par Céline Choulet et Laurent Quignon, économistes chez BNP Paribas
Si elles ne sont pas les premières touchées, les banques européennes ont été néanmoins sévèrement affectées par la crise financière qui sévit depuis l’été 2007. Les pertes et dépréciations d’actifs ont pesé sur leur solvabilité tandis que les tensions frappant le marché interbancaire, inédites par leur ampleur et leur durée, ont considérablement renchéri le coût des ressources.
Le souci d’éviter que le financement de l’économie réelle ne pâtisse d’une contrainte d’offre excessive, susceptible d’aggraver encore l’incidence de la crise financière, a donné lieu à une importante mobilisation gouvernementale. Dans le sillage du TARP américain et du plan britannique initiés en septembre et début octobre 2008, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la zone euro ont dessiné les grands contours des plans de soutien aux institutions financières lors du sommet extraordinaire qui s’est tenu à Paris, le 12 octobre 2008, selon deux volets.
Parallèlement à l’assouplissement temporaire des normes comptables, le volet solvabilité présente un caractère essentiellement préventif, alors que l’horizon conjoncturel s’assombrit. L’enjeu du volet liquidité, qui vient suppléer l’action de la Banque centrale euro-péenne, est plus immédiat. Il a vocation à faciliter le refinancement des établissements de crédit à court et moyen terme, principalement par l’octroi de garanties publiques effectives jusqu’au 31 décembre 2009.
Le volet solvabilité, un passage obligé
Les premières interventions gouvernementales visant à renforcer le capital des banques ont été dictées par l’urgence, comme le sauvetage du franco-belge Dexia le 1er octobre 2008. En revanche, les souscriptions d’actions ou de titres super subordonnés par les Etats ou des entités publiques ne s’adressent pas à des établissements confrontés à des difficultés aiguës de refinancement. Le renforcement de la solvabilité constitue néanmoins un passage obligé pour les établissements dès lors qu’il conditionne l’accès aux dispositifs nationaux en faveur de la liquidité. Son caractère préventif a pu justifier la vigilance de la Commission européenne quant à la compatibilité des soutiens publics apportés avec le droit communautaire de la concurrence.
A l’instar de la version originelle du plan Paulson – avant le revirement de novembre -, les rachats d’actifs décidés dans certains pays (Suisse, Allemagne) agissent sur le dénominateur du ratio de solvabilité, en permettant aux banques de diminuer la taille de leur bilan ou d’arbitrer en faveur d’actifs moins risqués. Le gouvernement espagnol en a, pour sa part, fait une solution unique, en proposant aux banques le rachat d’actifs sains à l’occasion d’appels d’offre(1).
Globalement, les mesures en faveur de la consolidation des fonds propres réglementaires pourront mobiliser jusqu’à 230 milliards d’euros en Europe dont environ 160 milliards dans trois pays : l’Allemagne (80 milliards), la France (21 milliards) et le Royaume-Uni (50 milliards de livres, soit environ 56 milliards d’euros). On peut estimer aujourd’hui les montants injectés, ou en passe de l’être à brève échéance, à 107 milliards d’euros.
Alors que le levier financier des grandes banques internationales connaissait une hausse spectaculaire depuis la fin du XIXème siècle(2), l’instauration, à la fin des années 1980, d’un ratio international de solvabilité sous l’égide du Comité de Bâle a mis un terme à cette tendance séculaire. La suspicion de contraintes affectant l’offre de crédit aux Etats-Unis et au Japon, inhérentes à ces nouvelles normes prudentielles, a conduit les économistes à accorder une plus large place au rôle du capital bancaire dans l’étude de la transmission de la politique monétaire. D’un point de vue conceptuel, la plupart des auteurs revisitent la théorie du canal strict du crédit en y incluant une contrainte sur le capital bancaire (Bernanke et Blinder (1988)(3), Bernanke et Gertler (1995)(4)). Lorsque les ratios de capital se rapprochent des seuils réglementaires ou de l’objectif de capital économique qu’elles se sont assignées, les banques tendent à atténuer la transmission des chocs de politique monétaire.Empiriquement, Honda, Kawahara et Kohara (1995)(5) ont mis en évidence la propension à réduire l’offre de prêts des établissements nippons présentant les ratios réglementaires les plus faibles. Woo (2003)(6) se distingue en imputant l’inefficacité de la politique monétaire japonaise durant l’année 1997, caractérisée par les pertes importantes essuyées par les banques commerciales, à la solvabilité insuffisante des banques plutôt qu’à l’hypothèse alors communément retenue de trappe à liquidité.
Afin d’éviter que la contrainte de solvabilité ne devienne contraignante, les gouvernements européens ont décidé de recapitaliser de manière préventive leurs systèmes bancaires ou de leur accorder des prêts sous forme de titres entrant dans le périmètre du capital réglementaire.
Le plan britannique a sans nul doute constitué le socle des discussions entre chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro au cours de la réunion du 12 octobre 2008. Pour autant, au-delà de l’objectif commun – renforcer la structure financière des principaux groupes bancaires -, les moyens diffèrent d’un pays à l’autre, tant selon la nature des titres souscrits que quant aux conditions appliquées aux établissements, au début et pendant la durée des dispositifs.
Le Trésor britannique, investisseur en dernier ressort
Annoncé le 8 octobre 2008 par le gouvernement, le plan britannique consiste en une recapitalisation conjointe des principales banques par l’Etat et le marché à hauteur de 50 milliards de livres. Dans un communiqué du 14 novembre, la FSA a précisé les exigences en capital auxquelles devaient préalablement satisfaire les banques pour participer au Special Liquidity Scheme. Les exigences ont été calibrées de sorte que, pour chaque établissement, les ratios Tier one et core Tier one ne reculent pas en deçà de respectivement 8% et 4% dans le cadre d’un scénario de stress. Les banques bénéficiaires du dispositif se sont engagées, d’une part, à ne pas verser de bonus en cash cette année et, d’autre part, à prêter aux particuliers et aux PME, “aux mêmes conditions et niveaux qu’en 2007”.
Une société holding, dont la création a été annoncée le 3 novembre par le Chancelier de l’Echiquier, aura la charge de la gestion des participations financières de l’Etat britannique dans RBS et le nouveau groupe issu du rapprochement entre LLoyds TSB et HBOS. Le Trésor britannique a souscrit aux augmentations de capital réservées de Royal Bank of Scotland, Halifax Bank of Scotland et LLoyds TSB sous forme d’actions de préférence rémunérées à 12% pour un montant global de 9 milliards (5 milliards par RBS, 3 milliards par HBOS et 1 milliard de livres par LLoyds TSB). Il a, en outre, garanti les émissions d’actions ordinaires de ces mêmes établissements à hauteur de 28 milliards. L’option de remboursement, subordonnée à l’autorisation de la Financial Services Authority, n’est exerçable qu’à l’issue d’un délai de cinq ans après l’émission(7). Par ailleurs, le versement de dividendes aux actionnaires ordinaires (dont le Trésor lui-même) est suspendu tant que le Trésor détient des actions de préférence.
L’échec de l’augmentation de capital de Royal Bank of Scotland a conduit le Trésor à souscrire, le 28 novembre, la quasi-totalité des 15 milliards de livres d’actions ordinaires nouvellement émises par la banque écossaise, portant sa participation totale au capital à 57,9%. Al’issue des augmentations de capital de Lloyds TSB et HBOS, approuvées par les actionnaires les 19 novembre et 12 décembre, le Trésor britannique pourrait être amené à injecter jusqu’à 13 milliards supplémentaires sous forme d’actions ordinaires, ce qui porterait à 37 milliards de livres les injections effectives de capital sur les 40 milliards initialement prévus.
Allemagne : un volet solvabilité ambitieux mais restrictif
Le plan allemand, voté par le parlement le 17 octobre 2008, prévoit d’allouer une enveloppe de 80 milliards d’euros à la recapitalisation des banques qui le souhaitent via une entité dédiée, le Finanzmarktstabilisierungsfonds (SoFFin).
Les conditions précises ont ensuite été fixées par décret afin de permettre un éventuel réajustement dans les meilleurs délais. Le gouvernement, a notamment, subordonné le bénéfice du plan (dans ses deux volets, solvabilité et liquidité) au plafonnement de la rémunération annuelle à un niveau “adapté”(8) et à la suppression de la partie variable pour les membres du comité exécutif ainsi qu’à la suspension du versement de dividendes pendant la durée du renflouement.
