par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
La reprise de l’économie américaine est solide. La deuxième estimation de la croissance du PIB du premier trimestre est ressortie à 3% en rythme trimestriel annualisé. Certes, la performance du T1 est en retrait par rapport à la forte progression de l’activité enregistrée au T4 2009, mais sa composition est de meilleure facture, car elle repose beaucoup moins sur les stocks que sur la demande intérieure. En effet, la contribution de celle-ci atteint 2 points contre 1,5 point le trimestre précédent, celle des stocks diminuant de façon marquée, passant de 3,8 points à 1,7 point. Ces tendances semblent devoir se maintenir dans les tout prochains trimestres. Ainsi, la hausse des profits, pour le cinquième trimestre consécutif, et la plus forte depuis 1984 (+5,5% t/t, +3,1% en ga.) est de bon augure tant pour l’investissement des entreprises que pour l’emploi.
D’ailleurs, les commandes de biens durables ont progressé vigoureusement au cours des derniers mois, même en excluant la composante transports très volatile (+22% 3m/3m en rythme annualisé). Par ailleurs, le redressement de l’emploi se poursuit, les créations de postes pourraient avoir été proches de 500k en mai, dont plus de 200k dans le seul secteur privé. La confiance des ménages, tout en demeurant à des niveaux encore bas au regard des évolutions historiques, s’est nettement améliorée au cours des derniers mois, et les ventes de détail ont augmenté en avril pour le septième mois consécutif. L’investissement en bâtiment des entreprises reste à la traîne, mais, à l’inverse, les dernières données concernant le secteur résidentiel (ventes comme prix) pour avril ont été plutôt positives, même si cela doit beaucoup au crédit d’impôt qui a été supprimé à la fin du mois d’avril précisément. Néanmoins, le ratio stocks sur ventes de maisons neuves est désormais revenu à cinq mois, tout près de son point bas historique. Un léger tassement de la croissance est probable au cours des prochains mois, comme devraient le signaler les enquêtes ISM pour mai publiées la semaine prochaine, mais le rythme resterait assez soutenu pour autoriser une progression du PIB d’environ 3% cette année (et probablement la suivante).
La croissance de la zone euro sera vraisemblablement inférieure à 1% cette année et d’environ 1 ¼% en 2011. Les enquêtes les plus récentes menées dans l’UEM commencent à témoigner de l’incidence des incertitudes au sujet des dettes souveraines de certains pays de la zone euro. Les mesures d’assainissement des finances publiques, pourtant décidées en vue de répondre à cette crise par la stabilisation en visant à stabiliser à terme les ratios de dette et à réduire les déficits, ajoutent actuellement aux incertitudes.
En effet, si elles sont indispensables, elles ne vont pas manquer de peser, au moins à court terme, sur une demande intérieure tout juste convalescente. Le 12 mai, le gouvernement espagnol a indiqué qu’il allait réduire le déficit de 11,2% du PIB en 2009 à 6% en 2011 (son objectif précédent était à 7,5% pour 2011) et ces mesures ont été approuvées cette semaine par le Parlement. Le 13 mai, c’était le gouvernement portugais qui avait décidé de nouvelles mesures pour réduire le déficit de 9,4% du PIB en 2009 à 4,6% en 2011, soit 2 pp sous son précédent objectif. Enfin, mercredi 26 mai, le gouvernement italien a présenté des mesures supplémentaires de 25 milliards d’euros (plus de 1,5% du PIB), quasi-exclusivement sous la forme de coupes dans les dépenses publiques) pour les deux exercices budgétaires à venir, qui devraient permettre de ramener le déficit sous 3% en 2012. Ces prévisions paraissent relativement crédibles, le déficit italien étant resté relativement sous contrôle pendant la crise, à 5,3 % du PIB, alors qu’il a atteint 11,2 % en Espagne, près de 14%% en Grèce et près de 8% en France.
Dans ces conditions, si les mesures exceptionnelles décidées par les autorités budgétaires et monétaires européennes (plan de soutien financier de EUR 750 mds par l’UE et t achats de titres de dette par la BCE) ont permis une pause dans la chute brutale de l’euro observée récemment, nous continuons de penser que le repli de la monnaie unique devrait se poursuivre. Compte tenu des perspectives comparées en matière de croissance économique entre les Etats-unis et l’UEM, il reste hautement probable que la Réserve fédérale commence à durcir sa politique monétaire avant la BCE. En outre, cette année comme l’année prochaine, les rendements des obligations à long terme aux Etats-Unis seront plus élevés qu’en Allemagne et en France. Dans un tel contexte, l’EUR/USD devrait assez rapidement passer sous 1,20. Ce mouvement est bienvenu pour les entreprises exportatrices de la zone euro. Selon nos calculs, une baisse de 10% du taux de change effectif réel de l’euro se traduit par un gain (toutes choses égales par ailleurs) de 0,4 point de PIB après un an.