Réduction des déficits publics en France : entre ambition et volontarisme

par Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole

  • Le gouvernement a présenté le 30 juin un rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques.
  • Ce rapport présente les principales mesures qui devraient être prises pour réduire les déficits publics en 2011-2013 et les ramener de 8 % du PIB en 2010 à 3 % en 2013. Un budget triennal 2011-2013 complet et détaillé sera présenté à l’automne.
  • Cette baisse de 5 points de PIB en trois ans des ratios de déficits est très ambitieuse. Elle serait permise à hauteur de 4 points par des mesures structurelles, et notamment un freinage très marqué des dépenses publiques, 0,6 % par an en volume en 2011-2013, contre une hausse moyenne de 2,2 % par an en 1998- 2008. Le reste, 1 point, serait obtenu par la conjoncture, avec une croissance prévue à 2,5 % par an en volume.

par Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole

  • Le gouvernement a présenté le 30 juin un rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques.
  • Ce rapport présente les principales mesures qui devraient être prises pour réduire les déficits publics en 2011-2013 et les ramener de 8 % du PIB en 2010 à 3 % en 2013. Un budget triennal 2011-2013 complet et détaillé sera présenté à l’automne.
  • Cette baisse de 5 points de PIB en trois ans des ratios de déficits est très ambitieuse. Elle serait permise à hauteur de 4 points par des mesures structurelles, et notamment un freinage très marqué des dépenses publiques, 0,6 % par an en volume en 2011-2013, contre une hausse moyenne de 2,2 % par an en 1998- 2008. Le reste, 1 point, serait obtenu par la conjoncture, avec une croissance prévue à 2,5 % par an en volume.
  • Ce scénario paraît clairement trop optimiste. Avec nos prévisions de retour très progressif de la croissance vers son rythme potentiel, le ratio déficit/PIB devrait atteindre 4,5 % en 2013. Des mesures supplémentaires seraient donc nécessaires afin de contrer ces effets de cycle et respecter l’objectif annoncé.

 

Le déficit public a finalement atteint 7,5 % du PIB en 2009. Ce déficit est un peu moins fort que prévu. Il était en effet estimé à 8,2 % dans le projet de budget 2010 (présenté en septembre 2009). Il reste toutefois considérable et s’explique par trois principaux facteurs. 

  • La forte baisse du PIB, -2,5 % en volume, qui a fortement affecté le solde conjoncturel. Ce dernier est la différence entre le déficit public et le déficit structurel et reflète l’impact du cycle conjoncturel sur les finances publiques. En approche simplifiée, il peut être évalué à 0,45*(PIB–PIB potentiel/PIB potentiel), i.e. 0,45 *output gap. L’output gap s’est dégradé de 4,2 points de PIB et le solde conjoncturel de 1,9 point de PIB.
  • Au-delà de cet effet cyclique, la « sur-réaction » des recettes à la dégradation de l’activité, avec une contraction marquée des recettes de TVA et surtout des impôts sur les sociétés (dont la sensibilité à la conjoncture est plus élevée que celle des autres impôts). L’impact de cette « sur-réaction » sur le déficit public est important, environ 1,2 point de PIB.
  • Enfin, les mesures de soutien à l’activité mises en œuvre pour amortir le creux cyclique : mesures de soutien à l’investissement, à la trésorerie des entreprises, aides à l’emploi, mesures ciblées en faveur de l’automobile (prime à la casse) et du bâtiment, réduction de la TVA dans la restauration. Ces mesures ont totalisé 38 milliards et ont affecté le solde structurel (solde qui serait atteint si le PIB était égal à son niveau potentiel) à hauteur de 1,1 point de PIB.

Ces trois facteurs cumulés ont conduit à une dégradation globale de 4,2 points de PIB du ratio déficit/PIB qui est ainsi passé de 3,3 % en 2008 à 7,5 % en 2009.

