Immobilier résidentiel aux Etats-Unis : une forte hétérogénéité entre les Etats

par Thomas Julien et Inna Mufteeva, économistes chez Natixis

  • Les derniers chiffres en provenance du marché immobilier confirment la fragilité de la reprise observée ces derniers mois. En effet, en ligne avec la fin du crédit d’impôt pour les primo accédants, à la fois les ventes de maisons neuves et les ventes de maisons existantes sont retournées en territoire négatif au mois de mai.
  • Derrière ce constat morose, se cache une situation hétérogène au sein des états. Tandis que la reprise se renforce dans une partie du pays, 5 à 10 états se trouvent toujours en difficulté (taux de chômage élevé, situation financière des ménages dégradée et taux important de saisies sur les biens immobiliers).

par Thomas Julien et Inna Mufteeva, économistes chez Natixis

  • Les derniers chiffres en provenance du marché immobilier confirment la fragilité de la reprise observée ces derniers mois. En effet, en ligne avec la fin du crédit d’impôt pour les primo accédants, à la fois les ventes de maisons neuves et les ventes de maisons existantes sont retournées en territoire négatif au mois de mai.
  • Derrière ce constat morose, se cache une situation hétérogène au sein des états. Tandis que la reprise se renforce dans une partie du pays, 5 à 10 états se trouvent toujours en difficulté (taux de chômage élevé, situation financière des ménages dégradée et taux important de saisies sur les biens immobiliers).
  • L’atonie du secteur de l’immobilier résidentiel nous semble de fait attribuable à ces états, dont l’offre reste excédentaire en raison du nombre de saisies toujours élevé et la demande toujours déprimée après la fin du programme de crédits d’impôt pour les primo-accédants. Au final, avec une nouvelle mesure de 1,5 Mds de $ destinée à soulager les ménages qui éprouvent des difficultés à payer leur crédit immobilier, la situation financière de ces derniers devrait se stabiliser, pour permettre une reprise lente et graduelle du secteur.

 

Après avoir sensiblement rebondi, largement soutenu par le crédit d’impôt pour les primo-accédants, l’immobilier résidentiel accuse un violent contre coup. En effet, les dernières nouvelles macroéconomiques en provenance de ce marché dressent un portrait morose de la situation dans ce secteur. Contre toute attente, les ventes de maisons existantes se sont retournées à la baisse en mai (demeurant toutefois à un niveau relativement élevé), alors que la mesures de soutien pour les primo-accédants est toujours présente (cette mesure prendra fin en juin pour les transactions finalisées, qui sont prises en compte dans les statistiques de ventes de maisons existantes). De même, les ventes de maisons neuves (pour qui la taxe a disparu en avril) ont plongé, enregistrant leur plus forte baisse (-32,7% M/M) depuis la création de l’indice en 1963.

Une forte hétérogénéité au sein des états

L’analyse de données agrégées, permettant d’établir ce constat de reprise fragile, masque une importante disparité des situations au sein des Etats. En effet, si on se penche sur les états les plus en difficultés, on est en mesure de dresser un panorama asymétrique du marché de l’immobilier. Ces 5 états sont : la Californie, la Floride, le Michigan, le Nevada, l’Arizona. Les 5 autres états également en difficultés mais dans une moindre mesure sont : la Caroline du Sud, la Caroline du Nord, l’Ohio, l’Oregon et Rhode Island.

Si on écarte tout d’abord le Michigan (Detroit) qui s’insère dans une problématique différente du reste du pays (ancien bassin industriel qui peine à restructurer son appareil productif), on observe que la formation de la bulle immobilière a été plus importante pour ces états.

Ces 5 états, représentent à eux 5 environ 24% du PIB des Etats-Unis (dont 13,1% pour la Californie). Ils subissent toujours d’importantes difficultés économiques et peinent à retrouver le chemin de la reprise. En effet, le taux de chômage reste nettement plus élevé que la moyenne nationale, voire continu sa progression pour certains états. De même, la situation financière des ménages reste dégradée.

En comparaison, d’autres états ont été moins affectés et leur situation économique s’améliore nettement.

Par ailleurs, la crise a généré un ajustement démographique qui pèse sur le niveau de la demande dans ces états. En effet, la Floride et le Nevada, deux états à fort taux d’immigration (interne) avant la crise se retrouvent avec un solde migratoire négatif en 2008-2009. De plus, la Californie et le Michigan, conservent la palme d’or en termes de départ de population.

Une reprise artificielle, orchestrée par les mesures de soutien

Afin d’aider les ménages en difficulté le gouvernement a lancé plusieurs programmes, qui ont soutenu le marché de l’immobilier courant 2009-début 2010.

Une partie de ces mesures visait à aider les ménages trop endettés (en difficulté pour assurer le paiement de leur dette hypothécaire) ou ceux dont la valeur du prêt dépassait d’une manière significative la valeur du bien immobilier acheté. Cette deuxième configuration crée un environnement propice à la formation d’un aléa moral. Ainsi, pour éviter une nouvelle vague de défauts stratégiques, Fannie Mae a décrété le 21 juin que les propriétaires immobiliers qui font défaut sur leur crédit seront inéligibles pendant 7 ans à l’obtention d’un prêt garanti.

