par James Syme, Paul Wimborne, Ada Chan, Gérants chez Jo Hambro
Les marchés émergents tels que la Turquie et la Thaïlande continuent d’attirer l’attention des investisseurs, mais la prudence reste de mise en raison des incertitudes politiques. Les prochaines élections en mai 2023 vont jouer un rôle déterminant dans l’évaluation des perspectives de changement politique de ces pays, avec des implications majeures concernant les décisions d’investissement.
En Turquie, sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan, nous avons assisté à une détérioration de la démocratie, marquée par une concentration du pouvoir et une répression des médias. Sur le plan économique, la marge de manoeuvre du gouvernement s’est détériorée, entraînant une perte d’indépendance de la banque centrale et des changements fréquents de gouverneurs.
La politique économique imposée par Erdogan, qui considère à tort que des taux d’intérêt élevés entraînent l’inflation, a créé un environnement où les taux d’intérêt sont maintenus bien en dessous du niveau de l’inflation – les taux actuels sont de 8,5 % tandis que l’inflation CPI est de 43,7 %. Cette situation a conduit à une détérioration économique préoccupante, avec un déficit croissant du compte courant et l’épuisement des réserves de change. Les élections à venir offrent une lueur d’espoir pour un possible changement politique, avec la possibilité de restaurer l’indépendance de la banque centrale. Cependant, même dans ce scénario optimiste, des hausses drastiques des taux d’intérêt, une dévaluation de la monnaie et une profonde récession économique pourraient être inévitables.
La Thaïlande présente des similitudes avec la Turquie en termes de démocratie compromise, mais fait face à des problèmes économiques différents. Depuis le coup d’État militaire de 2006 qui a renversé le gouvernement de Thaksin Shinawatra, l’armée et ses alliés conservateurs ont exercé une influence considérable sur le système politique. Bien que les partis politiques affiliés à Shinawatra aient remporté toutes les élections depuis, les candidats de l’opposition doivent obtenir trois fois plus de sièges pour former un gouvernement.
L’armée et ses alliés ont également étendu leur emprise sur l’économie thaïlandaise, contrôlant des secteurs clés tels que les banques, les aéroports, les médias, les hôtels et limitant la concurrence. Cette situation a entravé la croissance économique, avec une baisse du tourisme et des investissements étrangers. Des secteurs tels que les télécommunications, la bière, la pétrochimie et le ciment sont dominés par des oligopoles, ce qui maintient des prix élevés et freine la croissance économique. De nombreuses grandes entreprises ont des liens étroits avec la monarchie, les forces armées ou leurs alliés.
Ces conditions politiques et économiques difficiles en Thaïlande et en Turquie ont eu un impact significatif sur leurs marchés financiers et leurs économies, créant un cercle vicieux entre la politique et l’économie. Ces situations spécifiques illustrent les risques et les opportunités inhérents à chaque pays, qui sont au cœur de notre approche d’investissement sur les marchés émergents. Cependant, l’incertitude persiste quant aux changements politiques à venir, et les nouveaux gouvernements devront relever de nombreux défis économiques. Pour l’instant, nous continuons de surveiller attentivement les opportunités en Thaïlande et en Turquie, mais nous n’envisageons pas encore d’investir dans l’un ou l’autre de ces pays.