Pour l’heure, seules les banques régionales Bayern LB (3 milliards(9)) et West LB (moins de 5 milliards(10)), Hypo Real Estate, très fragilisée, et Commerzbank (18,2 milliards) ont sollicité le soutien du SoFFin. Cette dernière porterait ainsi transitoirement son ratio Tier one de 7,6% à 15,5% alors que l’intégration de Dresdner le ramènerait ensuite aux environs de 10%. Outre les fonds injectés par le SoFFin, Bayern LB a également bénéficié du soutien de ses actionnaires à hauteur de 7 milliards, ce qui porte à 10 milliards d’euros les injections de capital par la sphère publique dans la banque régionale. La Commission européenne a autorisé le plan de soutien révisé, prévoyant le relèvement du taux de rémunération des titres acquis par l’Etat et sa progressivité au cours du temps. Le taux servi varie selon le profil de risque de l’établissement et le type d’instrument de 7% (dette subordonnée) à 9,3% (titres présentant des caractéristiques comparables à celles d’actions ordinaires) pour les banques “fondamentalement saines”. En outre, la rémunération s’incrémente de 0,5% chaque année durant 5 ans, afin de créer une incitation au remboursement, à moins que l‘établissement bénéficiaire ne renonce à verser des dividendes aux actionnaires ordinaires.
Plusieurs banques allemandes se sont tournées exclusivement vers leurs actionnaires sans même solliciter le SoFFin. D’aucuns jugent les conditions fixées par le gouvernement dissuasives. Après avoir essuyé des pertes au troisième trimestre, Postbank, la première banque de détail du pays, a demandé à son principal actionnaire, Deutsche Post, de lui apporter 1 milliard d’euros de fonds propres. La Landesbank Baden-Württemberg (LBBW), première banque régionale allemande par ses actifs, a annoncé, le 21 novembre, une augmentation de capital de 5 milliards d’euros à l’intention de ses principaux actionnaires, le Land de Bade-Württemberg, les caisses d’épargne régionales et la ville de Stuttgart. HSH Nordbank étudie actuellement cette possibilité.
France : des objectifs chiffrés de croissance du crédit
Contrairement au schéma allemand, qui confie la gestion des deux volets à une structure unique, le plan français, annoncé le 13 octobre 2008 par le gouvernement et approuvé le 16 octobre par le parlement(11), s’appuie sur deux sociétés ad hoc, l’une dédiée au refinancement des établissements, l’autre au renforcement des fonds propres des établissements de crédit, qui bénéficient de la garantie de l’Etat dans le cadre de leurs emprunts à hauteur de 320 et 21 milliardsd’euros(12) respectivement. La Société Française de Financement de l’Economie (SFFE) a vocation à consentir des prêts à moyen et long terme aux établissements de crédit tandis que la Société de Prise de Participations de l’Etat (SPPE), entièrement détenue par ce dernier, a pour objet de leur apporter des fonds propres réglementaires aux établissements de crédit. Elle était déjà intervenue, en dehors du cadre du plan de soutien, en injectant un milliard d’euros au capital de Dexia, alors en difficulté.
Concrètement, 10,5 milliards d’euros ont été apportés à six établissements, leur permettant, selon nos calculs, d’accroître d’environ 6% leurs fonds propres réglementaires, qui satisfaisaient initialement aux exigences de la Commission bancaire, sous forme de quasi-fonds propres. Les montants injectés dans chacun des établissements accroissent les ratios de solvabilité individuels Tier one de 0,5%. Les titres souscrits sont des titres super subordonnés à durée indéterminée (TSSDI) assortis d’une option de remboursement exerçable au plus tôt cinq ans après l’émission. Pour chaque établissement, le taux de rémunération des titres est calculé comme la somme du taux OATà cinq ans et de cinq fois la moyenne de son CDS senior à cinq ans, entre le 1er janvier 2007 et le 30 août 2008 , à laquelle sont ajoutés 300 points de base supplémentaires(13), contre 200 points de base dans la version initiale rejetée par l’exécutif européen. L’application de la formule se traduit par un taux de rémunération de l’ordre de 8%, en moyenne, pour les six établissements. Le réaménagement de la formule et l’adjonction d’une incitation au rachat sous forme de prix de rachat croissant – de 101% de la valeur d’émission la deuxième année à 111% à partir de la sixième(14)- ont conduit la Commission européenne à valider le volet solvabilité du plan de soutien français le 8 décembre. Conformément à la réglementation prudentielle en vigueur (règlement CRBF 90-02, article 4-d), le remboursement n’est possible qu’à l’initiative de l’émetteur, après cinq ans, tandis que le rachat des titres est soumis à l’approbation du Secrétariat Général de la Commission Bancaire.
S’agissant de titres de dette, la politique de distribution des banques n’est pas contrainte. En revanche, les établissements ont signé une convention avec l’Etat, par laquelle ils s’obligent à accroître leurs encours de crédit entre 3% et 4% en 2009. Si l’objectif paraît de prime abord modeste au regard de l’évolution récente de l’encours du crédit au secteur privé (+8,2% en glissement annuel en novembre), il peut au contraire sembler volontariste au regard du tassement de la demande de financement attendu pour 2009, en liaison avec le recul de l’activité (-2,0% prévu pour le PIB réel) et le retournement à l’oeuvre du marché de l’immobilier.
Déclinaison du volet solvabilité dans les autres pays européens
Les Pays-Bas ont affecté le 12 octobre 2008 une enveloppe de 20 milliards d’euros à la recapitalisation des établissements de crédit. La moitié a été utilisée pour injecter des fonds au capital du bancassureur ING, qui n’en manifestait pas le besoin, sous forme de titres perpétuels éligibles au noyau dur des fonds propres.
Contrairement à celui d’une obligation, le coupon n’est pas déductible et son versement est subordonné à celui d’un dividende aux détenteurs d’actions ordinaires.
En Italie, le décret anti-crise adopté en Conseil des ministres le 28 novembre 2008 autorise le ministère de l’Economie et des Finances à souscrire des obligations émises par les banques jusqu’au 31 décembre 2009, convertibles en actions à la demande de l’émetteur, et entrant dans le périmètre des fonds propres réglementaires. Selon le ministre de l’Economie, Giulo Tremonti, le montant de l’intervention, susceptible d’intéresser les dix premières banques cotées, pourrait s’établir dans une fourchette comprise entre 10 et 12 milliards d’euros. Les banques concernées devront respecter des contraintes relatives à la rémunération des dirigeants et à l’évolution des encours de prêts aux particuliers et aux PME. Pour l’heure, aucune banque n’a encore manifesté son intérêt pour le dispositif. Unicredit a annoncé le renforcement de ses fonds propres de 6,6 milliards d’euros par appel au marché dont 3 milliards par émission d’actions ordinaires.
D’autres pays européens ont instauré des enveloppes destinées à apporter, à titre préventif, des titres entrant dans le périmètre des fonds propres réglementaires aux établissements de crédit. Parmi ceux-ci, l’Autriche (15 milliards d’euros), l’Irlande (10 milliards), la Grèce (5 milliards), le Portugal (4 milliards).
Dette ou fonds propres ?
Si les actions ordinaires constituent la catégorie la plus représentée, sous l’influence des augmentations de capital garanties – et souscrites – par le Trésor britannique, les injections de capital réglementaire ont revêtu, dans une plus large mesure, la forme de titres de capital hybrides qui associent des caractéristiques de dette et de capitaux propres. Même lorsque les caractéristiques de dette prévalent sous l’angle de l’analyse financière, les titres émis par les établissements de crédit présentent des qualités qui les rendent éligibles aux fonds propres réglementaires de base (Tier one).
Le Comité de Bâle a dégagé trois caractéristiques fondamentales(15) des capitaux propres Tier one : la capacité d’absorption des pertes éventuelles, la souplesse des paiements et leur caractère permanent. Reconnus à l’échelle du G10, ces trois critères de distinction n’ont toutefois jamais fait l’objet d’une directive européenne(16). En outre, afin de garantir la qualité des capitaux propres de base, la proportion de titres hybrides fait l’objet d’un plafonnement, mais celui-ci reste à la discrétion des régulateurs nationaux, même si un début de convergence est en cours.