Déficit public prévu à 8,1 % en 2010

En 2010, le ratio de déficit public sur PIB se dégraderait encore, pour atteindre 8,1 %.

  • Le solde conjoncturel va continuer à se détériorer. La croissance, prévue à 1,1 %, reste inférieure à son rythme potentiel, estimé à 1,5 % en 2010. L’output gap va donc se creuser encore, de 0,4 %, et le solde conjoncturel va se dégrader de 0,2 % du PIB.
  • Le solde structurel devrait s’accroître légèrement, avec la poursuite de certaines mesures de relance et la hausse des dépenses publiques (progression en volume, hors plan de relance, de 2,2 %, après 2,8 % en 2009).

Si certaines mesures du plan de relance 2009 ne jouent plus en 2010, ce qui améliore le solde structurel, d’autres mesures ont été reconduites, au moins en partie : prime à la casse, exonérations de cotisations sociales dans les TPE, remboursement anticipé du crédit impôt recherche.

Surtout, la taxe professionnelle (TP) est supprimée et remplacée par une contribution économique territoriale assise pour une partie sur les bases foncières, et pour l’autre sur la valeur ajoutée, (plafonnée au total à 3 % de la valeur ajoutée).

Cette réforme représente pour les entreprises un allégement fiscal de 11,7 milliards dans le budget 2010 (et de 5,8 milliards par an en régime de croisière). Au total, le solde structurel serait accru de 0,4 point de PIB.

Objectif de retour à un déficit de 3 % du PIB en 2013

Le gouvernement s’est engagé à ramener le ratio de déficit à 3 % du PIB en 2013, une limite imposée par le Traité de Maastricht. Ceci suppose un effort très marqué de maîtrise des finances publiques pendant 3 ans, équivalent à 5 points de PIB, ou 95 milliards d’euros. Cet ajustement est un mal nécessaire. Les marchés restent très préoccupés par la soutenabilité des dettes publiques en Europe, et la France n’est pas à l’abri de voir la prime de risque sur ses emprunts souverains se tendre davantage ou de perdre sa note AAA, vu le poids de sa dette et la détérioration de ses finances publiques. Par ailleurs, la France était à ce jour le seul grand pays de la zone euro à ne pas avoir dévoilé les détails de son plan d’assainissement budgétaire. Ce rapport préparatoire constitue un point d’étape important et permet de mieux juger de sa crédibilité.

• Solde conjoncturel : nouvelle dégradation

La reprise française s’annonce molle. Nous tablons sur une croissance du PIB de 1,2 % en 2011, 1,6 % en 2012 et 1,8 % en 2013. Les mesures d’austérité budgétaire annoncées un peu partout vont peser sur la croissance de la plupart des pays européens, les principaux partenaires commerciaux de la France. Le maintien du taux de chômage à un niveau élevé et la réduction de certains avantages fiscaux (cf. plus loin) vont brider la reprise de la consommation. La hausse du PIB potentiel est estimée à 1,7 % en 2011 et 1,9 % par an en 2012-2013 (prévisions officielles du programme de stabilité 2010-2013, que nous reprenons). La prévision officielle de croissance en volume, 2,5 % en 2011 et au-delà, nous paraît clairement trop optimiste. Elle permet, dans le cadrage officiel, une réduction du déficit conjoncturel de 1 point de PIB sur trois ans.

Or d’après nos prévisions, la croissance ne retrouverait son rythme potentiel qu’en 2013, si bien que l’output gap (c’est à dire l’écart à cette tendance) va continuer à se dégrader et le solde conjoncturel, estimé à -2,1 % en 2009 et -2,3 % en 2010, atteindrait -2,7 % en 2013.

On ne peut donc pas compter a priori sur la conjoncture pour réduire les déficits, et ce contrairement à l’hypothèse retenue par le gouvernement.

