par Clemente De Lucia et Eric Vergnaud, économistes chez BNP Paribas
- En dépit de l’arrivée à échéance de l’opération à 12 mois de juin 2009, la liquidité excédentaire dans l’Eurosytème reste supérieure à EUR130 milliards. En effet, La BCE a injecté, au moyen d’une LTRO à 3 mois, le 30 juin et d’une opération spéciale de réglage fin à 6 jours, le 1er juillet, EUR 243 milliards au total.
- Les taux courts devraient, dans ces conditions, rester bas, même si des tensions peuvent apparaître sur les échéances supérieures à 3 mois.
- Le programme de rachat par la BCE de titres de dette sur le marché secondaire n’est pas encore arrivé à son terme et compte tenu des tensions persistantes sur les marchés financiers, il sera probablement amplifié dans les prochains mois.
A la fin du mois de juin, les liquidités fournies par la BCE dans le cadre des opérations d’open market et du programme de rachat d’obligations sécurisées (covered bonds) étaient légèrement supérieures à EUR 940 milliards1, alors que les besoins de liquidités (facteurs autonomes plus réserves obligatoires) s’élevaient à légèrement plus de 600 EUR milliards, soit un excédent d’environ EUR 340 milliards.
Le 1er juillet, la première des trois opérations de refinancement à long terme (LTRO) à 12 mois effectuées par la BCE en 2009, arrivait à échéance. Il y a un an, la BCE avait alloué EUR 442 milliards de fonds, le montant le plus élevé accordé en une seule opération depuis la création de l’UEM. Cette forte demande était, cependant, due à deux facteurs : d’une part, il s’agissait là de la seule source de financement pour plusieurs institutions qui ne parvenaient pas à lever des fonds, tout au moins à un taux raisonnable, sur le marché ; d’autre part, c’était aussi le résultat d’un arbitrage car le 1er juillet 2009, l’Euribor 1 an s’établissait à 1,48 %, soit 48 pb au-dessus du taux d’intérêt de la LTRO à 12 mois.
L’Eurosystème avait alors besoin d’au moins EUR100 milliards pour ne pas être à court de liquidités. En fait, la BCE a injecté, au moyen d’une LTRO à 3 mois, le 30 juin et d’une opération spéciale de réglage fin à 6 jours le 1er juillet2 EUR 243 milliards en tout (EUR 132 milliards et EUR 111 milliards, respectivement). Dès lors, l’excédent de liquidité s’élève à présent à plus de 130 EUR milliards, ce qui devrait éviter toute tension marquée sur l’Eonia, à court terme.
Il faut garder à l’esprit que dans le cadre d’opérations de refinancement où toutes les demandes sont servies, ce sont bien les banques commerciales et non la BCE qui décident du montant de liquidité alloué. Dans ces conditions, la réduction de la liquidité excédentaire doit être interprété positivement, signe que le secteur bancaire dans son ensemble est moins dépendant de la liquidité banque centrale.
La BCE fournira des fonds illimités à taux fixe (1 %) lors de son opération principale de refinancement (MRO) et de sa LTRO à 3 mois, au moins jusqu’à la fin du troisième trimestre3. Le programme d’obligations sécurisées a été pleinement mis en œuvre, la BCE dépassant d’environ EUR 1 milliard l’objectif de EUR 60 milliards, fixé le 7 mai 2009. La BCE a l’intention de conserver les covered bonds rachetées jusqu’à l’échéance.
Pressions sur les taux d’intérêt à moyen terme
Les taux courts devraient, dans ces conditions, rester bas, même des tensions pourraient apparaître sur les échéances supérieures à 3 mois. Le spread OIS/BOR à terme à 3 mois a légèrement augmenté au cours des dernières semaines. Cependant, compte tenu de l’abondance des liquidités à court terme, il ne devrait guère s’élargir dans les prochains mois. En revanche, l’augmentation du spread swap-titres 2 ans a été plus sensible.
En effet, La BCE fournit désormais des liquidités à échéance maximale de 3 mois. De plus, les LTRO à 6 mois et à 12 mois arrivent progressivement à échéance, réduisant d’autant la duration des liquidités excédentaires restantes4.
La BCE souhaite renouer avec une situation « normale » dans laquelle les OPR d’échéance une semaine constituent le principal outil de pilotage des taux d'intérêt, de gestion de la liquidité du marché et de communication de l'orientation de sa politique monétaire, ce qui n'est plus le cas depuis le déclenchement de la crise financière. Le volume de liquidité injectée par l'intermédiaire des ORLT reste, en dépit de l’arrivée à échéance de l’opération à 12 mois de juin 2009, un peu plus important que celui provenant des OPR.