Le Comité européen des superviseurs bancaires (CEBS) recommande que, pour être considérés en qualité de fonds propres, les titres hybrides soient remboursables au plus tôt cinq ans après leur émission (voire dix ans lorsqu’ils sont assortis d’une incitation au remboursement comme une hausse contractuelle du taux d’intérêt ou clause de step-up). Remboursables sur option de l’émetteur à 5 ans et 10 ans, les TSSDI français respectent ce critère. Autorisés en France par la loi du 1er août 2003(17), ces titres s’inspirent fortement des actions de préférence anglosaxonnes. L’émission de dette subordonnée améliore la situation des autres créanciers qui conservent leur rang de remboursement alors même que l’actif de l’émetteur augmente. Le caractère indéterminé de leur durée résulte de l’absence d’engagement contractuel de remboursement.
Ils ne sont toutefois pas dilutifs pour les actionnaires, et les intérêts d’emprunt sont fiscalement déductibles du résultat imposable, ce qui les distinguent des dividendes. La rémunération fixe durant les cinq premières années et l’absence de droit de vote(18) apparentent fortement les actions de préférence britanniques à des titres de créance. La recommandation du CEBS selon laquelle l’option de remboursement ne doit être exerçable avant cinq ans pour que le titre soit éligible au Tier one est certes formellement respectée dans les notices d’émission, mais le gouvernement offre la possibilité aux banques d’un remboursement anticipé dès 2009, afin de permettre de nouveau la distribution de dividendes aux actionnaires ordinaires.
Normes comptables : une option diversement accueillie Outre le renforcement préventif des fonds propres réglementaires, et dans la mouvance des assouplissements accordés aux banques américaines, les banques européennes bénéficient d’une atténuation au principe de comptabilisation en “fair value” qui devrait contribuer à limiter l’incidence des fluctuations de court terme des prix d’actifs sur les fonds propres bancaires.
Les cessions d’actifs opérées par les banques afin de limiter l’érosion de leur solvabilité contribuent à déprimer les prix de marché. Par ricochet, elles exercent une incidence négative sur la valorisation des portefeuilles de l’ensemble des autres banques détenant les mêmes types d’actifs, engendrant de la sorte une instabilité dynamique. Les banques japonaises en fournissent une bonne illustration. Pour tenir compte des importantes participations industrielles qu’elles détenaient dans les entreprises qu’elles finançaient, le régulateur national a étendu le périmètre des fonds propres complémentaires (Tier 2) aux plus-values latentes sur lesdits portefeuilles.
La chute de la Bourse, à partir du début des années 1990, a fragilisé les ratios de solvabilité apparents des banques japonaises, certaines d’entre elles voyant leur ratio enfoncer le plancher réglementaire de 8%.
Pour prévenir une telle spirale, la norme IAS 39 a fait l’objet d’un amendement et autorise, à compter du 1er juillet 2008 (comptes du troisième trimestre), de reclasser des actifs financiers (autres que les dérivés et actifs appartenant initialement à la catégorie “en juste valeur par résultat”) afin d’immuniser le compte de résultat contre l’évolution de leur valeur de marché. Les actifs ainsi reclassés sont comptabilisés à la valeur de marché qui prévaut au moment du reclassement, et les fluctuations de leur valeur n’ont plus d’incidence sur le compte de résultat, sauf lorsque les dispositions comptables prescrivent l’enregistrement d’une dépréciation(19). Cette possibilité, qui était déjà offerte aux banques américaines, est subordonnée à la conservation desdits actifs jusqu’à leur échéance.
En pratique, le recours à l’amendement a permis à plusieurs groupes bancaires européens de contenir leurs dépréciations d’actifs au troisième trimestre 2008. La banque allemande Commerzbank a ainsi reclassé 800 millions d’euros d’actifs, limitant ses dépréciations à 1,2 milliard au lieu de 2 milliards. Sa consoeur Deutsche Bank a utilisé l’assouplissement à hauteur de 845 millions d’euros. Le recours à l’amendement à la norme IAS 39 a procuré au groupe transalpin Unicredit une économie de 886 millions d’euros, lui permettant de conserver un résultat positif (+551 millions d’euros) au troisième trimestre. Les grandes banques françaises ont, pour leur part, renoncé à appliquer l’amendement au troisième trimestre 2008. Elles y ont globalement enregistré des dépréciations de 5,9 milliards de dollars contre 5,4 milliards au second trimestre.
Une solvabilité bancaire renforcée…
Les résultats dégagés par les grandes banques européennes au cours des neuf premiers mois de 2008 portent les stigmates de la crise financière. En dépit de la moindre génération interne de capital, la solvabilité bancaire s’est incontestablement améliorée, ainsi qu’en atteste l’évolution de la moyenne pondérée des ratios de solvabilité Tier one passée de 7,9% au 31 décembre 2007 à 8,3% au 30 juin 2008, puis à 8,7%(20) au 30 septembre 2008. Selon les calculs de la BCE, les actifs bancaires pondérés des grandes banques de la zone euro ont diminué de 6% au premier semestre 2008 après une hausse record de 22% en 2007. Cette évolution procède non seulement des arbitrages des banques en faveur d’actifs moins risqués, mais aussi de l’entrée en vigueur de Bâle II, dont l’incidence a toutefois été limitée en 2008 par un plancher réglementaire ou floor correspondant à 90% des actifs pondérés Bâle I(21).
Le ralentissement de la progression des actifs non pondérés au premier semestre 2008 (+3% après +13% en 2007) traduit tant les nouvelles orientations stratégiques que l’évolution des marchés et de la demande de financements : contraction des encours d’actifs risqués au profit d’actifs qui bénéficient d’un traitement prudentiel favorable. La progression des actifs bancaires est par ailleurs contrainte par le deleveraging du secteur non financier.
Les capitaux levés par les banques européennes ont constitué une autre source importante de consolidation de la solvabilité. Depuis l’éclatement de la crise, les grandes banques européennes ont levé 245,2 milliards d’euros de fonds propres réglementaires(22) alors qu’elles essuyaient dans le même temps 216,9 milliards de dépréciations et pertes. Le quatrième trimestre 2008 a concentré une part importante de ces opérations (105,5 milliards de capitaux levés) pour l’essentiel dans le cadre des plans de soutien gouvernementaux. Enfin, les banques européennes se distinguent de leurs homologues américaines par le fait que les injections de capital d’origine publique ou privée, ont compensé intégralement les pertes subies (les taux de couverture des secondes par les premières s’élevant à 113 % pour les banques européennes – y compris les banques britanniques- contre 81% pour les banques américaines). La règle n’est toutefois universelle ni pour les banques américaines, ni pour les banques européennes, et les situations individuelles demeurent extrêmement diverses.
… face à des risques croissants
Les résultats bancaires vont être soumis à rude épreuve au cours des prochains trimestres, et la proportion de grandes banques bénéficiaires pourrait s’amenuiser. La baisse vraisemblable des coûts de refinancement va certes soutenir les marges unitaires, mais les revenus d’intermédiation devraient pâtir de la baisse de la demande de financements, et les commissions, de moindres volumes d’opérations, en particulier dans les activités de banque d’investissement et de gestion d’actifs.
Mais, alors que l’essentiel des pertes et dépréciations relatives aux actifs à risques est désormais comptabilisé, la menace réside aujourd’hui principalement dans la hausse du coût du risque relatif au “banking book”, en relation avec la dégradation de la conjoncture, et le retournement des cycles de l’immobilier résidentiel et commercial dans plusieurs pays. Exprimé en proportion des actifs bancaires, le coût du risque qui s’était maintenu à des niveaux historiquement faibles en 2006 et 2007 (respectivement 0,09% et 0,11%) s’est sensiblement accru au premier semestre 2008 (0,17%, en moyenne, pour les grandes banques de la zone euro).
Dans le même temps, la proportion d’actifs détenus par les éta- blissements présentant un ratio supérieur à 0,2% (i.e. des actifs de moindre qualité) est passée, selon la BCE, de 0,17% en 2007 à 0,30% au premier semestre 2008.
La place occupée par les crédits au sein des bilans bancaires (environ la moitié des actifs) fournit la mesure de l’incidence de la hausse du risque de crédit au cours des prochains mois sur les comptes de résultat.
Le renforcement préventif de la solvabilité bancaire constitue une exigence préalable au bénéfice des dispositions visant à recréer artificiellement des conditions propices à la circulation de la liquidité bancaire par l’octroi de garanties publiques ou la mise en œuvre de canaux de financement complémentaires. Second volet : faciliter l’accès à la liquidité.
Le second volet des plans de soutien vise à améliorer l’accès des banques à la liquidité et à faciliter leur refinancement à court et moyen terme en accordant, temporairement, des garanties publiques à la dette bancaire ou en créant des canaux de liquidité supplémentaires. L’objectif ultime est de limiter la transmission de la crise financière à l’économie réelle au travers du canal du crédit.