• Solde structurel : forte réduction

Le cadrage officiel suppose une réduction très marquée du déficit structurel, -4 points de PIB en cumulé sur trois ans. Ceci, joint à la baisse du solde conjoncturel officiellement prévue (1 point de PIB), permet, dans la trajectoire pluriannuelle présentée par le gouvernement, de réduire le déficit public de 5 points de PIB, de 8 % en 2010 à 3 % en 2013.

Les principales pistes envisagées par le gouvernement sont les suivantes :

  • l’arrêt des mesures de relance et du surcoût temporaire (en 2010) de la réforme de la taxe professionnelle, qui amélioreront de 1 % environ le solde structurel en 2011 ;
  • une réduction des niches fiscales à hauteur de 10 milliards environ (baisse de 0,5 % du déficit) ;
  • les premiers effets de la réforme des retraites, qui permettraient de réduire de 0,5 % le déficit 2013 ;
  • un net freinage des dépenses publiques, à 0,6 % par an en volume entre 2011-2013 (contre une hausse de 2,2 % par an en moyenne en 1998-2008). Les dépenses de l’Etat seraient en hausse de 0 % en volume et plus précisément de 0 % en valeur hors charge de la dette et dépenses de pensions des fonctionnaires. Ceci sera notamment permis par une baisse de 10 % sur trois ans des dépenses de fonctionnement. Les dépenses d’assurance maladie ralentiraient de 3,7 % en 2009 à 2,8 % en 2012, et les concours financiers de l’Etat aux collectivités locales seraient stabilisés en valeur.

En matière d’économies, sont notamment évoquées de nouvelles réductions d’effectifs des fonctionnaires, une baisse du nombre d’emplois aidés et une diminution de certaines allocations (aides au logement) et exonérations de charges sociales (aide à domicile).

Nos commentaires

Le freinage à 0,6 % en volume des dépenses publiques (à comparer avec une croissance potentielle de 1,7% en 2011 et 1,9 % en 2012-2013) améliore le solde structurel d’environ 0,6 % par an et 1,8 % sur trois ans. En première approximation, le cumul des mesures envisagées permet donc bien une réduction de près de 4 % du déficit structurel en trois ans. On peut noter par ailleurs que les efforts d’économie envisagés sont substantiels mais moins sévères que dans d’autres pays : des mesures du type hausse de TVA ou baisse des salaires des fonctionnaires n’ont pas été retenues. Ceci permettra de limiter l’effet négatif de ces mesures sur la croissance.

Il reste que les hypothèses officielles de croissance sont trop optimistes. Avec nos hypothèses de croissance, les efforts de réduction prévus conduiraient à réduire le déficit de 8,1 % en 2010 à 4,5 % en 2013. Le respect de l’objectif de 3 % en 2013 supposerait donc la mise en place de mesures d’économie supplémentaires.

Sensible remontée de la dette publique

Le ratio dette publique/PIB, qui atteignait 67 % en 2008, s’est accru fortement en 2009, à 78,5 %. Il va atteindre 84,2 % en 2010 et continuera à progresser au cours des prochaines années, compte tenu du niveau élevé des déficits et de la faiblesse de la croissance.

Rappelons en effet que le « solde stabilisant », c'est-à-dire le solde public (rapporté au PIB) permettant de stabiliser le ratio dette publique/PIB, est donné par la formule :

Deficit (n) / PIB (n) = (g/1+g) * Dette(n-1) / PIB(n-1) où g est le taux de croissance du PIB en valeur.

En 2011, il faudrait un déficit public limité à 2,2 % du PIB, pour stabiliser le ratio de dette à son niveau de 2010. En 2012, ce déficit stabilisant serait de 2,8 %, et en 2013 de 3,1 %. Les déficits attendus étant nettement supérieurs à ces niveaux, le ratio de dette publique va donc remonter assez fortement.

Compte tenu de nos prévisions de déficits et de croissance, le ratio de dette publique augmentera à 88,7 % en 2011, 91,7 % en 2012 et 93,1 % en 2013.

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