par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Annoncée par tous les sondages depuis plusieurs mois, la défaite des démocrates a été confirmée par les urnes le 2 novembre, reflétant l’incapacité de B. Obama à convaincre les américains de son aptitude à sortir le pays du marasme économique. Lors des élections de mi-mandat (« mid-term »), les républicains obtiennent la majorité à la chambre des représentants avec 239 sièges (sur les 435 renouvelés) et gagnent du terrain au Sénat (avec 46 sièges sur 100, 1/3 du Sénat a été renouvelé) sans toutefois obtenir la majorité.
Cette défaite électorale s’explique principalement par le mécontentement des américains concernant l’économie (« it’s the economy, stupid ! »), en particulier la persistance d’un taux de chômage élevé. Par ailleurs, B. Obama et les démocrates n’ont pas réussi à convaincre l’opinion du bien-fondé des réformes mises en place.
En effet, depuis son arrivée au pouvoir, B. Obama n’est pas resté dans l’immobilisme, menant plusieurs batailles de front. Tout d’abord, élu à peine deux mois après la faillite de Lehman Brothers qui a entraîné le monde dans la plus grave crise financière depuis les années 30, B. Obama s’est attelé à relancer la croissance économique en mettant en place un plan fiscal d’envergure (787Md$, soit 5,3% du PIB). La croissance est finalement repartie mais le taux de chômage peine à revenir sur une tendance baissière (9,6% en octobre) et la crise immobilière n’est pas résolue avec environ 20% des propriétaires ayant un prêt supérieur à la valeur de leur maison (« equity négatif »). Par ailleurs, B. Obama a mené à terme, avec beaucoup de difficultés, sa réforme de la santé (votée en mars 2010) visant à étendre la couverture maladie à tous les américains, l’un des principaux engagements de sa campagne électorale. Pourtant, nombre d’américains ne sont pas satisfaits de cette réforme. Enfin, après la débâcle financière, une réforme du système financier a également été votée en juillet dernier (Loi Dodd-Frank).
La nouvelle donne politique implique que les décisions ne pourront être prises que sur la base d’un compromis bipartisan ce qui suggère probablement l’absence de réforme d’envergure au cours des deux prochaines années. En effet, le vote des lois va être rendu difficile par le fait, d’une part du désaccord potentiel entre les deux chambres (la chambre des représentants à majorité républicaine et le Sénat à majorité démocrate), mais également par l’absence de majorité qualifiée au Sénat (il faudrait 60 sièges pour faire passer les lois). Enfin, le Président peut toujours mettre son veto. Le parallèle avec 1994, lorsque B. Clinton avait également perdu les élections mid-term au profit des républicains, ce qui n’avait pas empêché le passage d’importantes réformes, n’est pas si évident. En effet, à cette époque les républicains avaient gagné les deux chambres (représentants et Sénat) ce qui n’est pas le cas aujourd’hui créant une difficulté supplémentaire.
Il est assez clair que les chantiers en cours de B. Obama, notamment sur la mise en place d’une loi sur l’énergie (« cap and trade »), vont difficilement aboutir (dans leur forme préliminaire tout au moins) mais il risque fort également d’y avoir des modifications sur les réformes déjà votées par le précédent Parlement, notamment sur la santé et la régulation financière. Sur la loi Dodd-Frank en particulier, les républicains ont déjà annoncé qu’ils souhaitaient assouplir la réglementation. Par ailleurs, le sujet des agences (GSEs, Freddie Mac et Fannie Mae) est également un cheval de bataille des républicains avec leur souhait de les privatiser.
Sinon, les thèmes défendus par les républicains restent toujours les mêmes, avec la volonté de diminuer les impôts et les dépenses publiques avec pour objectif de réduire la part de l’Etat. L’émergence du Tea Party, aile extrême du parti républicain, pourrait également avoir des impacts sur la politique d’immigration.
Le nouveau Parlement prendra ses fonctions début janvier, il reste donc un peu plus d’un mois (« lame-duck session ») aux membres actuels pour voter les textes en cours mais les négociations entre Obama et les entrants commencent déjà, pesant inévitablement sur les décisions prises d’ici la fin de l’année. Le degré d’extension des baisses d’impôt mises en place par Bush en 2001/2003 est le principal sujet : il va falloir trouver un compromis entre la volonté des républicains de les rendre toutes permanentes et le souhait des démocrates de supprimer celles concernant les plus riches. Se profilent déjà des tractations pour trouver un accord bipartisan qui pérenniserait celles pour les classes moyennes mais n’étendrait que pour quelques années celles pour les riches…Enfin, il est peu probable que de nouvelles mesures de soutien budgétaire voient le jour en 2011.