Selon la théorie du canal du crédit (au sens étroit)(23), sous l’hypothèse d’une imparfaite substituabilité des prêts bancaires aux autres actifs financiers (à l’actif des banques et au passif des emprunteurs), suite à un choc exogène de politique monétaire (hausse du coût des emprunts interbancaires), les banques ajustent leurs portefeuilles d’actifs, réduisent leurs offres de prêts, et les agents non financiers leurs dépenses d’investissement ou de consommation.
Certes, dans le contexte actuel, les banques centrales ont largement assoupli leur politique monétaire, mais sans que cela n’apaise la crise de confiance et ne résorbe complètement les tensions sur les marchés des prêts interbancaires. En couvrant le risque de contrepartie, les dispositifs nationaux visent, précisément, à dégripper les marchés de dette et à lever les contraintes de refinancement pesant sur les banques.
Plans de soutien à la liquidité des banques : une fenêtre de refinancement s’ouvre S’il est difficile de dire à quelle échéance les plans européens d’aide au refinancement des banques permettront de restaurer pleinement la confiance entre établissements, ils sont, à tout le moins, d’une ampleur exceptionnelle : l’enveloppe potentiellement allouée, en Europe, s’élève à près de 2 200 milliards d’euros dont 1 200 milliards par les principaux pays européens (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni)(1 500 milliards, SLS et FAAF compris), soit 15% du PIB agrégé de ces cinq pays (18%).
L’architecture des plans de soutien à la liquidité
Les plans nationaux d’accès à la liquidité(24) des principaux pays européens s’appuient sur l’une, ou deux, des modalités suivantes : l’octroi d’une garantie d’Etat sur les nouvelles émissions de dettes bancaires (plans allemand, britannique, espagnol et italien), la création d’un véhicule de titrisation d’Etat émetteur de dette obligataire (la Société Française de Financement de l’Economie, SFFE), la mise en place d’un programme d’échange, de mise en pension ou d’achat d’actifs financiers de bonne qualité (le Special Liquidity Scheme, SLS, au Royaume-Uni, le Fonds d’Achat d’Actifs Financiers, FAAF, en Espagne). Que le plan prévoit une caution interbancaire ou une garantie de refinancement, la fenêtre de refinancement proposée aux établissements se limite aux court et moyen terme (la maturité des dettes émises et des créances échangées, prêtées ou rachetées ne doit pas excéder 3 à 5 ans selon les plans) et se fermera au 31 décembre 2009 (le 4 avril 2009 dans le cas du plan britannique).
La participation des établissements peut être assujettie à des conditions préalables (par exemple, des engagements en termes de ratios de solvabilité en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, cf. supra) ou s’appliquant durant le plan (par exemple, des engagements sur la croissance des encours de crédits à l’économie en Allemagne, en France et en Italie, sur la rémunération des dirigeants et sur les dividendes distribués en Allemagne)(25).
Les dispositifs visant à faciliter l’accès direct des établissements de crédit au marché (i.e. ceux inspirés du plan britannique de garanties des dettes bancaires) sont activés sur demande des établissements, sans calendrier précis d’émission tandis que la structure émettrice française, la SFFE, planifie ses appels futurs au marché(26). Quelle que soit la modalité retenue par les gouvernements nationaux, les établissements bancaires s’acquittent du coût d’émission des titres et d’une commission de garantie versée à l’Etat, qui dépend de leur qualité de signature(27). Eu égard aux primes de risque exigées actuellement par les investisseurs sur les marchés de crédit et aux coûts des commissions, les émissions de dettes garanties apparaissent, le plus souvent, avantageuses. A titre d’exemple, le 4 décembre 2008, le prix moyen du CDS(28) à 5 ans d’une quinzaine d’établissements européens, notés entre ‘AA-’ et ‘AAA’, excédait de 38 pb le coût moyen de la garantie. L’écart s’élevait à près de 100 pb pour un échantillon de 15 établissements ne bénéficiant pas d’un double ‘A’.
Emissions non garanties à long terme : un redémarrage timide
La comparaison des conditions d’émission des dettes bancaires garanties et des dettes non garanties, à la fin de 2008, témoigne de l’aversion au risque des investisseurs. Comme les plans n’offrent qu’une fenêtre de refinancement à court ou moyen terme, certains établissements ont, en effet, émis de la dette senior sans garantie à plus long terme. BNP Paribas a émis une dette senior à 5 ans le 8 décembre 2008 (1,5 milliard d’euros au taux mid-swap(29) + 160 pb), suivie par la Société Générale (500 millions d’euros au taux MS + 185 pb) et par Intesa Sanpaolo (1,25 milliard d’euros au taux MS + 195 pb).
Comme ces trois banques bénéficient de bonnes notations, ces opérations ont pu être réalisées à un coût proche de celui des émissions garanties des banques britanniques (taux MS + 165-190 pb) tandis que Crédit Suisse mettait à prix ses 850 millions d’euros d’obligations, d’échéance mai 2014, au taux MS + 270 pb. Le bouclage de ces émissions d’obligations bancaires non garanties ne témoigne, toutefois, que d’une reprise fragile des financements de marché. La capacité à émettre reste étroitement liée au profil de crédit de l’émetteur, de sorte que ces emprunts sans garantie de l’Etat devraient rester l’apanage des établissements bancaires les mieux notés. En France, les intérêts supportés par les deux grandes banques suggèrent qu’il serait coûteux pour les autres banques françaises moins bien notées d’émettre sans la garantie d’Etat : il faudra sans doute attendre que la SFFE émette à des spreads négatifs par rapport au mid-swap pour assister à de telles opérations.
La concurrence s’exacerbant entre titres bancaires garantis, les banques européennes pourraient être amenées à offrir des primes de plus en plus importantes(30). Adéfaut d’un dégel des marchés, le recours aux garanties d’Etat devrait, de surcroît, être privilégié en 2009, plus particulièrement par les banques ne bénéficiant pas d’une bonne qualité de signature et dont la dette arrivant à maturité à la fin 2009 est importante (cas des établissements allemands). Les banques britanniques pourraient également manifester un intérêt pour le dispositif, les importantes participations détenues par le Trésor britannique dans certaines d’entre elles étant susceptibles de créer une distorsion de concurrence dans l’accès à la liquidité.
Risque de liquidité : le pic est passé
A ce jour, le volant total des garanties émises ou prévues s’élève à près de 135 milliards d’euros (SFFE comprise) (certaines banques allemandes ont reçu l’aval du SoFFin, fonds de stabilisation des marchés financiers allemand, mais n’ont pas encore exercé leur droit d’émettre avec la garantie publique).
En 2009, à supposer qu’entre 200 à 300 milliards d’euros d’obligations de ce type soient placés, les plans refinanceront une part conséquente de la dette bancaire arrivant à maturité. Les contraintes de refinancement des établissements devraient dès lors se dissiper, à la faveur des plans et de la détente progressive des tensions interbancaires. Amoins d’un stress de marché d’ampleur comparable à celui créé par la faillite de Lehman Brothers – scénario peu probable étant donné l’ardeur déployée par les gouvernements – le risque d’une résurgence des tensions sur la liquidité, telles que celles observées en septembre 2008, peut être, à présent, écarté.
L’accès à la liquidité reste, toutefois, encore difficile sur certains marchés de capitaux. Les établissements qui présentent une plus forte dépendance aux marchés pour financer leurs emplois de bilan sont, de fait, les plus exposés(31). S’il n’est pas aisé à la lecture de la structure bilancielle(32) d’établir le degré d’exposition d’un établissement au marché, le ratio des prêts sur les dépôts de la clientèle non financière et la part des dettes interbancaires nettes dans la dette financière sont de bons indicateurs de la sensibilité relative du bilan à l’assèchement des liquidités. Acet égard, les établissements britanniques, espagnols et allemands semblent être moins bien lotis. Les grandes banques et building societies britanniques, dont les activités de marché ont fait du Royaume-Uni le premier marché européen de la titrisation de créances, comptent, ainsi, parmi les plus affectées par l’arrêt des émissions de créances titrisées sur les marchés primaires. En Espagne, où le dynamisme de la distribution de crédit a hissé le risque de liquidité moyen de l’ensemble des établissements de crédit à un niveau supérieur à la moyenne européenne (165% en septembre 2008), les banques commerciales et caisses d’épargne refinancent largement leurs portefeuilles de prêts hypothécaires sur les marchés de titrisation et des covered bonds. En Allemagne où, en raison d’un cycle du crédit atone, les taux de couverture des crédits par les dépôts sont plus confortables (108% en moyenne pour l’ensemble des établissements de crédit en septembre 2008, soit un risque de liquidité de 92%), les banques commerciales, établissements hypothécaires et Landesbanken pâtissent de la propagation de la crise de confiance aux marchés des covered bonds.
