par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
Les marchés financiers ont exprimé de nouveaux doutes quant à la capacité de certains pays à assumer leur endettement au cours des prochaines années. Ainsi l’écart des rendements à 10 ans du Bund allemand et de son homologue irlandais s’est-il littéralement envolé la semaine passée, atteignant un plus haut historique (449 points de base).
L’Irlande se retrouve à nouveau au centre des préoccupations, depuis l’annonce des dernières estimations relatives aux efforts de recapitalisation de son système bancaire, plus importantes que prévu. La recapitalisation totale de l’Anglo Irish s’élèverait à 34 milliards d’euros (dans le pire des cas), celle d’Allied Irish à 10,4 mds et celle d’Irish Nationwide à 5,4 mds. En conséquence, le déficit public total représenterait 32% du PIB en 2010 et la dette 99% du PIB. Hors sauvetage des banques, qui se monte à 20% du PIB, le gouvernement atteindrait, toutefois, son objectif et ramènerait le déficit public de 12,1% du PIB en 2009 à 11,9% cette année. A cet égard, les hypothèses économiques retenues par le gouvernement pour 2011 apparaissent encore trop optimistes, tablant sur une croissance nominale de 5% et une croissance réelle de 3%. Nous attendons donc leur révision à la baisse à l’occasion de la présentation du budget en novembre, ce qui impliquera pour le gouvernement de trouver des économies supplémentaires afin de respecter les objectifs de réduction du déficit qu’il s’est fixés (11% en 2011). Par ailleurs, la dégradation mercredi par Moody’s des notes des dettes senior et subordonnées de la banque Anglo Irish, respectivement à Baa3 et Caa1, laisse planer le doute sur une restructuration de la dette subordonnée de la banque.
L’Espagne avait, quant à elle, été jusqu’à présent épargnée par la tourmente. Toutefois, l’annonce de la dégradation par Moody’s de sa note souveraine (de Aaa à Aa1) a envoyé un signal négatif aux marchés. L’écart de rendement à 10 ans avec le Bund est remonté vers les niveaux qu’il avait atteints pendant la crise du printemps dernier. S&P et Fitch avaient déjà destitué le pays de la note maximale, respectivement en janvier et en mai 2010. La décision de Moody’s repose sur les faibles perspectives de croissance dans un contexte de finances publiques détériorées et de renchérissement du coût de la dette.
Elle intervient au moment où l’Espagne dévoile son budget 2011 jugé trop laxiste, car reposant sur des prévisions de croissance très optimistes (+1,3% en 2011 contre -0,3% pour BNPP). Toutefois, la ministre des Finances a déclaré être prête à prendre des mesures additionnelles dans le cas où la croissance serait décevante.
Enfin, en France, le rendement de l’OAT 10 ans s’est lui aussi légèrement tendu après la présentation des projets de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011. Ceux-ci devraient être débattus au Parlement dans les prochaines semaines. A cette occasion, le gouvernement a confirmé que le déficit des administrations publiques sera un peu moins important que prévu en 2010, à 7,7% du PIB, la reprise s'accompagnant jusqu'ici d'une progression plus dynamique qu’attendu de la masse salariale et donc des cotisations sociales. Trois éléments principaux devraient permettre de ramener le déficit autour de 6,0% du PIB l'an prochain : i) la fin des effets du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle, ii) la réduction des niches fiscales et sociales et la mise en place de nouveaux prélèvements d'un montant de près de 11 milliards d'euros, iii) le gel, en valeur, d'une grande partie des dépenses de l'Etat.
Au final, l'objectif pour 2011 paraît relativement crédible, malgré une hypothèse de croissance (2% en 2011) certainement trop favorable. D'autres mesures seront, toutefois, nécessaires dès l'an prochain s'il s'agit de ramener, comme l'annonce la loi de programmation pluriannuelle, le déficit à 4,6% du PIB en 2012 puis à 3% en 2013.
Les dettes gonflent, les politiques budgétaires se resserrent, et la Commission européenne annonce un plan de suivi de la discipline budgétaire au sein de la zone euro. Les propositions de la Commission élargissent son pouvoir de surveillance aux grands indicateurs macroéconomiques et renforcent le système de sanctions qui pourrait intervenir, automatiquement, en amont si le rythme de réduction de la dette publique n’est pas assez rapide. Toutefois, ces propositions ne font pas encore l’unanimité au sein de l’Union. La France, en particulier, proteste contre le trop grand automatisme d’un tel système, alors que les experts des 27 ne parviennent pas à s’accorder sur une définition commune de la dette publique.
Dans ce contexte, le renchérissement, la semaine dernière, de l’euro contre dollar (1,36 EUR/USD) paraît surprenant. Une explication à cela pourrait, toutefois, être les dernières données et enquêtes publiées, lesquelles font état de la bonne santé de l’Union dans son ensemble, même s’il existe des différences régionales. En particulier, la confiance a continué de progresser en septembre, selon l’enquête de la Commission européenne. L’indice du climat économique, ESI, est ressorti à 103,2, en hausse de 0,9 point par rapport au mois précédent. L’ESI se situe ainsi bien au-dessus de sa moyenne de long terme et est cohérent avec une poursuite de la reprise à un rythme relativement soutenu au troisième trimestre. Toutefois, le contexte mondial moins porteur couplé aux nécessaires efforts de consolidation budgétaire entrepris par la plupart des pays de la zone devrait peser sur la demande interne et conduire au ralentissement de l’activité dans la zone euro. La croissance du PIB serait de l’ordre de 1% dans la zone euro en 2011 après 1,7% cette année.