De plus, afin de pallier ce type de difficulté, le gouvernement a imposé aux prêteurs un moratoire pour procéder aux saisies (via Fannie Mae et Freddie Mac) et en parallèle a introduit un programme de modification des conditions de crédits hypothécaire déjà alloués, afin de réduire le paiement mensuel des emprunteurs. Pour mettre en œuvre cette mesure, des modifications d’essai sont mises à l’épreuve et sont transformées en modification permanente si la période de test est concluante. Ces modifications test et permanentes sur les conditions de remboursement des prêts immobiliers, déjà effectués, ont coûté 3Md$ et ont assuré une réduction de plus de 500$ de paiements mensuels sur les prêts hypothécaires.

Le deuxième volet des programmes de soutien au marché immobilier consistait en un stimulus fiscal du côté de la demande de maison. Le crédit d’impôt pour les primo-accédant a joué le rôle le plus important. Le montant dépensé avant la dernière prolongation en novembre 2009 s’est élevé à 10Md$ pour 1,4 million américains participants. Le coût estimé de la prolongation était de 10,2Md$.

La meilleure tenue du marché immobilier depuis 2009 semble donc résulter d’un soutien significatif des mesures gouvernementales et notamment, du crédit d’impôt pour les acheteurs des maisons. Pour preuve, les mauvais chiffres du mois de mai coïncident avec la fin de cette mesure (de même que l’incertitude de la prolongation de cette mesure fin 2009 a provoqué un « trou d’air »). Même si les 5 états les plus en difficultés, ont captés à eux seuls 29% de cette mesure en 2009 (38% si on prend en compte les 10 états les plus touchés), les agents qui en ont bénéficié sont les ménages en bonne santé financière, c'est-à-dire capable de contracter un emprunt immobilier.

Malheureusement, la situation actuelle du marché reste liée à celle des ménages endettés dans ces états, qui est très dégradée. En effet, les taux de défaut sur les crédits hypothécaires y sont les plus élevés et augmentent encore. Au T1 2010, le taux de défaut des ménages en Californie et au Nevada avoisine encore les 25% contre 10% en moyenne pour le pays.

Par ailleurs, comme le montre le tableau dans l’annexe la plupart de mesures qui ont eu un impact significatif sur le marché sont arrivées à terme (moratoires sur les saisies, crédits d’impôt, achat des MBS par la Réserve Fédérale). De plus, la difficulté principale des programmes visant à modifier les prêts immobiliers (qui est toujours en vigueur) reste le passage de la période d’essai à une modification définitive. Selon les données de l’administration pour le mois de mars (makinghomeaffordable.gov), sur environ 1,17 millions de modifications « test » commencées, pour l’instant seulement 230K sont devenues permanentes (alors que 155K ont été annulés).

En conséquence, l’administration Obama a voté, le 23 juin, une mesure de soutien supplémentaire pour soutenir les états les plus touchés par les saisies (la Californie, la Floride, le Michigan, le Nevada, l’Arizona) – « Hardest Hit Fund ». Ce fonds est pourvu de 1,5 Mds $ et vise à assister les propriétaires en difficulté financière. Cette mesure résulte d’une étude approfondie de la situation des ménages qui éprouvent des difficultés à honorer leur crédit immobilier, elle semble bien adaptée pour répondre aux problèmes de fond du marché immobilier. Une seconde mesure de 600 millions de $ est attendue prochainement pour soutenir les 5 autres états (la Caroline du Sud, la Caroline du Nord, l’Ohio, l’Oregon et Rhode Island).

Conclusion

Au final, nous n’attendons pas de reprise marquée du marché immobilier américain dans les mois qui viennent. Au contraire, avec la fin de certaines mesures de soutien gouvernementales et la « lente » mise en œuvre des autres, la situation des ménages déjà endettés restera difficile. Cependant, une reprise modérée du marché du travail et en conséquence une hausse probable des salaires et des revenus plaident pour un redémarrage tempéré des ventes de maisons neuves, ce qui probablement entraînera un nouveau léger rebond de la construction. Il ne faut toutefois pas oublier que cette forte hétérogénéité régionale va persister : à court terme les états en difficulté vont très probablement subir une nouvelle baisse des prix immobiliers et une poursuite des saisies, alors que les états avec une croissance plus marquée enregistreront une reprise du marché immobilier relativement plus forte. Dans cette situation le rôle du gouvernement reste important. Les mesures introduites au cours de la crise ont déjà significativement soutenu le secteur, qui a même connu un rebond assez marqué fin 2009 et en mars-avril 2010, mais a replongé de nouveau avec la fin du crédit d’impôt pour les primo-accédants. La mesure supplémentaire annoncée par l’administration Obama devra aider à stabiliser le niveau des saisies dans les états les plus touchés par la crise immobilière, ce qui semble indispensable avant d’espérer une reprise continue du secteur.

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