Un marché interbancaire congestionné, une liquidité bancaire thésaurisée Les dispositifs nationaux d’aide au secteur bancaire visent, en restaurant la confiance, à rétablir des conditions favorables à la circulation de la liquidité. Certes, l’annonce de ces programmes, les 8 et 13 octobre 2008, a coïncidé avec le début d’une détente régulière sur les taux des prêts interbancaires (l’Euribor et le Libor 3 mois ont perdu, respectivement, près de 280 et 400 points de base entre le 13 octobre 2008 et le 15 janvier 2009) que n’avaient pas permise, jusque là, les injections répétées de liquidité des autorités monétaires. Les tensions restent, néanmoins, assez vives. Ainsi, le coût de la liquidité à 3 mois, mesuré comme l’écart entre le taux interbancaire et le taux directeur anticipé (OIS, overnight interest swap), se situait encore à près de 105 pb sur le compartiment euro et 130 pb sur le compartiment sterling le 15 janvier 2009 (contre 5 pb avant la crise).
Cela suggère que l’accalmie sur les taux interbancaires n’est pas synonyme d’une normalisation mais traduit un report de la demande de liquidité bancaire du marché vers le guichet des banques centrales. L’exacerbation des tensions, au lendemain de la chute de Lehman Brothers, et l’assèchement de la liquidité interbancaire sur les échéances intermédiaires (1, 3 et 6 mois) ont, en effet, amené la BCE(33) et la BoE à prendre des mesures exceptionnelles afin de faciliter le financement à court terme des banques (baisses respectives de 225 pb et de 350 pb des taux directeurs entre octobre 2008 et janvier 2009, injections massives de liquidités à taux fixe, flexibilité accrue en termes de fréquence et d’échéance des opérations, élargissement du corridor des facilités standards, extension des gammes de collatéraux éligibles aux opérations repo(34)).
Incontestablement, la liquidité Banque centrale s’est en partie substituée à la liquidité de marché. Au sein de l’Eurosystème, l’afflux d’offre de liquidités à court terme et les anticipations de baisse des taux ont, en effet, créé un effet d’appel sans précédent. Après avoir enregistré un bond le 3 octobre 2008 à près de 25 milliards d’euros, l’encours des facilités de prêt marginal (fenêtre d’escompte d’échéance 24 heures) s’est replié au profit des opérations de refinancement.
Traduisant un besoin de liquidités exacerbé, l’encours des opérations principales de refinancement (d’échéance une semaine) est passé de 160 milliards d’euros, le 5 septembre 2008, à près de 217 milliards, le 9 janvier 2009, et celui des opérations à plus long terme (d’échéance 3 mois, portée exceptionnellement à 6 mois pour certaines lignes) de 300 milliards à plus de 610 milliards(35). Au total, les concours aux établissements de crédit de la zone euro liés aux opérations de politique monétaire s’élevaient à près de 830 milliards le 9 janvier contre 460 milliards, quatre mois plus tôt. Témoignant du peu de disposition des banques à se prêter entre elles, l’encours des facilités de dépôt, peu usitées avant l’éclatement de la crise, s’élève, depuis le 9 janvier, à plus de 300 milliards d’euros chaque jour(36). A compter de la fin janvier 2009, la BCE réélargira le corridor des facilités standards à 200 pb par rapport au taux des opérations principales (soit une baisse de 50 pb du taux de la facilité de dépôt et une hausse de 50 pb du taux de la facilité de prêt marginal). Si cela n’incitera pas forcément les établissements à faire circuler leur excédent de liquidités, cela devrait les dissuader à emprunter plus que nécessaire (en élevant de 50 pb l’écart entre le taux de la facilité de dépôt et le taux de refinancement).
Finalement, les comportements de thésaurisation suggèrent que l’élargissement des spreads entre taux des prêts interbancaires et prêts sans risque reflète non seulement une couverture contre le risque de défaut de l’emprunteur (mesuré par la prime du CDS) mais également contre le risque que le prêteur se trouve, luimême, à court de liquidité ou exposé à des rumeurs de défauts de paiement. Ce risque est d’autant plus grand que, outre la fin programmée des dispositifs nationaux et des initiatives exceptionnelles des banques centrales, la disponibilité d’actifs sous-jacents de bonne qualité acceptés sur les marchés des prêts interbancaires collatéralisés (opérations repoentre établissements) se tarit et que la qualité de ces actifs suscite des interrogations.
Titrisation de créances et émission d’obligations collatéralisées : deux leviers de refinancement en panne Les tensions se sont diffusées aux échéances plus longues ainsi qu’en attestent les indices Itraxx Financial en Europe et les primes sur les CDS à 5 ans (ou plus) des banques européennes. Or, les marchés de refinancement à moyen-long terme, à ce stade quasi gelés, ne sont pas à l’abri de nouvelles secousses (le débouclage des positions des hedge funds sur les produits structurés tels que les CDO pourrait, notamment, générer d’importants flux vendeurs sur des marchés déjà peu liquides). Si l’élargissement de la gamme des collatéraux éligibles aux opérations de refinancement des banques centrales(37) et les programmes d’échange, de mise en pension ou de rachat des actifs titrisés, par les fonds spécialement créés à cet effet au Royaume-Uni (SLS) et en Espagne (FAAF), n’offrent que des substituts temporaires au marché de titrisation de créances(38), la garantie implicite donnée aux Pfandbriefe allemandes, devrait, en revanche, permettre une réouverture progressive du marché des covered bonds(39).
Rétention des créances titrisées au bilan des émetteurs
L’incapacité temporaire des établissements à lever des fonds par le biais de nouvelles émissions de titres adossés à des sous-jacents immobiliers (les RMBS et CMBS représentaient 67% des nouvelles émissions de titres européens en 2007) est particulièrement contraignante au Royaume-Uni et en Espagne. Les établissements britanniques et espagnols sont, en effet, les deux premiers émetteurs sur le marché européen de la titrisation, important levier de refinancement de leurs portefeuilles de prêts hypothécaires (près d’un tiers).
D’après les statistiques de l’European Securitisation Forum(ESF), après s’être raréfiées pendant trois trimestres successifs, les nouvelles émissions de créances titrisées, aux deuxième et troisième trimestres 2008, se sont élevées, sur le marché européen, à des niveaux comparables à ceux d’avant crise. Les contraintes de refinancement des établissements bancaires ne s’en sont pas pour autant desserrées.
D’abord, les flux d’émission de titres se sont contractés dès le troisième trimestre 2008 (134,1 milliards d’euros contre 169,6 milliards au deuxième trimestre) et ont été à peu près équivalents à l’encours des titres à maturité, de sorte que l’encours est resté quasi constant entre les deux trimestres (1 487,5 milliards d’euros contre 1 426,9 milliards). Ensuite, une large majorité des actifs titrisés a été “conservée” par les établissements émetteurs à des fins de refinancement auprès des banques centrales (les ABS et MBS de bonne qualité étant des collatéraux éligibles aux opérations de refinancement)(40). Enfin, les besoins en liquidités des établissements ont été d’autant plus significatifs qu’à l’assèchement du marché de la titrisation de créances s’est ajoutée la paralysie du marché des papiers commerciaux émis par les véhicules de titrisation, qui a contraint certains établissements bancaires à se porter acquéreurs des papiers émis par les SIV et conduits(41) à court de liquidités (en Europe, les émissions d’ABCPaccusaient un recul de 33% sur les neuf premiers mois de 2008 par rapport aux neuf premiers mois de 2007)(42).
La progression des flux d’émission des véhicules de titrisation espagnols en 2007 (+46,3% entre 2006 et 2007), alors que le marché se grippait sur la deuxième moitié de l’année, fournit une illustration du processus de transformation d’actifs illiquides en titres éligibles aux opérations repo(43). D’une part, sur un encours total de 331,2 milliards d’euros d’actifs titrisés, près de 107,2 milliards étaient détenus par des établissements de crédit résidents, portant la part des actifs titrisés “conservés” à 32,4% (contre 21,4% en 2006). D’autre part, pour la première fois en 2007, des prêts interbancaires ont été titrisés pour un encours total de 10,5 milliards d’euros. Les banques commerciales, prêteuses nettes sur le marché des prêts interbancaires, ont sans doute été les principales initiatrices de ces titrisations(44).
