deuxième trimestre 2011.
Le retrait du paragraphe sur les mesures non standard de politique monétaire est logique, celles-ci ayant toutes expiré, mais il laisse un vide. Seule reste la phrase selon laquelle la Fed précise qu’elle va continuer de suivre de près les développements de la situation économique et financière et qu’elle emploiera, si nécessaire, les outils à sa disposition pour promouvoir reprise et stabilité des prix. Une formule bateau qui couvre tous les cas de figure, d’une dose supplémentaire de quantitative easing (qui n’est pas totalement improbable compte tenu du risque de contraction de M2) à l’activation, au contraire, de la stratégie de sortie et au drainage des liquidités.
Une prudence de circonstance
La description par la Fed de la situation économique en des termes un peu moins positifs aujourd’hui comparés à l’analyse faite fin avril va clairement dans le sens d’un statu quo sur les taux prolongé. Depuis le début de la reprise au milieu de l’année dernière, c’est même la première fois que la Fed n’ajoute pas une petite touche supplémentaire d’optimisme dans son communiqué.
Désormais, au lieu de continuer à se renforcer, la reprise ne fait que se poursuivre. Le marché du travail, qui commençait à se redresser, s’améliore progressivement.
La consommation des ménages n’accélère plus, elle augmente, toujours contrainte par le niveau élevé du chômage, la croissance modeste des revenus, la dévalorisation du patrimoine immobilier, l’accès restreint au crédit. L’augmentation de l’investissement des entreprises en équipements et logiciels reste significative, mais l’investissement en bâtiments faible et les entreprises réticentes à embaucher. Les mises en chantier restent à un niveau déprimé, la référence à leur redressement a disparu. Les conditions financières sont devenues moins favorables à la croissance (baisse des marchés actions, appréciation du dollar, remontée des taux interbancaires, écartement des spreads de crédit), le résultat pour l’essentiel des développements à l’étranger, une référence aux difficultés traversées par la zone euro. La contraction du crédit bancaire reste dûment mentionnée. Et la Fed conclut en mettant l’accent sur le caractère modéré de la reprise.
Autre changement important, côté prix cette fois : en plus de mentionner la baisse sur les derniers mois du prix de l’énergie et autres matières premières, elle prend enfin explicitement acte du ralentissement récent de l’inflation sous-jacente, pointant ce faisant, si on lit entre les lignes, peut-être un début d’inconfort quant au risque que l’inflation ne tombe trop bas. En tout cas, cela accroît encore la tonalité dovish du communiqué.
Au final, la Fed ne montre aucune précipitation à se diriger vers la sortie de sa politique monétaire ultra accommodante. Ce n’est pas une surprise. Et c’est une très bonne chose. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
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