par Arnaud Faller, Directeur Général Adjoint et Directeur des investissements de CPRAM
L’engouement est tel que certains en viennent à craindre un effet de bulle ou à prédire un rapide essoufflement de l’intérêt, et des investissements, dans le secteur. Or, l’IA a tout pour non seulement être une révolution technologique mais aussi être à l’origine d’un nouveau cycle d’innovation.
Des investissements concrets
En effet, au-delà des spéculations et des prévisions, les investissements dans l’IA sont bien concrets. Entre 2013 et 2022, les États-Unis ont déjà investi 248,9 milliards de dollars dans cette technologie, la Chine 95,1 milliards et la France 6,6 milliards1.
Autre exemple tout aussi tangible, on estime à plus de 250 le nombre de nouveaux data centers mis en service dans le monde au premier semestre 2024. Cette tendance devrait se poursuivre alors qu’une centaine d’autres sont en cours de construction2.
Les investissements dans les infrastructures de l’IA – centres de données, processeurs – sont non seulement la démonstration de l’intérêt des acteurs privés comme publics pour l’IA ; ils sont aussi l’assurance que ces technologies pourront se déployer dans les années à venir et être adoptées largement. Sans ces infrastructures, c’est toute la chaîne de valeur de l’IA – des facilitateurs comme les solutions de gestion de bases de données aux utilisateurs – qui risque le ralentissement.
Nouvelle rupture technologique
Les investissements dans les infrastructures vont devoir se poursuivre pour accompagner la montée en puissance de l’IA alors que se dessine une nouvelle rupture technologique majeure. Après les modèles conversationnels puis les modèles intégrant des capacités de mémoire et d’apprentissage, cette rupture promet de doter l’IA de capacités de raisonnement.
Voilà pour l’offre. Du côté de la demande, la marge de progression est tout aussi importante. Dans ce domaine, tout reste à faire ou presque, d’autant que les attentes et les besoins sont bien là – ne serait-ce que pour redynamiser la productivité en Europe, qui stagne à +0,6 % de croissance annuelle en moyenne sur la période 2008-2020 selon l’OCDE. L’IA pourrait justement constituer ce levier tant attendu pour retrouver des gains de productivité significatifs.
IA et données
On estime, en effet, que 400 millions de téraoctets de données sont créés chaque jour, soit près de 150 zettaoctets en 2024. Une tendance inscrite dans le temps car les estimations misent sur 180 zettaoctets de nouvelles données en 2025. Ces données n’ont pas toutes vocation à être analysées. Mais quand on parle des data générées par les entreprises, celles-ci ont une valeur « business » indéniable. Or, entre 60 % et 73 % d’entre elles ne sont jamais analysées3. Une étude du cabinet True Global Intelligence montre qu’une majorité des décideurs et métiers de l’IT estime que plus de la moitié des données de leur entreprise sont des « données inexploitées, non qualifiées ou inutilisées »4. La force de l’IA, qu’elle soit analytique, prédictive ou générative, est de pouvoir analyser et traiter ces data. Pour les entreprises, il s’agit d’un impératif stratégique pour rester compétitives et un moteur d’innovation pour se réinventer et répondre aux besoins changeants de leur marché. Ce potentiel reste toutefois encore loin d’être suffisamment exploité.
Adoption en cours
Plus que des secteurs en particulier, les solutions intégrant l’IA vont faire évoluer la manière dont les entreprises répondent à des enjeux communs. D’importants gains sont à prévoir en termes de productivité que ce soit de la demande, de risques, de R&D, etc. Ces solutions intégrant l’IA devraient aussi permettre d’améliorer la productivité grâce à une meilleure efficacité opérationnelle ainsi que grâce à l’automatisation. Ils ouvrent, par ailleurs, la voie à une plus grande personnalisation des services et des produits, à une fluidification des relations avec les clients ou à l’optimisation de la formation. Autant de domaines qui concernent toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité.
L’adoption de ces solutions est soutenue par une demande croissante de la part des utilisateurs. Une étude menée par Ipsos et le CESI École d’ingénieurs en février 2025 révèle ainsi que près de 9 Français sur 10 ont entendu parler de l’IA générative, et que 4 sur 10 l’utilisent, principalement dans un cadre privé. Cette adoption varie fortement selon l’âge : 74 % des 18-24 ans y ont recours, contre 55 % des 25-34 ans et seulement 17 % des 60-75 ans. Par ailleurs, une surutilisation notable est observée parmi les cadres supérieurs, avec 64 % d’entre eux qui exploitent ces outils. Là encore, nous sommes loin de l’effet de saturation et, selon une récente enquête de KPMG5, l’IA était une priorité d’investissement pour une large majorité de dirigeants d’entreprise.
Tous les fondamentaux sont aujourd’hui présents pour faire de l’IA une grande tendance de long terme : des technologies parvenues à un degré de maturité sans avoir épuisé leur potentiel de développement, des applications transverses, une forte volonté d’adoption, des investissements ambitieux mais nécessaires. L’IA est là pour durer et pour contribuer à une croissance solide et profitable pour tous.
NOTES
1. https://lehub.bpifrance.fr/les-chiffres-2023-2024-du-marche-de-lia-dans-le-monde/
2. https://www.oxfordeconomics.com/resource/the-rapid-rise-of-data-centre-construction-is-only-getting-started/
3. https://www.forrester.com/blogs/hadoop-is-datas-darling-for-a-reason/
4. https://www.itforbusiness.fr/seulement-14-des-entreprises-se-sentent-pretes-pour-la-prochaine-vague-de-donnees-40632
5. https://kpmg.com/fr/fr/insights/dirigeants/tendances-ia-intelligence-artificielle.html