Les fonds spéciaux créés au Royaume-Uni (SLS) et en Espagne (FAAF) devraient contribuer à transformer progressivement le levier de refinancement à moyen-long terme que constitue la titrisation en vecteur de liquidités à court terme. Au-delà de 2009, il est difficile de prédire l’évolution des marchés de titrisation. D’une part, ces programmes nationaux ne se substitueront que temporairement ou occasionnellement aux investisseurs.
D’autre part, avec le retournement des marchés immobiliers, l’épuisement du sous-jacent – la production nouvelle de prêts à l’habitat se contractant – et la hausse du risque de crédit(45) devraient se confirmer. L’érosion de la valeur des biens immobiliers, en élevant le ratio du capital restant dû à la valeur de l’actif, et le freinage brutal des transactions, en multipliant les défaillances des professionnels de l’immobilier (agences, constructeurs, …), devraient, en outre, réduire le taux de récupération des créances douteuses et élever le coût du risque(46) des établissements de crédit concernés.
Une propagation de la crise de confiance aux marchés réputés “sûrs” des covered bonds
Si les Covered bonds britanniques et les Cédulas hipotecarias espagnoles ont été discriminés dès le début de la crise financière – en ligne avec l’élévation du risque associé aux actifs hypothécaires sous-jacents -, la défiance à l’égard des dettes bancaires, qui s’est intensifiée à l’automne 2008 au lendemain de la faillite de Lehman Brothers et du sauvetage d’Hypo Real Estate(47)(deuxième acteur du marché des Pfandbriefe allemandes avec 10% des émissions), s’est propagée aux Obligations foncières françaises et Pfandbriefe allemandes, réputées “sûres”, entraînant la fermeture du marché européen Jumbo(48) des obligations collatéralisées. Certes, l’annonce des plans de garanties(49), en couvrant le risque de défaillance des établissements, a permis d’atténuer les tensions, mais les primes de risque restent historiquement élevées(50).
Or, l’assèchement partiel du marché des Pfandbriefe est particulièrement pénalisant pour les établissements hypothécaires et Landesbanken allemands, qui refinancent une proportion importante de leur bilan sur ce marché (par exemple, près de 20% du bilan de Commerzbank, à travers sa filiale de crédit hypothécaire Eurohypo ; 18% pour la LBBW). Dans le cadre du plan allemand, le marché des Pfandbriefe ne bénéficie pas d’une garantie explicite de l’Etat. Celui-ci s’est, toutefois, engagé à prendre les mesures nécessaires afin de le sécuriser au cas où son fonctionnement venait à être sérieusement perturbé.
A supposer que les plans permettent une meilleure circulation de la liquidité de marché, avec cette garantie implicite, et compte tenu de la qualité des actifs adossés aux obligations allemandes (au deuxième trimestre 2008, 75% de l’encours était adossé à des prêts aux collectivités locales, 85% des émissions hypothécaires étaient adossées à des prêts à l’immobilier local, sans risque), le marché des Pfandbriefe devrait être le premier à réouvrir. Deux éléments pourraient contrarier cette reprise sans pour autant l’empêcher. D’abord, le collatéral servant aux émissions de Pfandbriefe adossés à un collatéral public tend à se contracter depuis 2005 avec l’arrivée à échéance progressive des émissions d’emprunts bénéficiant des anciennes cautions publiques(51). La probable éligibilité des dettes bancaires, émises avec la garantie du SoFFin, à la gamme des collatéraux servant aux émissions de Pfandbriefepubliques pourrait, néanmoins, limiter ce mouvement. Ensuite, le retournement des cycles immobiliers devrait dégrader la qualité d’une partie du collatéral servant aux émissions de Pfandbriefe hypothécaires (au deuxième trimestre 2008, 15% des actifs sous-jacents à ces émissions étaient des prêts à l’immobilier hors Allemagne, dont 67% des prêts à l’immobilier commercial). Pour la même raison, les agences de notation pourraient renforcer leurs exigences de sur-collatéralisation. Cela devrait, toutefois, davantage concerner les établissements britanniques et espagnols, plus exposés au risque immobilier (les incitant à privilégier l’émission de RMBS).
Les dépôts de la clientèle, clé d’un meilleur profil de liquidité. Les dépôts de la clientèle constituent une ressource privilégiée pour les banques. Ils se sont, en outre, révélés un gage de résistance alors que les tensions sur la liquidité de marché s’exacerbaient (moindre vulnérabilité des établissements se caractérisant par des taux élevés de couverture des prêts par les dépôts clientèle). Les autorités publiques (renforcement des dispositifs de garanties des dépôts afin de limiter le risque de ruée bancaire, bank run) et les établissements de crédit (communication plus offensive sur la position de liquidité offerte par la cible lors des opérations de fusions et acquisitions(52), multiplication des offres promotionnelles sous la forme de “super-livrets” notamment) les ont, de ce fait, placés au centre de leurs stratégies.
En 2009, à supposer que les tensions sur le marché interbancaire se dissipent à la faveur des plans de liquidité, la détente de la politique monétaire, appelée à se poursuivre, devrait permettre une reconstitution des marges apparentes sur les ressources(53). Au-delà de l’effet direct sur la position acquise de taux (hors dépôts à vue, la rémunération des placements est indexée sur les taux de marché), la baisse des taux monétaires devrait diminuer le coût des ressources bilancielles en limitant l’incidence des comportements d’arbitrage de la clientèle(54) (d’autant que la dégradation du contexte économique pourrait inciter les ménages à se constituer une épargne de précaution à vue). Déjà moins affectés par la crise de liquidité, puisque moins dépendants des financements de marché, les caisses d’épargne (hors cajas) et établissements mutualistes européens, qui s’appuient sur des matelas de dépôts confortables (les dépôts de la clientèle représentaient 40 à 68% des bilans de ces établissements en septembre 2008) et qui se partagent des parts de marché significatives en termes de collecte de dépôts, devraient davantage en bénéficier.
L’enjeu étant le retour de la confiance, le dimensionnement généreux des plans était souhaitable, d’autant que seuls les capitaux effectivement injectés ou les garanties mobilisées auront des implications budgétaires et que les rémunérations perçues rendront l’investissement gagnant pour les Etats et les contribuables. Pour l’heure, l’utilisation encore très partielle des enveloppes dédiées aux garanties apparaît plutôt rassurante. Certes, les améliorations restent timides et les ressources bancaires supportent encore des taux d’intérêt anormalement élevés, mais les mesures prises par les autorités monétaires et budgétaires ont sans doute permis d’éviter le pire, après le naufrage de Lehman Brothers. Le rétablissement des conditions propices à la circulation de la liquidité ne sera, toutefois, que progressif, tributaire de l’appaisement des inquiétudes.
L’encours de crédit distribué par les institutions financières au sein de la zone euro connaît un ralentissement sensible dans toutes ses composantes.
Si la distinction entre offre et demande de financements se heurte traditionnellement à des difficultés méthodologiques, le contraste entre l’évolution des concours accordés aux entreprises non financières, qui conservent un rythme de progression soutenu (+11,1% en glissement annuel en novembre 2008 contre 14,5% en décembre 2007), notamment au regard des statistiques d’activité, et la croissance plus modeste des prêts aux ménages (+2,5% après 6,2%) milite toutefois en faveur de l’absence d’une contrainte d’offre tangible frappant indistinctement toutes les catégories de clientèle.
Ce constat ne remet pas en cause, loin s’en faut, l’intérêt du renforcement préventif de la solvabilité bancaire. Le coût du risque constitue, certes, un indicateur retardé du cycle, mais la gestion des ratios de solvabilité selon une approche dynamique peut conduire à une manifestation de la contrainte de capital en amont du creux conjoncturel, de nature à aggraver la récession annoncée. L’alourdissement des pertes au quatrième trimestre et la détérioration des perspectives rendent vraisemblablement l’utilisation, avant la fin du premier trimestre 2009, de tout ou partie du solde disponible au sein des enveloppes dédiées à la consolidation des fonds propres prudentiels. En subordonnant l’accès aux dispositifs en faveur de la liquidité au renforcement préventif de la solvabilité bancaire, les plans de soutien ont fait de ce dernier une modalité quasi obligatoire. En éloignant le spectre d’un capital crunch, le volet solvabilité devrait contribuer à éviter que la récession ne se mue en longue dépression.