Les tensions sur le marché monétaire se concentrent principalement dans les pays périphériques de la zone euro
Dans l’ensemble, des tensions persistent sur le marché monétaire. Certes, la situation est bien différente de celle que nous avons connue après la faillite de Lehman Brothers, qui avait entraîné une quasi-paralysie du marché ; mais plusieurs banques ont néanmoins des difficultés à accéder au marché monétaire, d’où une forte demande de leur part lors des opérations de refinancement de la BCE
Les montants alloués dans le cadre des opérations MRO de ces dernières semaines s’établissent en moyenne autour de EUR 120 milliards. Cette semaine, ils ont atteint un point culminant à EUR 167 milliards, bien au-dessus du montant attribué dans le cadre de la même opération au début de l’année (EUR 60 milliards). Au cours des derniers mois, les banques espagnoles, grecques, irlandaises et portugaises ont accru sensiblement leur demande de liquidités. L’encours des liquidités fournies à ces banques est bien plus élevé qu’après l’effondrement de Lehman. A la fin du mois de mai, les liquidités accordées aux banques espagnoles, grecques, irlandaises et portugaises, par le biais des opérations d’open market, représentaient 44 % du montant total attribué par la BCE à toutes les contreparties de la zone euro, soit un niveau extrêmement élevé, étant donné que ces pays ne représentent que 16 % du PIB de la zone euro.
Le rachat de titres de dette va probablement se poursuivre
Le Programme de rachat par la BCE de titres de dette sur le marché secondaire n’est pas encore arrivé à son terme et compte tenu des tensions persistantes sur les marchés financiers, il sera probablement amplifié dans les prochains mois. Jusqu’à présent, la BCE a racheté 55 EUR milliards. Dans l’hypothèse où la BCE n’aurait acquis que des obligations d’Etat, cela représenterait environ 2,6 % de l’encours de la dette (hors bons du Trésor) des pays jugés les plus vulnérables comme l’Irlande, le Portugal, la Grèce, l’Espagne, voire l’Italie. Rappelons que la Fed a acheté 5% des Treasuries en circulation et la BoE 25% des Gilts.
Jusqu’à la semaine dernière, la BCE a réussi à stériliser entièrement les liquidités créées par le biais de ce programme en offrant des dépôts à terme à taux fixe à 1 semaine. Cette semaine, en revanche, la BCE n’y est pas parvenue, le montant des fonds stérilisés s’élevant à 31,9 EUR milliards seulement en raison des incertitudes créées par l’arrivée à échéance de la LTRO à 12 mois.
Les banques commerciales ont préféré détenir plus de liquidités dans le cas où les tensions sur le marché s’accentueraient sensiblement, au point de perturber son fonctionnement. La semaine prochaine, la BCE parviendra certainement à compenser toutes les liquidités créées par le biais de ce programme.
NOTES
- Hors la liquidité non (encore) stérilisée provenant des achats de titres de dette, environ EUR 23,1 milliards (55 milliards d’achats-31,9 milliards stérilisés le 30 juin).
- Dans les deux cas, tenders à taux fixe et avec attribution totale.
- Le 10 mai, la BCE a décidé de donner un coup d’arrêt à sa stratégie de sortie des mesures de prêt non conventionnelles en réintroduisant une LTRO à 6 mois, réalisée le 12 mai, et en exécutant deux LTRO à 3 mois, à taux fixe, avec allocation complète. Quelques semaines auparavant, la BCE était revenue au cadre opérationnel d’avant la crise pour la LTRO à 3 mois, menée par voie d’appel d’offres à taux variable. Le 10 juin, la BCE a décidé de maintenir les LTRO à 3 mois à taux fixe avec attribution complète jusqu’à la fin du troisième trimestre. Ces opérations sont prévues pour le 28 juillet, le 25 août et le 28 septembre.
- La 2ème LTRO à 12 mois et la LTRO à 6 mois arriveront à échéance le 30 septembre, entraînant une diminution des liquidités d’environ EUR 93 milliards. Le 11 novembre, ce sera le tour de la dernière LTRO à 6 mois, soit un nouveau repli des liquidités d’environ EUR 36 milliards. Le 17 décembre, la 3ème et dernière LTRO à 12 mois arrivera elle aussi à échéance, représentant une baisse des liquidités d’environ EUR 97 milliards.
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