BCE : et si le cycle de baisse des taux était ajourné ?

par Maxime Mura, Gérant Taux et Crédit IG chez Swiss Life Asset Managers France

Le maintien des taux directeurs à leur niveau actuel pourrait aggraver les risques de récession en zone euro. Nous avons étudié un scénario alternatif qui n’anticipe pas un nouveau cycle de baisse des taux et leurs impacts sur le marché.

Jeudi 6 juin, la Banque centrale européenne (BCE), en réunion du Conseil des gouverneurs, devrait annoncer, sauf surprise, une première baisse de ses taux directeurs de 0,25%, marquant ainsi le « pivot » tant attendu. Ce recul des taux est indispensable pour relancer les investissements et soutenir l’économie allemande, leader en zone euro, menacée de récession. Il nous semble alors peu probable que la BCE opte pour le statuquo lors de cette réunion.

Pour autant, les assouplissements monétaires anticipés à 100% par les analystes et qui n’ont finalement pas lieu sont fréquents dans la vie des marchés européens. En début d’année par exemple, les investisseurs annonçaient un premier mouvement de baisse en avril. Des surprises restent donc possibles et les « colombes » de la BCE ne doivent pas encore crier victoire. D’autant plus qu’au sein de la BCE, le camp des « faucons », en faveur d’une politique monétaire plus stricte, n’a pas dit son dernier mot alors que les facteurs inflationnistes devraient persister durablement.

Des facteurs inflationnistes puissants en zone euro

Parmi les principaux indicateurs susceptibles d’appuyer l’ajournement de la baisse des taux, la croissance des salaires en zone euro est ressortie à 4,69% au premier trimestre, en augmentation par rapport au trimestre précédent (vs. 4,45% au T4 2023). D’autre part, le financement de la transition climatique devrait mobiliser des sommes considérables au cours des prochaines années et constitue un facteur durablement inflationniste, appelé « greenflation ». En outre, l’évolution du commerce mondial et la tendance à la relocalisation des activités industrielles devraient rehausser les prix de production sur le Vieux Continent. Enfin, les prix des services pourraient se maintenir durablement à la hausse, soutenus par la forte demande des consommateurs européens.

Des arguments qui incitent à la prudence sur le cycle de baisse des taux à venir en Europe alors même que la Fed n’a pour le moment montré aucun signe d’assouplissement. Au-delà de la situation conjoncturelle de 2024, la baisse probable de juin pourrait ainsi être interprétée comme une simple correction de l’institution monétaire des effets négatifs de la dernière hausse des taux effectuée en septembre dernier, alors même que l’inflation avait déjà commencé à se réduire significativement.

Aucun scénario de marché ne peut être pris pour une vérité absolue alors que de nombreuses incertitudes demeurent. En revanche, les anticipations de baisse des taux devraient générer de la volatilité sur les marchés obligataires. Il est donc judicieux pour les investisseurs exposés de couvrir leurs portefeuilles contre ce risque.