L’influence de la gestion d’une crise bancaire par les autorités budgétaires et monétaires sur son ampleur et sa durée n’est plus à démontrer. Le système bancaire est un rouage de la politique économique, dont la bonne santé conditionne l’efficacité des plans de relance budgétaire et de l’assouplissement de la politique monétaire. L’année 2009 en aura bien besoin. (achevé de rédiger le 16 janvier 2009)
NOTES
(1) D’autres appels d’offre consistent en des mises en pensions de titres notés au minimum AA et s’assimilent donc à des opérations de refinancement, qui font l’objet de la deuxième partie de cet article.
(2) Le ratio des capitaux propres comptables au total de bilan des banques commerciales américaines, qui évolue à l’inverse du levier, est passé, en moyenne, de plus 50% vers 1840 à environ 7% au cours des années 1970 et 1980. Cf. Berger, A.N.,Herring, R.J., Szegö, G.P. (1995) : “The role of capital in financial institutions”, Journal of Banking and Finance, Vol. 19, N° 3-4, Juin, pp. 393-430.
(3) Bernanke B., Blinder A., 1988, “Credit, Money and aggregate demand”, American Economic Review, vol 78, no 2, pages 435-39.
(4) Bernanke B., Gertler M., 1995, “Inside the Black Box: The Credit Channel of Monetary Policy”, Journal of Economic Perspectives, Vol 9, no 4, pages 27-48.
(5) Honda Y., Kawahara F., Kohara H., 1995, “Credit crunch in Japan”, Discussion Paper no. 8, Research Institute, Ministry of Post and Communication.
(6) Woo D, 2003, “In search of capital crunch: supply factors behind the credit slowdown in Japan”, Journal of Money, Credit and Banking, vol 35, no 6, Décembre, Part I, pages 1019-38.
(7) Au-delà des dispositions contractuelles, le gouvernement ouvre la possibilité aux banques qui le peuvent de rembourser les actions de préférence dès 2009 afin d’autoriser de nouveau les versements de dividendes sur les actions ordinaires.
(8)De l’ordre de 500 000 euros.
(9) La BayernLB a réduit de 5,4 milliards à 3 milliards d’euros sa demande d’injection de capital réglementaire auprès du SoFFin, après le soutien apporté par le Land de Bavière. A l’issue de l’opération -3 milliards ont été libérés en décembre 2008 et 4 milliards le seront au cours du premier trimestre 2009-, le Land de Bavière deviendra le premier actionnaire de la banque publique régionale.
(10) La West LB a annoncé le 27 novembre un besoin de recapitalisation “inférieur à celui de la Banque LBBW” (5 milliards d’euros).
(11) Loi de finances rectificative n°2008-1061 du 16 octobre 2008.
(12) La Commission européenne a validé le 8 décembre une version modifiée du volet fonds propres du plan de soutien aux banques française pour une enveloppe de 21 milliards d’euros, contre 40 milliards d’euros initialement, comprenant les 10,5 milliards de titres subordonnés souscrits le 11 décembre 2008.
(13)Au-delà de cinq ans, les établissements verseront un taux de rémunération révisable, indexé sur l’Euribor 3 mois.
(14) Cette clause de rachat fait l’objet d’un contrat indépendant du contrat d’émission et n’affecte donc aucunement les caractéristiques des titres.
(15) Cf. Communiqué de presse de Sydney, 27 octobre 1998. (16) Il en résulte que plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, membres de l’Union européenne mais n’appartenant pas au G10, n’admettent toujours pas ces titres comme composante des fonds propres réglementaires.
(17) Loi de sécurité financière.
(18) Sauf en cas de non-paiement du dividende attaché aux actions de préférence.
(19)Lorsque certains évènements affectent l’actif (paragraphes a à e), la norme IAS 39 requiert une dépréciation qui diffère conceptuellement d’une simple moins-value inhérente à une baisse du prix. La dépréciation constitue en effet une indication objective de perte de valeur qui résulte d’une diminution des flux de trésorerie attendus de l’actif. Ainsi, une chute du prix liée à une baisse de la demande sur le marché de l’actif considéré n’est pas constitutive d’une dépréciation.
(20) Pour le sous-échantillon de grandes banques ayant publié leurs résultats du troisième trimestre 2008. Source : “Financial Stability Review”, Banque Centrale Européenne, Décembre 2008.
(21) Le plancher réglementaire sera abaissé à 80% en 2009 avant de disparaître en 2010.
(22) Selon Bloomberg, au 9 janvier 2009.
(23) Bernanke B.S. et Blinder A. (1988), Credit, Money and Aggregate Demand, American Economic Review Papers and Proceedings, vol 78, n°2, pp. 435-439.
(24)Pour une présentation des plans, voir Laurent Quignon et Eric Vergnaud : “Union européenne : crise financière, les gouvernements déterminés à restaurer la confiance”, EcoWeek, publication hebdomadaire BNP Paribas, n°08-41, 17/10/2008 et “To The Rescue”, publication quotidienne BNP Paribas, Global Markets.
(25)Comme pour les plans de recapitalisation, la participation des établissements de crédit à ces dispositifs de refinancement a pu être freinée par crainte de l’effet stigmatisant d’un appel aux plans.
(26) La transparence du schéma français (un unique emprunteur pour une centaine d’établissements potentiellement bénéficiaires, une plus grande visibilité quant aux émissions prévues) explique, sans doute, qu’il ait autant séduit les investisseurs : lors des deux émissions de la SFFE, à la fin 2008, les carnets d’ordre sont restés fournis bien que l’offre de titres de dette bancaires bénéficiant d’une garantie d’Etat se soit étoffée et bien que les rendements servis aient été bien inférieurs à ceux offerts par les banques britanniques. Précisons que, même si les obligations de la SFFE bénéficient d’une notation ‘AAA’, comme elles ne constituent pas de la dette souveraine en soi, elles sont émises avec une marge (environ 72 pb au-dessus du taux BTAN dans le cas des deux émissions de la SFFE en 2008). Contrairement aux émissions d’emprunts d’Etat opérées par adjudication, elles sont effectuées par syndication (pour celles de 2008, BNP Paribas, Calyon, HSBC, Natixis et Société Générale ont joué les chefs de file et teneurs de marché).
(27) Pour les émissions à moins d’un an, elle peut être fixe ; au-delà (de un an à cinq ans), elle est généralement égale au prix médian du CDS à 5 ans de l’établissement de crédit augmenté de 50 ou 60 points de base. Si l’établissement n’a pas de CDS représentatif, mais dispose d’une notation, le coût de la garantie correspond à la valeur du CDS médian de la catégorie de notation de l’établissement de crédit augmenté de la marge. Si l’établissement n’a ni CDS représentatif ni notation, la commission est égale au CDS médian de la catégorie de notation la plus basse à laquelle s’ajoute la marge.Lorsque la facilité d’accès à la liquidité est collatéralisée, la marge est inférieure (20 pb dans le plan français).
(28) Un CDS est un contrat de protection contre le risque de défaut de paiement de l’émetteur de dette. Il mesure la prime à verser pour assurer la dette de cet émetteur. Il dépend notamment du ratio de solvabilité, de la qualité des actifs, de la capacité bénéficiaire et du risque de liquidité de l’émetteur.
(29) Le taux mid-swap est l’indice de référence des emprunts obligataires.
(30) Tandis que les émissions garanties des banques britanniques ont offert un rendement moyen de 20 à 30 pb au-dessus du taux mid-swap, les deux émissions obligataires de la SFFE, mieux accueillies, ont été, respectivement, assorties de marges de 5 pb et de 4 pb. Le 5 décembre 2008, le portugais Caixa General de Depositos a émis 1,25 milliard d’euros d’obligations à 3 ans avec une marge de 85 pb au-dessus du taux mid-swap.
(31) Comme les dépôts de la clientèle ne couvrent pas les prêts, les banques européennes ont recours au marché pour se refinancer. Or, toutes les sources de financement (prêts interbancaires, certificats de dépôts, titrisation de créances, émissions de dettes à moyen-long terme) se sont taries.
(32) L’indisponibilité de données homogènes entre banques sur les profils d’échéances des éléments du passif par position de taux rend difficile la mesure de la sensibilité relative du passif à la liquidité des marchés monétaires (financement à court terme) et financiers (financement à moyen-long terme) et au mouvement des taux courts et longs. En outre, l’existence de contrats permettant aux établissements de couvrir le risque de taux via des instruments dérivés (swap de taux) brouille l’analyse des bilans. Malgré ces insuffisances, la structure du bilan est une première indication de la dépendance relative des établissements au marché.
(33) Pour plus de détails, voir Clemente De Lucia et Eric Vergnaud : “BCE: face à la crise de liquidité”, EcoWeek, publication hebdomadaire BNP Paribas, n°08-43, 31/10/2008.
(34)Par ces opérations dites repo ou reverse repo, la Banque centrale échange de la monnaie contre des titres financiers sur le marché interbancaire. En contrepartie de la prise en pension, la Banque centrale fixe une clause de rachat des titres à une échéance donnée et à un prix déterminé.
(35) Depuis les 15 et 30 octobre 2008, les opérations d’open market (opérations principales de refinancement et à plus long terme) ne sont plus menées par enchères plafonnées mais par adjudications à taux fixe non plafonnées. La BCE alloue toutes les demandes de liquidités des établissements à un taux fixe, égal au taux des opérations principales de refinancement (2,5% depuis le 10 décembre 2008). Cela devrait rester en vigueur au moins jusqu’à la fin mars 2009. La BCE a, en outre, procédé à des opérations de refinancement à terme spécifique, conduites depuis le 3 novembre au taux principal, et à des opérations en dollar dans le cadre d’accords de swap de devises avec la Fed, la BoE et la BNS.
(36) Depuis le 9 octobre 2008, le corridor des facilités standards a été réduit de 200 à 100 pb par rapport au taux des opérations principales : le taux de la facilité de prêt marginal s’établit à 50 pb au-dessus du taux principal (3% depuis le 10 décembre) et le taux de la facilité de dépôt à 50 pb au-dessous du taux principal (2%). Ces 2 dispositions resteront en vigueur jusqu’au 20 janvier 2009.
(37) Le 15 octobre 2008, la BCE a élargi temporairement la gamme des actifs éligibles aux fins des opérations de refinancement. La liste des collatéraux a été ouverte aux certificats de dépôt non cotés émis par les établissements de crédit (également ceux libellés en USD, GBP et JPY) (pour les banques françaises, cela équivaut à une enveloppe de refinancement de près de 400 milliards d’euros), aux actifs subordonnés présentant des garanties adéquates, aux dépôts à terme effectués par des contreparties éligibles. L’exigence minimale en matière d’évaluation de la qualité de signature des actifs éligibles est passée de ‘A-’ à ‘BBB-’, à l’exception des titres adossés à des actifs (ABS). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er décembre 2008 et le resteront jusqu’au 31 décembre 2009. x
(38) La titrisation consiste, pour une banque, à transformer un portefeuille de créances en titres négociables sur un marché financier, via une entité ad-hoc, afin d’améliorer ses conditions de refinancement et d’optimiser la gestion de ses fonds propres en cédant une partie de ces actifs et/ou en externalisant une partie des risques auxquels ces actifs sont exposés. Les assets backed securities (ABS) désignent les titres émis par les véhicules de titrisation afin de financer l’achat d’actifs, par exemple des créances clientèles. Selon la nature de l’actif sous-jacent, on parle de mortgage backed securities (MBS)(titres représentatifs d’un portefeuille de prêts hypothécaires) (déclinés en residential mortgage backed securities RMBS et commercial mortgage backed securities CMBS), de collateralised debt obligations (CDO) (titres représentatifs de portefeuilles composés de créances bancaires, d’instruments financiers négociables ou de dérivés de crédit) …
(39) Les covered bonds sont des obligations sécurisées par des portefeuilles de créances (prêts au secteur public et prêts hypothécaires) inscrites au bilan de l’émetteur et qui bénéficient, à ce titre, de bonnes notations. Il ne s’agit pas de titrisation, au sens strict du terme, dès lors que le risque demeure dans le bilan de l’émetteur. C’est, en revanche, un moyen de faciliter l’obtention de financements via l’octroi d’une garantie, publique ou hypothécaire, à l’acquéreur du titre de dette. En 2007, les Pfandbriefe allemands représentaient à peu près 60% du marché européen des covered bonds, 34% du marché Jumbo en euro.
(40)Selon l’ESF, en Europe, 91% des nouvelles émissions de titres (99% pour les RMBS) ont été “retenues” au premier semestre 2008.
(41)Véhicules de titrisation.
(42) Depuis le troisième trimestre 2008, ces papiers sont éligibles aux opérations de refinancement de la BoE.
(43) Les statistiques de la Banque d’Espagne concernent la titrisation de créances, au sens large (à l’actif et au passif du bilan des établissements de crédit), puisqu’elles incluent les émissions de Cédulas hipotecarias.
(44) Cela a contribué à élever l’exposition des banques commerciales au marché de la titrisation : leurs émissions de créances titrisées ayant plus que doublé en un an, elles sont devenues, en 2007, les premières initiatrices d’émissions (52,1% contre 36,5% en 2006) devant les caisses d’épargne, cajas (42,7% contre 51,1%).
(45) Même si la qualité du crédit en Espagne reste remarquablement élevée, elle s’est toutefois fortement dégradée : le ratio des créances douteuses aux créances brutes de l’ensemble des établissements de crédit est passé de 0,8% en septembre 2007 à 2,6% en septembre 2008.
(46) En Espagne, la règle de provisionnement dynamique, instituée par la Banque d’Espagne depuis la fin de 1999, en imposant un lissage des dotations aux provisions sur le cycle du crédit, devrait permettre d’atténuer la sensibilité des résultats bancaires à la conjoncture économique. Toutefois, sous l’hypothèse d’une hausse encore sensible du risque de contrepartie, le matelas de provisions pourrait être insuffisantpour couvrir les pertes dues aux défauts de paiement.
(47)Hypo Real Estate a bénéficié, en octobre 2008, d’un plan de sauvetage orchestré par le gouvernement, la Bundesbank et un corsortium de banques, sous la forme d’une ligne de crédit de 50 milliards d’euros.
(48) Les émissions bénéficiant du label Jumbo doivent respecter certaines normes d’émission et de tenue de marché se rapprochant des standards en vigueur sur les grands marchés obligataires internationaux.
(49) Aucun plan ne garantit explicitement les émissions de covered bonds (hors Irlande). Toutefois, les émissions de Cédulas espagnoles sont éligibles, depuis octobre 2008, au programme d’achats des actifs financiers espagnols, le FAAF, et les Covered bonds britanniques, émis en sterling, au programme d’échange du SLS.
(50)Les établissements britanniques n’ont quasiment pas émis sur le marché en euros en 2008, la majorité des émissions ayant été réalisée en sterling afin de répondre aux exigences du SLS (mis en place en avril 2008).
(51) Jusqu’en 2005, les nouvelles émissions d’emprunts des Landesbanken allemandes bénéficiaient de garanties étatiques (Anstaltslast et Gewährträgerhaftung) leur assurant des conditions de refinancement avantageuses sur les marchés financiers. Jugeant qu’elles constituaient une distorsion de concurrence, la Commission européenne a décidé, en 2001, de les abolir à compter du 18 juillet 2005. Leur suppression n’étant pas rétroactive, les émissions effectuées avant le 18 juillet 2001 ou entre le 19 juillet 2001 et le 15 juillet 2005 et dont la maturité n’excède pas le 31 décembre 2015, bénéficient toujours de la caution publique. Au deuxième trimestre 2008, ces titres représentaient la contrepartie de près de 49% des émissions de Pfandbriefe publiques.
(52)Par exemple, l’achat d’Alliance & Leicester et du réseau de Bradford & Bingley par Santander a fait passer la part d’Abbey National, acquise par l’espagnol en 2004, sur le marché des dépôts des particuliers britanniques de 5,9% à 9,9% derrière l’ensemble Lloyds TSB-HSBC et RBS.
(53)Une marge apparente sur ressources peut être estimée en comparant un taux moyen des ressources, défini comme le ratio des intérêts versés aux actifs productifs de l’établissement concerné, à un taux de refinancement bancaire de référence (par exemple, l’Euribor 3 mois).
(54) A la faveur d’une courbe des taux plus favorable aux dépôts à terme de maturité inférieure à deux ans, les ménages et entreprises ont, depuis l’été 2007, arbitré, dans la zone euro, en faveur de ces placements au détriment des dépôts à vue et des dépôts à plus de deux ans. La part des dépôts à terme (toutes maturités confondues) dans le total des dépôts collectés par l’ensemble des établissements de crédit a, dès lors, atteint des niveaux historiques : en septembre 2008, 62,2% en Espagne, 48,4% en Allemagne, 44,81% au Royaume-Uni.